Thursday, December 07, 2023

Ou un petit tour dans notre vieux Sainté

Il existe à Saint-Étienne deux rues étroites qui portaient, un temps, un seul et même nom. Il s’agit des rues Philippon et Saint François ; la première ayant pris son propre patronyme en 1886. Ces deux voies forment une diagonale qui part de la place Waldeck Rousseau pour rejoindre la rue José Frappa, en traversant la Grand’rue (dénommée rue Gambetta sur ce tronçon, anciennement rue Saint Louis, rebaptisée en 1884).

De par leur petite largeur (un peu plus de 3 mètres) elles s’avèrent plus inondées d’ombre que de lumière mais elles donnent une petite idée de ce à quoi pouvait ressembler le centre de la cité avant le percement des avenues haussmanniennes, comme le cours Victor Hugo, non loin de là.

Quant aux dénominations qui leur sont accolées, on ne présente plus saint François, l’homme qui décida un jour d’« épouser la pauvreté » [Notons que la plaque de rue à son nom, en métal, semble plutôt ancienne]. Quant à Philippon (1816/1877), Pierre de son prénom, il mena une double vie d’employé de commerce et de chansonnier en patois arpitan (ou franco-provençal), sous le pseudonyme de Babochi*.

Si on part de l’ouest, par la rue Philippon, on y remarque une maison du XVIIIe siècle, au numéro 2. Elle a été rénovée par la Ville en 2017 ; même si certaines personnes se sont plaintes de l’installation de volets roulants, assez contemporains. Une plaque indique qu’elle fut léguée aux Hospices civils par un certain Pierre « Petrus » Delobre en 1914.

A l’issue de cette voie, après avoir traversé la Grand’rue, on se retrouve en face d’un bâtiment dont l’entrée se situe au 11 de la rue Gambetta. Celui-ci a abrité l’« Hôtel des Arts ». Il a été racheté en 2006 par Saint-Étienne Métropole pour être transformé en « Résidence des arts – Maison internationale », gérée par le Crous de Lyon, pour y accueillir des enseignants-chercheurs et doctorants, dans 30 studios « haut de gamme », et son rez de chaussée est occupé par un magasin de maroquinerie donnant sur la rue Saint François.

Cette résidence jouxte l’Hôtel de Villeneuve, qui abrite le Musée du vieux Saint-Étienne, dont les collections doivent rejoindre courant 2018 le Musée d’art et d’industrie, non loin de là (lire). L’Hôtel Jullien-Chomat de Villeneuve date du XVIIe siècle. Inscrit aux monuments historiques en 1961, il porte le nom d'un marchand, Claude Jullien-Chomat, qui fit construire cet hôtel vers 1658 ; lequel fut transmis à son petit-fils qui épousa la fille du seigneur de Villeneuve. L’association « Histoire et patrimoine de Saint-Étienne » y a pour l'heure son siège et son musée, et ce depuis 1932. L’ensemble a été restauré entre 2000 et 2004, et le percement direct sur la rue Gambetta, s’est effectué en 2012. On peut donc y accéder par les 11 et 13bis de celle-ci, mais aussi par le 18 de la rue José Frappa - où naquit en avril 1854 cet artiste stéphanois, comme l'indique une plaque (lire aussi).

Au bout de la rue Saint François se trouvent deux bâtiments anciens (XVIIe/XVIIIe siècles ?), dont l’un présente une petite cour intérieure où l'on aperçoit un escalier à l’imposant appareil de pierres ; et l’autre, une coquille incluse dans son angle avec la rue Josée Frappa. Nous nous trouvons, ne l’oublions pas, dans le quartier Saint-Jacques. D'ailleurs, à deux pas dans son quasi prolongement, la rue Frappa vite traversée, une autre coquille est mieux visible à l'angle de la rue Saint Pierre. En haut d'une niche qui abritait autrefois la statue d'un saint personnage (Jacques sans doute), elle est surmontée d'une petite étoile. La route de Compostelle est surnommée le «chemin d'étoiles» (lire encore).

Du côté de Waldeck Rousseau – place qui va être réaménagée, début des travaux à l'été 2019 - la rue Philippon conserve quelques traces de papiers collés, recouverts aujourd’hui de nombreux graffitis et pochoirs. Rue Saint François, c'est une figure de jeune fille masquée qui s’invite en somnambule, sur un mur aveugle.

Sur la droite de l’accès à la rue Saint François, une enseigne, restaurée en 2017, rappelle qu’un service de diligence partait de là, dès 1836, pour rejoindre Annonay par Firminy et Monistrol.

Et à l’entrée du musée trône depuis 1952 la statue du Sapeur, érigée en 1873 sur le toit du magasin de confection de Régis Taravellier “Au Sapeur“, à l'angle de la rue du Grand Moulin et de la place du Peuple.

Ainsi, il en va de l’oscillation des lieux urbains, entre un passé pas toujours linéaire et un futur possible, parfois en suspens.

* « Hie de vais sé, / Plain de bon vin bouchi, /Que me força a demoura couchi, », extrait de Caramantran [carnaval] à l’enfer (1) , 1843. Peut-être un salut anticipé au bar/pub du 5 rue Saint François ?

Photo d’introduction: lanterne, rue Saint François
Photos : Pierre Faurand exceptées celles de la Résidence des Arts et de la rue Saint Pierre (FI)

Sources: Géoportail, Musée du vieux Saint-Étienne, noms.rues.st.etienne.free.fr, Ville de Saint-Étienne, Forez Info