Tuesday, November 28, 2023
Thierry Gueorgiou a 28 ans. "Stéphanois depuis toujours", il restera aussi sans doute, et pour très longtemps, une référence dans le petit monde de la course d'orientation. C'est simple, dans son domaine il a tout raflé. De la même façon que Douillet a chipé le judo aux Japonais, il a "volé" aux Scandinaves leur sport national. A tel point qu'il en est à  leur prodiguer ses conseils ! Et pourtant, loin d'être blasé, il prépare déjà  sa saison 2008 et espère bien moissonner d'autres médailles d'or. Petit entretien avec un sportif aux semelles de vents...

Cet article, ancien, ne tient pas compte des derniers titres glanés et dont on aurait du mal à  faire le comptage.
 
 
Thierry, est-ce que tu peux nous rappeler ton palmarès ?
 
Quintuple champion du monde, quadruple champion d'Europe et n° 1 mondial de course d'orientation.

Je crois savoir que tu es également champion du monde militaire ...

Oui, depuis 2006 un contrat particulier me lie avec la Gendarmerie nationale que je représente dans les compétitions internationales. Normalement je devrais être à  Maison Alfort, en région parisienne, mais je suis détaché à  plein temps au Pôle France de Saint-Etienne, la structure d'entraînement de la Fédération. 

Et tu es pro depuis quand ?


Depuis 2004. J'ai fais des études d'éthologie appliquée à  l'Université de Saint-Etienne. L'éthologie c'est l'étude du comportement animal. C'est une formation assez rare en France, seulement dans deux ou trois villes. J'ai mon diplôme et à  l'origine je souhaitais exercer une profession dans ce domaine, gestionnaire d'un parc national par exemple, mais j'ai mis ce projet entre parenthèses parce que mes activités sportives m'amènent à  passer les deux tiers de mon temps hors de Saint-Etienne, dont une bonne partie à  l'étranger.
 
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Un mot sur le NOSE ?

C'est mon club, "Nature Orientation Saint-Etienne", le meilleur de France. Il existe depuis 1975 et compte une centaine de licenciés. Il a remporté le titre de Champion de France des clubs cette année et une dizaine de ses coureurs sont sélectionnés en équipe de France, dont François Gonon notamment. J'en fais partie depuis 1984. Mes parents y exerçaient des responsabilités. Ma mère en était la présidente et mon père était entraîneur.

Qu'est-ce qui te plait dans la course d'orientation ?

C'est un sport complet. Il y a tout l'aspect physique, l'entraînement foncier qui s'approche de l'entraînement d'un marathonien. Il y a bien sûr le côté mental qui joue un rôle important, la lecture sur carte, le contre-la-montre... C'est aussi LE sport nature par excellence; on sort vraiment des sentiers battus, on pénètre au coeur de la forêt. C'est une aventure à  chaque fois différente. Du débutant au confirmé il y a cette même envie de liberté, de faire son propre choix d'itinéraire. Dans l'athlétisme par exemple, la piste fera toujours 400 mètres, que ce soit ici ou au Japon. Dans notre discipline, cette notion de distance ne signifie pas grand chose. On peut faire dix km en une heure et demie comme en quarante minutes. Dans la course d'orientation, tu trouveras jamais deux forêts semblables. C'est un éternel recommencement. En Autralie ou dans le Pilat, au Japon ou en Scandinavie, tu dois t'adapter à  chaque fois, on ne tourne jamais en rond....

Tu nous expliques le principe  ?

C'est très simple. Chaque coureur a une boussole-pousse et une carte au 1/10 000e qui, contrairement à  une carte IGN classique, indique beaucoup plus de détails sur le relief du terrain, les petits rochers etc. A partir du moment où le chrono démarre, le coureur doit faire son parcours avec des points de passage obligatoires. Ceux-ci sont marqués par une balise en toile de 30cm sur 30 et il doit valider son passage par un système de poinçonnage électronique. Le principe c'est d'aller le plus vite possible d'une balise à  une autre sur tout le parcours.
 
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Mais entre chaque point de passage, le coureur choisit son propre itinéraire. La ligne droite évidemment n'est pas la plus rapide. Il doit faire avec les infranchissables, lacs et mouvements de relief... Le temps mis à  parcourir le tracé de la course dépend surtout du milieu. Sur un terrain comme celui du Pilat, ou en Finlande, où le relief est plus cassant, sur une même distance théorique on pourra mettre presque le double de temps que sur un relief plat.

Les courses se font en individuel mais il existe aussi des épreuves de relai, par équipes de trois.

Qu'est-ce qui est le plus difficile dans l'exercice de ce sport ?

La connaissance du relief. Il faut apprendre à  imaginer le terrain en 3D. C'est pas évident du tout. Je me suis aperçu que les femmes semblent avoir plus de mal à  posséder cette vision en trois dimensions, même si elles compensent par d'autres qualités, elles sont plus attentives par exemple. Mais tous les hommes ne possèdent pas non plus cette capacité mentale. Comme dans tous les sports, c'est un long apprentissage où l'entraînement technique, le vécu des situations et le nombre de forêts "visitées" jouent un grand rôle. C'est au fil du temps que le coureur apprend à  adapter son comportement et à  réagir de plus en plus vite.

Tu évoques beaucoup la Scandinavie, la course d'orientation y-est-elle très pratiquée ?

Absolument. Elle est née il y a une centaine d'année en Norvège et pour tous les coureurs la Scandinavie reste la mecque de la course d'orientation. Toutes les meilleures compétitions s'y déroulent, dans des paysages magnifiques...
 
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Ton programme pour 2008 ?


Les Championnats d'Europe en Lettonie, en mai, et les Championnats du monde en août, en République tchèque.

N'es-tu pas déçu du peu d'intérêt des médias pour ton sport et tes performances ?

C'est une question qu'on me pose souvent. Ma vie serait différente avec plus de médiatisation. A titre personnel, j'aurai plus de facilités pécunières mais je gagne suffisamment d'argent pour faire mes stages et j'arrive à  faire ce qui me plaît. Et puis, d'un autre côté, je me dis que l'esprit de la course d'orientation en prendrait un coup. C'est un sport qui est encore préservé de certains travers, dopage et tricheries, alors ce n'est peut-être pas plus mal qu'il reste confidentiel. En tout cas, je n'aurai aucun regrets quand j'arrêterai.

Dernière question: tu n'es pas blasé maintenant que tu as tout raflé ?


Non. Avoir été Champion du monde en 2003, c'était réaliser un rêve de gosse. Et puis après, je me suis aperçu que ce n'était finalement pas si extraordinaire que ça. Ce qui compte, ce n'est pas la médaille autour du cou, c'est tout ce qu'il y a autour: la préparation, la découverte, la compétition. Chaque fois c'est une nouvelle histoire à  écrire. C'est ce qui fait la beauté du sport...