
Amis lecteurs, connaissez-vous l'Espace archologique Forez-Jarez à Saint-Etienne ? Non ? Vous n'êtes certainement pas le seul ! Il s'agit pourtant d'une petite structure muséographique de grand intérêt, sise depuis 1996 au 3e étage du 4, bis rue André Malraux. David Litaudon nous accueille et nous présente le but de cet espace: " Cette exposition a pour vocation de présenter les collectivités humaines anciennes qui se sont succédé dans notre région de la Préhistoire au commencement du Moyen-Age. Elle présente une partie du matériel archéologique collecté dans le sol forézien depuis plus de 30 ans par le Groupe Archéologique Forez-Jarez, à Essalois, Feurs, Chézieux... mais aussi d'autres pièces qui proviennent de dons particuliers. D'autre part, le domaine archéologique n'est pas le seul présenté ici, une partie de l'expo est réservée à la géologie, à la minéralogie, à la paléontologie. Saint- Etienne par exemple est connu dans le monde entier non seulement pour son équipe de foot mais aussi parce que la ville a donné son nom à un étage géologique : le stéphanien !"
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La première salle, la salle Préhistoire, est justement consacrée en partie à l'étude des temps géologiques et présente une collection de minéraux, de roches et de fossiles. Le visiteur, avec l'aide de David, découvre certaines belles pièces comme la calcite en choux-fleur, la calcite-miel ou couleur citron (rarissime), l'azurite bleue du Maroc... Les roches, et en premier lieu le fameux grès houiller de Saint-Etienne mais aussi le calcaire de Charlieu. Parmi les fossiles, citons l'ammonite autrefois nommée « Cornes d'Ammon », les gryphées en forme de « griffes du diable » provenant du Roannais ou encore le moustique millénaire enfermé pour l'éternité dans son ambre jaune. David vous montrera aussi une huître fossilisée et le moulage d'un étonnant diplomystus dentatus des USA. Il vous expliquera surtout les caractéristiques géologiques de notre département: le basalte du Mont d'Uzore, les volcans de la plaine, les pierres dorées de Charlieu, la mystérieuse améthyste violette des Monts du Forez, les chirats du Pilat...
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Et le stéphanien ? Et bien on nomme ainsi, depuis 1893, la période géologique comprise dans l'époque du Carbonifère, entre '305 et '300 millions d'années environ. A cette époque, la région stéphanoise se situait dans l'Hémisphère sud, avant que la Pangée, l'amas continental originel, ne dérive au nord. Une reconstitution via une petite maquette nous permet de visualiser ce qu'était le paysage tropical stéphanien : végétation luxuriante, marécages, fougères immenses, sigillaires, cordaytes (ancêtres de pins et de sapins). Avec le temps Autunien qui lui succède entre 300 et 270, les eaux se retirent peu à peu, les végétaux meurent, se fossilisent, les couches de charbon vont se former. Le Stéphanien va devenir typiquement stéphanois.
Au sortir des âges de la terre antédiluvienne (et après avoir pris note qu'
il faut une licence pour commercialiser des minéraux), le visiteur peut alors appréhender les temps de l'
homme, de la préhistoire au néolithique et l'
évolution de son habitat et de ses ressources à travers des chronologies, des illustrations et des maquettes.
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La deuxième salle est consacrée à la Protohistoire (premier âge du fer entre 800 et 500 avant notre ère) et à l'occupation gauloise de notre région. Ici on retrouve bien sûr le souvenir des Ségusiaves via leurs oppida d'Essalois, de Ligeay (près de Boen-sur-Lignon) ou du Crêt-Chatelard. Les objets présentés viennent des quatre coins du Forez et furent découverts dans les années 60 : épée et fibules de Feurs, faucille de Précieux, amphore d'Essalois, grand vase à céréales de Mornand... Dans une vitrine, un mystérieux dieu gaulois accroupi dont l'original découvert à Saint-Marcel-de-Félines est porté disparu. Une maquette présente la construction du « Murus Gallicus » qui assurait la défense d'Essalois et des cartes indiquent les territoires gaulois ou le tracé de la voie Bollène qui traversait notre Forez. Un habitat gaulois est également reconstitué.
Et puis vint César et les Ségusiaves se firent gallo-romains. Deux villes se développèrent: Aquae Segetae (Moingt) et le Forum Segusiavorum (Feurs). La première fut un peu la « Vichy des Segusiaves », il ne reste plus de sa gloire passée que le « mur des Sarrazins », vestige de son théâtre. En souvenir de l'aigle de Rome, l'association a reconstitué une cuisine gallo-romaine de l'époque d'Auguste avec pour pièce-maîtresse une meule en basalte découverte au Mont d'Uzore. David évoque les bols à bandes blanches de Roanne en vitrine: " Ils datent des Ier et IIème siècles de notre ère, les fours de cuisson sont toujours visibles à Roanne." Les amphores de Chezieux ou d'ailleurs, d'origine gauloise, espagnole ou italienne nous rappellent l'important commerce du vin, de huile et des céréales à l'échelle européenne. Les pièces les plus remarquables sont une poêle de légionnaire en bronze, découverte à Feurs mais surtout un lot unique de quatre hipposandales provenant aussi de Feurs. Il s'agit de sortes de chaussures de métal que les Romains placaient sur les sabots des chevaux. Plus loin des pilettes d'hypocaustes circulaires sont estampillées Clarianus, du nom de son fabricant. Il s'agit de tablettes d'argiles utilisées pour soutenir le plancher sous lequel du bois est brûlé pour chauffer le sol. Elles proviennent du Gier.
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Fabriquer des maquettes, inventer un jeu de l'oie de l'aqueduc, classer, ranger, fouiller... les 60 adhérents du groupe archéologique Forez-Jarez ne manquent pas d'occupations.
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A propos, le vestige romain le plus important dans le paysage régional, c'est bien entendu l'aqueduc du Gier dont une salle spéciale retrace l'histoire, l'architecture et le fonctionnement à travers des maquettes et de nombreux panneaux. Ecoutons David: " 86 km de long ! C'était en effet le plus long des aqueducs de France, pardon de Gaule ! On y trouve: des ponts, des tunnels, des siphons. Mais oui, il y a 2000 ans, les Romains connaissaient déjà le siphon! des regards de visite (plus de mille sur tout le parcours) et enfin le revêtement extérieur de l'ouvrage, le parement, c'est le fameux réticulé; des millions de pierres taillées et disposées en losange et nous ne sommes pas peu fiers de dire que c'est le seul ouvrage hydraulique de toute l'antiquité à avoir été construit entièrement de cette façon."
Au terme de notre visite de ce petit musée en forme de « cabinet de curiosités » et sous le regard bienveillant de trois illustres précurseurs (MM. Durand, Renaud et de Montauzan*), on ne peut que se féliciter qu'existe un espace d'exposition archéologique à Saint-Etienne. On peut aussi s'associer à David pour regretter avec lui qu'il n'y ait pas à Saint-Etienne d'espace d'histoire naturelle.
* Vincent Durand, 1831-1907 ; Jean Renaud (1907-1971) ce dernier était adhérent de l'association, il a dressé de nombreux plans et croquis des vestiges de la région. Camille Germain de Montauzan (1862-1942) a beaucoup travaillé sur l'aqueduc du Gier.
Espace archéologique Forez-Jarez, 4 bis, rue André Malraux, 42 000 Saint-Etienne
04 77 47 23 14
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L'association accueille aussi les classes scolaires, propose des animations et des visites guidées, édite un bulletin annuel, met à disposition deux bibliothèques et propose une expo itinérante concernant l'aqueduc du Gier.
Tous les mardis soirs > atelier de restauration et de maquettes où se côtoient jeunes, étudiants et adultes.