Tuesday, October 03, 2023
Ière partie: à  propos du Forez

Saint-Etienne, en son temps une des premières villes industrielles d' Europe (du monde ! nous dit Jean-François Gonon dans son ouvrage Histoire de la chanson stéphanoise et Forézienne, publié en 1906), fut aussi une des rares villes dont les chansonniers, au XIXe siècle, surtout, purent rivaliser avec leurs confrères de Paris. Et c'est dans le domaine de la chanson politique que les paroliers stéphanois s'illustrèrent à  travers des titres fameux évoquant en particulier la lutte ouvrière: La Vierge des opprimés, La fusillade du Brûlé, Salut à  vous mineurs de France...

D'autres chansons, nombreuses, évoquent les corps de métier, les mineurs, les passementiers, les Manuchards, jusqu'aux conducteurs de tramways mais aussi la vie stéphanoise et la condition ouvrière en général, Poeura bazanna ! Ces textes ont une page qui leur dédiée. Nous mettons en ligne ici une quinzaine de poèmes et chansons du Forez un peu plus légers évoquant lou pais, les garagnasses, l'amitié, le bon vin et les chimères...

Photos: FI et Eric Moulard pour FI

Les poésies et chansons publiées ci-dessous: Les Nymphes (Urfé), une chanson anonyme à propos d'un cheval gris et d'une lune blanche, La Forézienne (H. Lemaitre), Au Forez, La mort d'un chêne (extrait) et Soir en Forez (Laprade), Rivières de chez nous (Chastel), Les Corbeaux (Sivet), Automne (Jacquet), Sous Cornillon (Chastel), Sans titre (Pétrus Durel), Simplicité (Frappa), Une ode au crêt de la Perdrix par l'abbé Seytre, Le Pays (Claudius Javelle), Saint-Bonnet sous la neige de Marie Jacon (extraits), La Stéphanoise (Lily Lodé-Zwercher), L' Amitié (Merlat, extrait), Mon ciel (Chastel), Les Chimères (Privas), L' Espérance (Biron), Vierge de l'Hôpital-sous-Rochefort (Chastel), Les environs de Saint-Etienne (Vacher), Un poème de Mercier, Ruines d'Urfé (Patet), Ode au Forez (Manin), La Forézienne (Maissiat), Les villes du Forez (Vacher)


 
"Comme sous l’obscur de la nuit
La lune en ses rayons reluit
Au travers de quelques nuages,
Des nymphes luisaient amoureux
Au travers de leurs longs cheveux
Les rayons de leurs beaux visages."


Les Nymphes, Honoré d’Urfé

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M' zélotte et l' Ondine (bois gravé de J.Lugnier)

  "Luna ! Luna blanchi,
Préta-mei ta lanci
Par allâ en Franci ;
Prêta-mei toun chavouai gris
Par allâ on paradzi.
Lou paradzi étant bais,
Qu’o ni trove treis agnais ;
O n’ia de jontes fillettes
Que dansount sus le vieullettes,
Et peu de jontzis garçouns
Que n’y jouyount do vieuloun."


  "Lune ! Lune blanche,
Prête-moi ta lance
Pour aller en France,
Prête-moi ton cheval gris
Pour aller au Paradis
Le Paradis est si beau ,
Qu’on y trouve trois agneaux
Il y a de jolies fillettes
Qui dansent sur les violettes,
Et puis de jolis garçons
Qui y jouent du violon."


Ces bribes en parler gaga d’une chanson fort ancienne sont citées par Auguste Callet dans sa Légende des Gagats. Chantée dans la région stéphanoise, elle parle de la France comme d’une terre étrangère où il faut aller combattre et y mourir pour gagner le paradis. Auguste Callet avait perçu dans ces quelques vers certaines survivances paiennes. Le dernier souvenir des Celtes métallurges dont il se fit le champion ?

" Ce sont ces trois nobles cités,
Saint-Etienne, Feurs, Montbrison,
Sources de toute activité
Qui jaillissent au cœur de vastes horizons,
Et tout un peuple heureux des trésors amassés,
Chante de son Forez le riche et fier passé !

Avec toute l'ardeur de ses riches cités
Que charme l'harmonie des fécondes campagnes
La terre de Forez déroule sa beauté
Sous le regard confiant de ses douces montagnes.

Dans cette verdoyante plaine
Où coule sereine la Loire
Baignant le sol dont elle est reine,
Grandissent les épis associés à sa gloire.
Les sources jaillissant de sa riche nature,
Sont le bel ornement d'une heureuse parure.

Les sommets aux graves sapins
Dominent les verts paturages,
Et de pittoresques chemins
Découvrent à nos yeux au hasard du voyage
Le spectacle vivant de ce rude terroir,
Qui nous charme et nous prend d'un magique pouvoir."

La Forézienne, H. Lemaitre

 
 "Cher pays de Forez, je te dois une offrande !
Terre où, dès mon berceau, les chênes m’ont parlé,
Ta sève et ton murmure en ma veine ont coulé,
Il faut qu’un cri d’amour aujourd’hui te les rende.

C’est toi qui la première, au sentier du désert,
Fit marcher, pas à pas, mon enfance inquiète,
Qui m’a nourri d’un miel dans le bois découvert
Et dans l’eau d’un torrent m’a baptisé poète.

Le foyer et le champ, les récits de l’aïeul,
Tout ce qui pour le cœur compose la Patrie,
Tout ces trésors que j’aime avec idôlatrie,
Cher pays de Forez, je les tiens de toi seul.

Mon sang ne coulait pas aux veines des marchands,
Je l'ai reçu plus pur de toi, verte contrée,
Où d'Urfé promenait les bergers de l'Astrée,
Et dont la ville encor garde les moeurs des champs."

Au Forez, Victor Richard de Laprade

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  Le Chêne, Ducaruge
Professeur de dessin au collège Saint-Michel où il succéda à Joanny Faure, Ducaruge fut une figure importante du monde artistique stéphanois.
 
  "Car j'ai pour les forêts des amours fraternelles;
Poète vêtu d'ombre, et dans la paix rêvant,
Je vis avec lenteur, triste et calme, et, comme elles,
Je porte haut ma tête, et chante au moindre vent."


La mort d'un chêne (extrait) de Victor de Laprade

  "Le soir encor, du haut des cimes empourprées,
De sa rougeur suprême inondait nos contrées ;
Plus qu’à demi caché par les monts, le soleil
S’abaissa tout à coup sous son rideau vermeil,
Et l’ombre, à larges pas, des forêts aux villages,
Glissa rapidement d’étages en étages.
Tour à tour s’éteignaient, en de noirs horizons,
Les clochers flamboyants et les blanches maisons.


Bientôt submergeant tout de l’une à l’autre chaîne,
La paleur de la nuit noya l’immense plaine.
Rasant l’herbe et les fleurs, un vent léger et frais,
Comme exhalé du sol, souffla vers les forêts ;
Dans les vignes épars, mais à leurs nids fidèles,
Les oiseaux vers les bois rentraient à tire-d’aile."


Soir en Forez, Victor Richard de Laprade
 
 
Né à Montbrison le 13 janvier 1812, Laprade, académicien (élu au fauteuil d’Alfred De Musset), garda toute sa vie l’amour de sa petite patrie. Il s’est éteint en 1883 et repose à Montbrison. Sa maison natale existe toujours et la vieille cité forézienne lui a dédié une rue, une école (l’Institut Victor de Laprade) et une belle statue de Bonnassieux trônant dans le jardin d’Allard.

  "La Coise, le Bonson, la Teissonne et l’Isable,
Ce sont rivières de chez nous ;
C’est le cours de leur eau musarde et délectable
Qui leur a fait des noms si doux.

L’Aix et le Vizézy, le Sornin, la Thoranche,
Ce sont nos rivières encor ;
A la hanche des monts leur onde est toute blanche,
Sur la plaine, elle est couleur d’or.

Mais la plus haute gloire est pour celle qu’on nomme
Le Lignon de notre Forez,
Celle dont les anneaux ont pris un gentilhomme
Qui l’a faite noble à jamais."


Rivières de chez nous, Guy Chastel

  "L’hirondelle est l’oiseau du printemps, le corbeau
Annonce par son vol le retour de la neige,
Et, tout à coup, dans l’air sombre et froid, il assiège
En croassant la tour de l’antique château.
Tenant conseil, en chœur, on voit le noir troupeau
Tourner et retourner comme un manège,
Puis monter haut, plus haut, s’allonger en cortège,
Etendre sur le ciel un immense drapeau.
Le plus vieux tient la tête et dirige la bande,
Flaire le vent du nord, dans un grand cri commande
Le départ concerté vers un autre climat.
Et, dans la nuit venue où courent les nuées,
Loin de nous, qui restons, victimes des frimas,
Ils foncent, dédaigneux, nous couvrant de huées."


Les Corbeaux, Daniel Civet, poète de Saint-Just-en-Chevalet

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Nature morte au raisin, de Jean Champier (1822-1884)
Elève et successeur de Claude Soulary à la tête de  l'Ecole de dessin de Saint-Etienne

"Le ciel vert et lilas, l’âme triste des fleurs
Qui monte des jardins déjà mouillés d’automne
La rumeur du beau soir exquise et monotone,
La suave agonie éparse des couleurs ;
Le premier tourbillon léger des feuilles mortes,
Sur le grand boulevard désert, provincial,
Et cet amer parfum vaguement sépulcral
Qu’on respire en novembre au seuil des vieilles portes…"


Automne de Victor Jacquet, poète montbrisonnais décédé en 1946
 


  "Sous Cornillon la Loire est lasse

Et sinue autour du rocher,

Mais, en dépit de tant de grâce,

Que prenne garde le nocher !

En dépit d’une onde certaine,

Que prenne garde le baigneur !

La Loire est une autre Sirène,

Son Empire est la profondeur.

Laisse errer tes yeux sur sa moire,

Livre ton oreille à sa voix,

Mais elle est perfide, la Loire,

Garde-toi, passant, de ses bras !"


Sous Cornillon, Chastel
 
" Montbrison !... C'est un cri d'espoir ou de regret
Que je vais évoquer peut-être en cette enceinte.
Si c'est un cri d'espoir: tant mieux ! La joie est sainte.
Si c'est un cri d'amour: ce sera plus complet.
 
Du chagrin... Parmi nous, est-il un air défait
Qui pourrait inspirer quelque sujet de crainte ?...
Non. Il n'est point ici de figure à complainte,
Tout est gai, tout est vif, tout est rose au banquet.
 
Forez, ce sont tes murs, ton riant paysage
Dont ces trois monuments nous rappellent l'image
Avec leur pureté, leur charme, leur douceur.
 
C'est la chanson des blés qui chante dans mon âme;
C'est le zéphyr qui passe et m'apporte la flamme
De ce ciel du pays qui sait parler au coeur."
 
Pétrus Durel

  "C’est dans son élément que tout être doit vivre :
Le lapin sur la terre et la carpe dans l’eau,
Et malheur à celui qu’un fol orgueil enivre
Qui veut imiter l’aigle et s’envoler plus haut !
La nature implacable à lui-même le livre
Et notre aigle n’étant qu’un vulgaire étourneau,
Par le fol idéal qu’il s’acharne à poursuivre,
Ebloui, dévoyé, se fait prendre au gluau.
Certes, laborieuse et modeste en sa ruche
Où le rayon de miel sur le rayon se juche
Plus heureuse est l’abeille en son travail fécond ;
Car, sans bruit, qu’elle soit bourdon, reine ou vestale,
Par son exemple, enseigne une forte morale :
Qu’il ne faut pas juger les gens au bruit qu’ils font."


Simplicité de José Frappa qui nous prouve ici qu’il ne fut pas seulement un peintre de talent.

" J'ai visité les monts riches de poésie
De l'Italie et ceux de la verte Helvétie :
Saint-Gothard, Mont Rosa, Righi-Koulm, Righi-Bert,
Dent d'Hoche et Saint-Bernard, Brevent et Montauvert...
J'ai vu, plus près d'ici, du Nord à la Provence,
Du levant au couchant, les monts de notre France ;
Grenoble m'a montré ses Alpes, son Pelvoux ;
Clermont son puy de Dôme, Avignon son Ventoux ;
J'ai dû vous saluer, montagnes Pyrénées,
De vos nombreux glaciers fièrement couronnées.
Mais ni le Canigou, ni le pic de Lhéris,
Ne m'ont fait oublier le crêt de la Perdrix !"

L'Abbé Seytre

"Lous bouquets, tous lüs ans, pér notrous pras flurissoun,
Nus umbaoümoun de loin, tsaque qoua que sourtuns.
Lus herbes suntoun bon, méme aoü tumps que perissoun,
Et gardoun le parfüm daoü dzour que les coupuns. »

«  Les fleurs, tous les ans, par nos prés fleurissent,
Nous embaument de loin, chaque fois que nous sortons.
Les herbes sentent bon, même au temps qu'elles périssent,
Et gardent le parfum du jour que nous les coupons."

Claudius Javelle (Apinac, 1878 - 1962), Le Pays (extrait)

"Ah! Que je t'aime ainsi sous ton manteau de neige,
Ô ma ville natale, ô mon chère Saint-Bonnet !
Puisse le dernier jour qu'il me sera donné
Etendre ta blancheur sur mon humble cortège !"

Marie Jacon (1888 - 1963), Saint-Bonnet-le-Château sous la neige (extrait)

" Salut à toi, cité française,
Eclose sous ton ciel gris-bleu,
Tu sais t'épanouir à l'aise,
Comme une fleur d'ombre et de feu.
Le Pilat géant te couronne
Des hauts sapins de ses forêts,
La douce plaine du Forez,
A tes pieds rit et s'abandonne.

Refrain :
C'est Saint-Etienne, aux fières destinées
D'art et de labeur triomphants,
La Ville Noire enrubannée,
Qui resplendit dans sa fumée,
Qui resplendit,
Par l'amour de tous ses enfants.

Tu t'animes dans la cadence
Des joyeux et bruyants métiers,
Où, vive, la navette danse
Sous l'oeil de tes passementiers.
Ton souffle a le rythme et la flamme
De l'usine où vibre l'acier,
Et cadets après devanciers
Tissent tes jours, forgent ton âme.

Héros obscur et sans panache,
Que guette un grisou meurtrier,
De tes flancs, le mineur arrache
L'aliment des rouges brasiers.
Adroits, tes ouvriers façonnent,
Sans victorieux concurrents,
Les armes au choc fulgurant,
L'outil qui laboure et moissonne.

Tes cycles légers et rapides,
Roue agile et luisant guidon,
Servent, d'un élan intrépide,
Le Progrès et ton vieux renom.
Les monuments qui te jalonnent
Disent ton passé simple et grand,
Et, pour la gloire du Furan,
Tu bronzes ses flots qui bouillonnent.

Tes vrais gagas ont forte tête,
Palais gourmand, langage dru.
Large sourire et cœur honnête,
Dans l'effort, sereine vertu.
Leur abord d'affable franchise
Les fait aimer, chez eux, partout.
Et leur accent garde le goût
Du vin dont leur gaieté se grise.

Halte brune sur Route Bleue,
Vieux Terroir jamais oublié,
Ton fils, qui s'exile à des lieues,
A ton sort demeure lié.
Il évoque ta grande artère,
Marengo, tes crassiers poudreux,
La Badouillère, Châteaucreux,
Et les traits chéris de sa mère.

Pays sans rival qu'enrichissent
Tes ingénieurs, tes artisans,
Les Buisson, Fourneyron surgissent
D'un sol rebelle au paysan.
Et, pour électriser les foules,
Ont jailli, de ton seul creuset,
Les Opéras d'un Massenet,
Les airs de Dard-Janin et Roule.

Rayonne et grandit sans angoisse,
Au sein du pays le plus beau,
A travers le temps et l'espace,
Reste un foyer, sois un flambeau.
Et dans l'universelle ronde,
Intégrant ce refrain natal,
Proclame un fidèle Idéal
Pour la prospérité du monde."

La Stéphanoise, Lily Lodé-Zwercher


  "Non l’amitié n’est pas un vain mot, je l’atteste
Malgré les sots, et seul, l’égoiste conteste
Son pouvoir fraternel et ses liens sacrés.
Que l’on soit un instant ou toujours séparés,
La distance n’est rien, car le cœur a des ailes
Pour s’envoler au loin près des amis fidèles."


Extrait de L’Amitié de Joannès Merlat, chansonnier stéphanois.
Ce sonnet fut offert à Jean-François Gonon, un autre chansonnier.

 
  "Eté n’a pas lancé tous ses feux au jardin
Et son œil alangui sous des rêves de brume
Laisse déjà prévoir ce brouillard qui s’effume
Et se traîne en haillons sur de pâles matins…
Ne perçois en ma plainte un reproche sévère,
Forez, Forez que j’aime en toutes les saisons,
Mais l’amour d’un amant qui sur tes horizons
Ne voudrait voir mourir ton exquise lumière.
Aux jours de joie errante, aux soirs de Fiesole,
J’ai chéri l’ambre et l’or des beaux ciels de Toscane,
Forez, moins que ton ciel au tendre filigrane
Qui, de tous le plus cher, de tout m’a consolé."


Mon ciel, Guy Chastel (poète montbrisonnais)

  "Porteur de lyre,
Toi qui sait lire
Couramment en le livre humain,
As-tu pénétré le mystère
Que symbolise ce mot vain :
Chimère ?

- Les Chimères sont des oiseaux
Qui volent autour des cervelles,
Les Chimères sont des oiselles
Qui volent autour des cerveaux.

Glaneur de rêves,
Toi qui t’élèves
Au-dessus des communes lois,
Sais-tu ce que font en notre être
Ces oiseaux légers que tu crois
Connaître ?

- Les Chimères sont des oiseaux
Qui nichent dans les cervelles,
Les Chimères sont des oiselles
Qui nichent dans les cerveaux.

Prêtre du Verbe
Au front superbe
D’idéal pur auréolé,
As-tu pénétré le mystère
De la fin de ce monstre ailé :
Chimère ?

- Les Chimères sont des oiseaux
Qui meurent avec les cervelles,
Les Chimères sont des oiselles
Qui meurent avec les cerveaux."


Les Chimères, chanson de Xavier Privas, " le prince de la chanson ".
Bien que Lyonnais, nous avons souhaité mettre en ligne ici sa belle composition d’autant plus qu’il entretint avec les chansonniers stéphanois des relations étroites.


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Chimère, croquis du peintre chazellois Alexandre Séon

  "L’ Espérance est souvent comme ces fleurs d’avril
Qu’un baiser du printemps a trop tôt fait éclore ;
Malgré les chauds rayons dont l’éclat les colore,
Le moindre froid, la nuit, met leurs fruits en péril.
Gardons bien notre cœur d’un espoir puéril ;
L’on obtient rarement, hélas ! ce qu’il implore ;
Pour oublier plus tard le rêve qu’il déplore,
Comme il faut déployer un courage viril.
Fraiches illusions ! ô fleurs de jeunesse !
Bouquets éclôts hier, au printemps de nos jours,
Premiers enivrements de nos chastes amours ?
Avril, alors si beau, tient-il bien sa promesse ?
- La bise a dévoré le fruit avec la fleur,
Et le temps a changé l’espérance en douleur."


L’ Espérance, sonnet de Joseph Biron né à Saint-Marcellin-en-Forez en 1838
 


  "Vierge de l’Hôpital-sous-Rochefort, ô Mère
Qu’un artisan obscur a faite débonnaire
Et si près de notre terroir,
Vierge simple, un sourire ineffable t’éclaire
Et tu es belle entre les belles ! Mais, plus chère,
Sous tes traits nous aimons revoir

La pudeur et le charme émouvant de nos filles
Que l’on surprend parfois, le front sur leurs aiguilles,
Entre deux courbes de rideaux,
Et qui veulent briller, Vierge, comme tu brilles,
Pour l’honneur chaste et la beauté de leurs familles
Leurs petits dans leurs bras bien clos."


