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Hervé Poulalier s'est lancé dans la réalisation de son projet dès 2003, tout en conservant son emploi à mi-temps dans une petite carrosserie industrielle de La Talaudière. Originaire du Roannais, il a repris à son compte l'idée de l'élevage de bisons des Monts de la Madeleine. Et son aventure partait d'un constat simple : « Toutes proportions gardées, les Français sont de gros consommateurs de viande de bison. La production française ne couvre que 10% de la consommation française. Le reste est importé d'Amérique du Nord ou de Belgique. Il y a donc un marché potentiel en terme de clientèle.»
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Mais il aura fallu deux années de formation (au lycée agricole de Précieux), des stages dans des élevages spécifiques (à Montluçon, dans le Jura, dans la Somme..), des tombereaux de démarches administratives et des travaux importants dans le parc destiné à les accueillir, avant que les quatre premières femelles pleines arrivent sur la commune de Luriecq. En mai 2005, la famille Poulalier fêtaient les premières naissances. Des mâles, destinés à la boucherie ont été achetés et aujourd'hui, ce sont une dizaine de têtes qui paissent dans un parc très sécurisé. Son élevage n'ayant que deux ans d'âge, Hervé Poulalier se garde bien de crier victoire mais il peut aussi, à juste titre, être heureux de son petit bout de chemin: « Il faut reconnaître qu'au départ, j'avais pas vraiment d'atouts dans mon jeu. Je ne suis pas du métier ; je n'avais pas d'exploitation donc il m'a fallu trouver un site et puis surtout, je m'installais dans une production marginale. Parce que ce type de production est très récente en France ; la première date du début des années 90. Je dois dire aussi que dans l'ensemble j'ai quand même trouvé des aides. Mais c'est vrai ; ça n'a pas été simple. Il a fallu faire des efforts pour convaincre. »
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Il s'agit ici de « Bisons bison », de l'espèce de ceux qui, avant le grand massacre des « visages pâles », couvraient d'un manteau de fourrure les grandes prairies américaines. Dix bisons seulement, et c'est déjà impressionnant ! Au début du XIXème siècle, la population de bisons aux Etats-Unis était estimée à 25 millions de têtes ! Qu'on imagine un troupeau de centaines de milliers de bisons en mouvement !* Bref, ceci pour dire qu'il existe deux autres sous-espèces dont celle du Bison d'Europe, que chassait Charlemagne. Disparue à l'état naturel après la première guerre mondiale, elle a été réintroduite peu à peu et aujourd'hui survit surtout en captivité, notamment dans le parc de Sainte-Eulalie, en Margeride. Hervé Poulalier : « La grosse différence au point de vue morphologique se situe au niveau de la disproportion entre le train avant, chez le bison américain beaucoup plus haut au garrot que le train arrière. Par rapport à la vache, le bison a une paire de côte supplémentaire. Et puis, il y a bien sûr la toison caractéristique.»
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La chambre de contention, fabriquée aux Etats-Unis
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Quant à ses belles américaines, il n'est pas allé les chercher bien loin. Il les a acheté à l'élevage des Monts de la Madeleine, au nord du département. Mais précisons bien que, contrairement à celui de Saint-Rirand, l'élevage des Monts du Forez, sauf exception, ne se visite pas. Le projet de l'éleveur, qui est aussi « transformateur et vendeur sans intermédiaires », serait plutôt, outre l'achat d'un mâle reproducteur, d'axer sa démarche commerciale vers l'aspect gastronomique du produit, en créant une petite boutique, en organisant des dégustations etc. Pour l'heure, la vente de sa petite production (trois bêtes tuées par an soit 600 kilos de viande environ) se fait directement sur place, à Nurols, ou sur les marchés. Il arrive aussi qu'il soit sollicité par des restaurateurs du coin. Quels produits ? Saucissons, terrines, filets, faux-filets, entrecôtes, bavettes... « C'est une viande un peu plus rouge que celle du boeuf. La fibre est plus courte et plus fine, ce qui en fait, globalement, une viande vraiment très tendre, même dans les bas morceaux. Au niveau du goût, il est moins relevé que le gibier, et à peine plus que le boeuf. »
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* Un petit laius: Il ne reste aujourd'hui qu'une trentaine de milliers de bisons aux Etats-Unis. Leur extermination par les Anglo-saxons alla de pair avec celle des nations indiennes pour lesquelles l'animal était primordial dans leur vie quotidienne.A tel point qu'on retrouve la même racine dans les mots sioux Lakota "bison" (Tatanka) et "Dieu" ou "Grand Esprit" (Wakatanka). De sa peau, ils faisaient leur tipis et leurs vêtements. Avec les nerfs, du fil à coudre; la bouse servait de combustible. Avec les os, ils fabriquaient des alènes, avec les vessies des brocs et des récipients. En exterminant les bisons, pour leur peau vendues un dollar la pièce, les Blancs ont transformé les grandes prairies en une cuvette de poussière et ont brisé spirituellement les cavaliers des plaines. Une réalité aujourd'hui bien connue grâce à certains films, notamment « Danse avec les loups » de Costner et, bien avant lui, « La dernière chasse » de Richard Brooks.