Elle a vu le jour en avril 2001 pour rappeler l'histoire de la commune. Une histoire récente puisque La Talaudière est née en 1872 de l'exploitation du charbon. La vie des gueules noires de la Chazotte est évoquée par le biais, notamment, de l'intérieur reconstitué d'une maison de mineur.
L'autre volet de cet équipement municipal invite à découvrir trois siècles de l'histoire des poids et mesures et France, depuis le XVIIIe siècle et la fin des unités d'Ancien Régime et la laborieuse conception et application du système métrique décimal. C'est de loin le thème le plus important de la Maison avec des milliers de pièces qui en font un espace muséographique unique en France.
Il est situé dans une ancienne grange de ville qui faisait partie d'une propriété bourgeoise de plus de 7 hectares construite par un commissaire priseur lyonnais à l'époque de la création de la commune. Cet ensemble a été racheté en trois fois par la commune: en 1941 pour y bâtir la piscine et le stade, en 1953 pour y faire la place publique où s'élèvera par la suite la nouvelle mairie et en 1973 le parc public où se trouve la Maison où nous nous trouvons, avec sa charpente sciée de long d'origine.
Si on comprend aisément que la commune ait voulu retracer un siècle d'histoire des mines, le thème choisi de la métrologie mérite une explication. Louis Drevet, ancien enseignant, adjoint au maire, qui nous la donne: "Une collection est née dans la population avec à l'origine un enseignant, des parents d'élèves qui se sont intéressés aux anciennes mesures et ont suscité un certain engouement. En 1995, pour l'anniversaire de la création du système métrique, le maire s'est adressé aux collectionneurs pour la réalisation d'une exposition. Ce fonds privé étant insuffisant pour présenter une exposition digne de ce nom, il a été fait appel à la population de l'agglomération stéphanoise. Le 7 avril 1995, un millier d'objets étaient réunis, certains donnés et auxquels s'ajoutaient des pièces confiées par l'Administration et plus particulièrement par le service d'instruments de mesure. 2000 visiteurs sont venus et l'idée est née de la création d'un équipement municipal pour abriter cette collection. Je me suis vu confier sa réalisation en juin 1995."
" Nous accueillons 3000 à 3500 visiteurs par an dont 2000 scolaires, poursuit-il. On peut découvrir la collection de différentes façons, en utilisant différentes clés. Une clé mathématique, scientifique bien sûr mais aussi historique, linguistique car il y a un langage de la mesure que nous utilisons dans notre quotidien. Et une référence sociologique car le système de mise en place des poids et mesures permet de codifier les relations entre les marchands et les acheteurs."
De 950 pièces à l'origine, la Maison en abrite aujourd'hui plus de 5500 ! Mesures à grain en bois (bichets de Lyon ou du Forez, demi-bichets...) pour l'alcool et le vin, en étain ou en cuivre, romaines et crochets fabriqués manuellement, masses marquées en laiton ou en fonte, mètres pliants de passementier, pédimètres de chausseur, auneuse pour la mesure du ruban, trébuchets de changeurs de monnaie, ustensiles de mesure de lait, d'huile...
La plus grosse de ces pièces est une balance de 80 kilos. La plus petite un poids d'un milligramme. Et les dons continuent d'affluer, de la part d'habitants, visiteurs ou collectionneurs qui viennent faire expertiser leurs pièces. Une dizaine de nouveaux objets collectés la semaine notre venue. Et parfois des pièces imposantes, comme ce pèse tonneau, déposé par un habitué.
La pièce la plus ancienne date de 1660. Un poids en fonte de 50 livres de Paris marqué de deux fleurs de lis. Un autre en porte trois et correspond au règne de Louis XV, pour une autre référence de valeur de livre. " Il faut penser qu'à la veille de la Révolution, quand on a fait le répertoire des différentes unités en usage, on a trouvé plus de 500 valeurs au mot "livre", souligne Louis Drevet. On ne pesait pas avec la même livre à Saint-Etienne et à Saint-Chamond, à Rive de Gier, à Givors et à Lyon. On ne pesait pas avec la même livre la laine et la soie, la viande et le légume. Il y avait des livres fines, des livres grosses, des livres subtiles. Un sacré bazar ! Et c'était aussi varié pour les mesures linéaires. "L'Aune, la mesure textile par excellence, avait une longueur qui variait de 0.67 mètre à Metz à 1.43 à Laval."
L'atelier: A restaurer, un poids à opium, une gourde de mineur, un demi-pieds de passementier de 7 pouces. Au premier plan, une balance de dispensaire des Mines.
" Une variété dont la seule étude épouvante...", écrivait Talleyrand en 1790. Un panneau invite à découvrir le cas forézien à partir des tables de comparaison établies à la demande du Préfet en novembre 1801. C'est vertigineux. Pas moins de sept mesures de livre différentes: de 396,77 grammes (Saint-Genest-Malifaux) à 489,51 grammes à La Pacaudière et Saint-Haon le Châtel. Et les mesures linéaires ! La toise locale à Saint-Etienne, La Fouillouse ou Bourg-Argental équivalait à 1, 7866 mètre quand elle était lyonnaise à Rive de Gier, avec une valeur de 2, 5632 mètres. Ses subdivisions, pied, pouce et ligne variaient bien sûr en conséquence. Pour la mesure du grain, le boisseau ou bichet d'Essertines-en-Donzy et Panissières avait une contenance de 11, 36 litres. Et presque deux fois plus à Néronde et Saint-Just-la-Pendue ! Bichérée, cartalée, métanchée, les mesures agraires avaient des noms variés et des rapports variant d'autant. Il y avait pour les liquides la pinte de Chazelles ou de Saint-Etienne, le pot, la semaise, la charge, etc , jusqu'à la futaille, soit près de 2300 litres à Pélussin. La benne, puisque nous sommes en "terre carbonifère" n'avait pas la même contenance à Firminy (126, 4 litres) et au Chambon (169, 1 litres).
Dans les réserves, des romaines, des "couilles", des piles, appareils de mesure électrique, des capteurs, toutes sortes d'outils, pour certains fabriqués dans la Loire, à la Tour en Jarez notamment (pieds à coulisse)
Il y eut bien des tentatives royales pour uniformiser les mesures. La dernière, au milieu du XVIIIe, tenta d'imposer la référence au corps du roi, et pas n'importe lequel: Charles le Grand. Ainsi, la toise royale, c'est à dire la taille de Charlemagne, équivalait à 1, 94 mètres et le pied à environ 0, 324 mètre. En pointure, ça fait du 49. Mais on sait que Charlemagne était le fils de Berthe aux Grand Pied... Au lieu de simplifier le système, la réforme rajouta à la confusion, les traditions locales persistant. Pour n'évoquer que la mesure linéaire, il faudra attendre le 1er août 1793 pour que soit défini provisoirement la longueur de base appelée mètre: " la dix millionième partie du quart du méridien", soit 3 pieds 11.44 lignes de Paris. En 1799, il est défini comme "la longueur formant la dix millionième partie de l'arc du méridien terrestre compris entre le pôle nord et l'équateur ", soit trois pieds 11.296 lignes. Depuis 1983, il est défini comme la distance parcourue par la lumière dans le vide pendant une durée de 1/299 792 458 de seconde.
" Ce n'est qu'en 1840 que l'usage du système métrique, après nombre de péripéties, fut déclaré en France exclusif et obligatoire, rappelle Thibaut Rolland. Mais pas dans la pratique... Et s'il a une valeur universelle, aujourd'hui la Birmanie, le Libéria et les Etats-Unis ne l'ont pas adopté. Et l'on parle aussi en France de pouces pour les écrans de télé et ordinateurs, comme pour les VTT. Dans l'aviation, on parle de pieds."
Une pile du Maghreb
Avec le responsable de la Maison, on découvre aussi les poids de transition quand en 1800 Bonaparte autorisa l'usage des noms d'Ancien Régime pour désigner les unités nouvelles. " Une livre équivaut alors à un kilo, la pinte vaut un litre... C'est un échec complet et d'ailleurs on retrouve aujourd'hui peu de traces de ces poids. Sur l'ensemble de la collection, on ne possède que trois ou quatre de ces pièces dites de 1800."
Au cours de notre visite, il s'attacha tout particulièrement à retracer la provenance de quelques objets. L'histoire est parfois cocasse comme pour certaines de ces mesures-étalons en étain en provenance, à l'époque du Préfet Morin, des services de l'Etat. " Le dernier vérificateur des poids et mesures de la Loire a aussi beaucoup contribué à la richesse de cette collection", remercie Thibaut Rolland. Il permit à la Maison de recevoir des objets qui avaient terminé leur carrière en servant de cendriers ou pots à stylos. Quant à cette belle balance, elle se trouvait autrefois au service des impôts de Saint-Etienne. " On a attendu deux ans parfois pour obtenir des mesures-étalons. Pour cette balance, les Impôts qui refaisaient leurs bureaux ont téléphoné en décembre 2009 aux Archives départementales, qui nous ont immédiatement contactés. Deux heures après, on la réceptionnait."
Datée de 1808, elle servait à peser le tabac. Elle a été fabriquée par les Etablissements Tarpin (Lyon). On retrouve cet habile fabricant lyonnais avec deux balances romaines monumentales, portant pour l'une jusqu'à 1314 kilos, disposées près de la reconstitution d'un atelier de romanier local - c'est à dire un fabricant de balances romaines et de crochets. Mais lui beaucoup plus récent (vers 1950).
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