Vierge de L’Hôpital-sous-Rochefort, Chastel

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« Combien je chéris tes dehors,
Saint-Etienne, ô ma bonne ville,
La nature pour leurs décors,
Prit son pinceau le plus habile ;
Quelle campagne a plus de fleurs,
De grillons chantant leur antienne,
Plus d’amoureux, d’oiseaux moqueurs,
Plus de papillons que la tienne ?

Bien souvent, au milieu des nuits,
Amertume ! je crois entendre
Tout comme un écho du pays
Qui me dit : reviens, ô mon fils,
Chez nous, le pain est bien plus tendre
Bien loin, je me souviens de toi,
De tes jardins tout pleins de roses ;
Quel ne serait pas mon émoi
De les revoir fraîches écloses !
Tes prés sont verts, tes bois ombreux ;
Tes sites des plus pittoresques
Me parlent encore des preux
Des anciens temps chevaleresques.

Dans un médaillon j’aperçois
De grandioses cheminées,
Des bastides aux rouges toits,
Des fermes bien disséminées ;
Des bergères selon Wateau
S’ y promènent en blanche moire,
Et l’amour conduit son bateau
Sur les flots berceurs de la Loire.

Là, c’est Unieux et Cornillon,
Chambles, Granjean ce vieux nid d’aigle,
C’est Argental dont le lion
Brille au dessus des champs de seigle.
C’est le barrage et ses canaux,
Une gorge toute émaillée ;
Tout à côté, les hauts créneaux
Et les tours de Rochetaillée.


Non loin du Pilat de granit
C’est le Tracol et ses bruyères,
Le Bourg, un adorable nid
Qui se baigne dans deux rivières.

Tout près, dit-on, fut le bivouac
Des légions gallo-celtiques.
Saint-Agnès a, comme Carnac,
Mille légendes poétiques.

Que j’aimerais comme autrefois,
Un ceinturon serrant ma blouse,
Vagabonder au fond des bois,
Sous les chênes de La Fouillouse ;
Saluer les douces perdrix,
Les écureuils pleins de tendresse,
Revoir tous les sentiers fleuris
Restés si chers à ma jeunesse !

Bien souvent, au milieu des nuits,
Amertume ! Je crois entendre
Tout comme un écho du pays,
Qui me dit : reviens, ô mon fils,
Chez nous le pain est bien plus tendre. »

Les environs de Saint-Etienne,
Vacher (sur l'air des Pins de P. Dupont)

  "Ô bons semeurs de blé qui fûtent mes ancêtres;
Vous qui du lit des morts rêvez à nous, peut-être,
Que vos mânes profonds ne soient pas offensés
Si je n'ai pas marché les pieds dans votre trace,
Si je n'ai pas, fidèle à l'oeuvre de ma race,
Repris votre sillon où vous l'aviez laissé...
Je n'en garde pas moins dans le sang de mes veines,
Dans mon coeur délivré des ambitions vaines,
Et jusque dans la moelle intime de mes os,
Un indomptable amour pour cette terre amie
Que tous ceux de chez nous ont aimée et servie
Avant de prendre en elle un suprême repos..."

Poème de Louis Mercier.
Né à Coutouvre en 1870 de parents paysans et très chrétiens, Mercier fut un combattant de la grande guerre et le rédacteur en chef d'un journal de Roanne. Il s'éteignit en 1951.  Son oeuvre est considérable: des poèmes, des contes, une nouvelle, un roman autobiographique, des souvenirs, des drames sacrés en vers...

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Moissons à l'ancienne à Saint-Marcellin-en-Forez, dans les années 80
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"Le soir, quand le couchant s’embrase
Dans les flots d’or et de topaze,
Que tout s’empourpre dans les cieux,
Le manoir sombre et poétique
Dresse son fantôme athlétique
Dans un grand nimbe radieux.

Au sein de l’ardente fournaise,
Brûlent ses prunelles de braise
Que lentement l’ombre envahit ;
Voici l’heure du crépuscule ;
A tous les coins du monticule
Les hiboux pleurent dans la nuit."


Ruine d’Urfé (extrait) de Victor Patet qui décrit ici un singulier phénomène qu’il constata au château des Cornes d’Urfé. