De la mise en ligne des illustrations des Très riches heures d'un irréductible païen.
"Je suis intimement persuadé qu'un brin d'humour, de poésie, de musique, de tendresse, est plus indispensable à la vie de l'homme qu'un plat de boeuf braisé à la façon bourguignonne. Quoique l'un n'empêche pas l'autre."
Pierre Zellmeyer
Nous envisageâmes de mettre en ligne Les Très riches heures d'un irréductible païen de Pierre Zellmeyer avant même d'avoir vu ses illustrations. Une interrogation cependant nous tracassait : quel était le message véhiculé par ces dessins ? L'artiste, dont nous apprécions le travail et auquel nous avons consacré un modeste article à l'occasion de son expo rétrospective se revendique libertaire(1). Or concernant la religion, nous savons bien que souvent, sous prétexte de libre pensée et en fait de critique de la religion, c'est surtout le Christianisme et en particulier l'Eglise Catholique qui en ramassent plein les dents. Il nous aurait semblé malvenu de participer ici de cette idée un peu facile, un peu lâche, tellement française. Il n'était d'ailleurs pas question non plus de déballer des images ciblant d'autres croyances, d'autres églises, d'autres pratiques, ni même encore les religions toutes fourrées ensembles dans un même sac. Fort bien mais que nous reste t-il alors ? Le seul essentiel: Dieu.
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Et c'était faire un mauvais procès d'intention à Zellmeyer que d'avoir pu envisager de sa part une démarche aussi basse. Ses dessins ne concernent pas les religions institutionnalisées, elles ne mettent pas en scène des personnages ou des dogmes, des rites ou des symboles(1), elles s'élèvent à la source, si on peut dire, elles s'attaquent (et s'attachent) à D', au Principe, à l'Etre éternel, créateur et malheureusement - pour lui ou pour nous ? - souverain maître de l'univers(2). Parfois avec une ironie mordante mais sans haine crasse, souvent avec humour, toujours avec tendresse, Zellmeyer fait mentir en partie ici les mots d'Henri Barbusse : " Dieu ce n'est pas quelqu'un, c'est un idéal."
Il nous dépeint justement un Dieu-quelqu'un, à l'image de l'homme, une personne complexe (personne !) qui doute, réfléchit, s'insurge pour pointer du doigt sa nature, ses contradictions, ses erreurs. Mais aussi souvent, à sa manière, sa transcendance car chez Zell, et ce n'est pas contradictoire, Dieu reste Dieu. En l'humanisant, en le diminuant, l'artiste ne nous dit-il pas à rebours qu'il reste à l'homme, avec ou sans Dieu, peut-être contre Dieu à s'élever et devenir enfin, à défaut d'un Dieu, d'abord un être humain ? *
* Ceci est valable pour le verset 1. A partir du verset II, Zell se refait franchement libertaire.
(1) La seule exception figure sur cette page. Les rares autres images " ciblant " une religion en particulier ne seront pas mises en ligne.
(2) Définition de Dieu dans Le Petit Larousse.