
Saint-Etienne (rebaptisée Armeville pendant la Révolution) demeure toujours la capitale française de l’arme et ce salon s’affirme cette année, non seulement comme le Salon des passionnés, mais aussi comme le Salon des professionnels. Trois assemblées importantes s’y sont déroulées durant le week-end :
- L’assemblée générale du Syndicat National des Fabricants d’Armes et de Munitions ;
- L’assemblée générale de la Chambre Syndicale des Armuriers et des Commerçants détaillants en armes et munitions ;
- L’assemblée générale de l’Association Française des Amateurs d’armes.


Inauguration par Pascal Clément
Plus de 10 000 visiteurs étaient venus en 2005. En 2006, une centaine d’ exposants sont réunis pour accueillir le public. Les armes de chasse sont représentées par les grands noms traditionnels. Les marques stéphanoises d’abord : Bretton et Gaucher (les deux sociétés ont fusionné en 2000) qui, en plus de la fabrication de sa gamme de produits, effectue la remise en état complète des fusils et carabines : ajustage, polissage, gravure, bronzage, rénovation des bois… Paul Demas qui depuis 1967 réalise des fusils et carabines en utilisant des techniques artisanales dans la plus pure tradition stéphanoise. Verney-Carron, la célèbre marque au Sagittaire, faiseur de fusils depuis 1650 à Saint-Etienne et leader des fabricants français d'armes de chasse. Manufrance (ou ce qu’il en reste) : est-il encore besoin de présenter la vieille dame ? Darne… A noter encore Pierre Artisant, de Saint-Bonnet-le-Château et Latour et Fils de Boen-sur-Lignon. Et puis bien sûr les noms étrangers incontournables : Winchester etc.


Armeville accorde aussi une large place aux artistes qui font d’une arme (blanche ou à feu) une œuvre d’art. On pense d’abord aux Meilleurs Ouvriers de France, sculpteurs sur crosse de bois comme Thierry Murgue ou graveurs et ciseleurs des platines de métal. Mais il n’y a pas que ces “ décorateurs d’armes ” qui sont présents au salon. D’autres font la démonstration de leur immense savoir-faire dans d’autres domaines.


Ainsi, Nicolas Salagnac (photo ci-dessus), 36 ans, artiste graveur, ne travaille pas sur les armes. C’est un médailleur. M.O.F. en 2000, il porte au cou le ruban tricolore et le symbole de son talent. Il vient d’achever la nouvelle médaille officielle de la Ville de Lyon et lors de notre rencontre à Armeville, travaillait sur une pièce en bronze pour le compte de la Chambre des Métiers. Au cours de notre brève discussion, il me fit part d’une préoccupation qui revint souvent au cours de mes déambulations au Salon : la transmission de son savoir-faire. Pour que son métier ne disparaisse pas, remplacé par des machines et surclassé par la production en série façon Pékin, il vient de déposer sa candidature pour être Maître d’Art et former des jeunes. Peut-être reverrons-nous aussi prochainement ce jeune et vaillant résistant à la Cité du Design, si, comme c’était initialement prévu, l’ensemble intègre un pôle de gravure.


Madame tire...

La Compagnie franche du Forez
Mais tiens ! En voila un qui a troqué sa panoplie de prof pour revêtir le kaki de l’ACA 42. L’Association des Chasseurs à l’Arc de la Loire, basée à Lorette, est une toute jeune structure (créée en décembre 2005) forte pour le moment de 25 membres passionnés. Comme son nom l’indique, elle regroupe dans la Loire les adeptes d’une chasse à l’arc, silencieuse et difficile. Mr Pichon, le trésorier-adjoint de l’assos nous en apprend plus sur cette pratique en répondant volontiers à mes questions. Et oui, la chasse à l’arc est autorisée en France, depuis 1995. Le postulant chasseur doit d’abord passer un permis de chasser classique avant de se voir décerner une attestation particulière. Sinon, elle obéit aux mêmes règles qui encadrent la chasse au fusil : il faut faire partie d’une assos, les dates d’ouverture sont les mêmes… Quel gibier ? " Tous les gibiers, ça dépend de la puissance de l’arc. Du petit gibier d’eau au sanglier, le chevreuil étant cependant le gibier de prédilection des chasseurs à l’arc." Tuer un sanglier d’un coup de fusil n’est cependant pas chose évidente, la bestiole est robuste, alors avec une flèche… "C’est tout le contraire, nous dit Mr Pichon, car la flèche (laquelle, ceci-dit au passage, doit-être obligatoirement marquée du n° de chasse du tireur) traverse l’animal et provoque l’hémorragie." On a dit parfois que la méthode était barbare ? "Allons donc, combien d’animaux sont estropiés par des mauvais coups de fusil et s’en vont crever pour rien ? Il faut s’approcher à 15 ou 20 mètres de l’animal pour avoir une chance de l’atteindre d’une flèche." A la chasse à l’arc, le tireur tue 20 à 30 fois moins de gibier. "C’est une vraie chasse, conclut notre archer, l’arc est une arme vieille comme le monde, et c’est une chasse silencieuse, pour des gens qui aiment vraiment la nature." A noter enfin que le tir, à l’ACAL, peut se faire aussi sur des cibles ou des cibles en 3D, mannequins d’animaux dispersés dans la nature.

Fusils Chassepot (1866) du Musée d'Art et d'Industrie
A l’autre bout du hall, nous attendent d’autres tireurs, célèbres dans le bassin stéphanois, qui utilisent leur souffle plutôt que leurs mains. Ce sont les fameux “ baveux ”. Nous n’allons pas retracer ici la longue histoire de la sarbacane dans notre région. Disons simplement que les chevaliers, à 8, 15 mètres, doivent planter leur trait (fléchette) dans le But (12 mm de diamètre !) au cœur d’une tourte circulaire de 190 mm de diamètre ! Le gagnant étant celui qui plante son trait au plus près du Piquillon, une pointe dressée au centre du But. Neuf associations composent le Comité Départemental des Jeux de Sarbacane de la Loire : le jeu de l’Aigle et du Champrond à Saint-Etienne, l’Avenir du Bois Monzil à St-Priest-en-jarez…

Et voici les louvetiers. Ils sont quinze, répartis sur tout le département, à perpétuer une fonction née sous Charlemagne il y a douze siècles. L'Empereur à la barbe fleurie créa la Louveterie pour protéger les habitants et les élevages des crocs des loups et autres bêtes sauvages. Sous l'Ancien Régime, le louvetier ou lieutenant de louveterie, représentant du roi, était un personnage considéré. Un nom en particulier est passé à la postérité, celui de Martin Denneval. Meilleur louvetier du royaume, l'homme avait 1200 loups à son tableau de chasse lorsqu'il fut dépêché en urgence dans le Gévaudan par Louis XV. Mais en vain le Normand traqua la bête affreuse.

Aujourd'hui, les lieutenants de louveterie sont nommés par le préfet sur proposition de la Direction Départemental de l'Agriculture et sur avis du président de la fédération départementale des chasseurs pour une durée de six années renouvelables. Le loup n'est plus, depuis longtemps et tout du moins en Forez, l'ennemi à abattre mais leur fonction consiste toujours à réguler les espèces nuisibles: sangliers, renards et corbeaux comme c'est parfois le cas à Feurs où 2000 à 3000 volatiles font les frais de leur dextérité. Mr Jean-Louis Decitre, lieutenant de louveterie sur le canton de Bourg-Argental précise leur rôle: "Nous sommes les intermédiaires entre le monde agricole et les chasseurs; on est un peu entre le marteau et l'enclume. En mission, nous sommes reconnaissables à notre uniforme et au képi lors des missions un peu plus "lourdes". Nous portons aussi une médaille. Nous pouvons constater les infractions à la police de la chasse dans notre circonscription et nos missions de régulation sont effectuées dans le cadre d'arrêtés préfectoraux."

Les sangliers en particulier, parce qu'ils causent d'importants dégâts dans les plantations, sont redoutés des agriculteurs. La DDA, contactée par l'exploitant victime du mammifère dépêche alors le lieutenant de louveterie du secteur qui dresse un constat à partir duquel il est ordonné ou non une battue administrative. Le lieutenant peut faire alors appel à toutes les bonnes volontés et la dépouille de l'animal qui, contrairement à une idée reçue n'est pas seulement robuste, mais également très intelligent, sera envoyée à l'équarrissage ou abandonnée aux chasseurs. A titre indicatif, chaque année, entre 1400 et 1800 sangliers sont abattus dans le département pour environ 1200 chasses par an au total.
Pas d'examen à passer pour accéder à cette fonction mais le recrutement se fait dans les milieux de la chasse et une bonne connaissance du monde agricole est également primordiale. Ce sont des bénévoles, le plus souvent des actifs en fin d'activité, qui endossent l'uniforme et ont la charge de préserver l'éthique de la chasse, avec fermeté et diplomatie. A noter enfin qu'une femme peut très bien être lieutenant de louveterie. Ce n'est pas le cas dans la Loire, pour le moment, mais il en existe une dizaine en France.

Griffons bleus de Gascogne
Avant de conclure notre petite visite à Armeville, un mot à propos de deux autres institutions stéphanoises uniques en France, présentes comme il se doit au Salon. D’abord, le Banc National d’Epreuve. Celui-ci, depuis 1960, a une mission très officielle : il doit contrôler en détail les armes, françaises et étrangères, avant chaque commercialisation et après chaque modification. Au terme de l’examen, les armes sont marquées du poinçon de Saint-Etienne. Il est chargé aussi de neutraliser les armes (collections…) et de contrôler les munitions et les matériaux.

L’autre particularisme stéphanois concerne son Ecole Française d’Armurerie qui rayonne à travers toute l’Europe via le lycée professionnel Benoît Fourneyron.
Liens:
http://www.salon-armeville.com/
http://www.bretton-gaucher.com/index.htm
http://www.demas.fr/
http://www.verney-carron.com/
http://www.nicolas-salagnac.com
Contact ACA 42 (Association des Chasseurs à l’Arc de la Loire) :
Jérôme Thomas, 2B, rue Charles de Gaulle, 42 420 Lorette
Courriel : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.
Contact Jeux de Sarbacane de la Loire :
Maison départementale des Sports, 4, rue des trois meules, 42 100 Saint-Etienne
04 77 59 56 81
http://www.banc-epreuve.fr/
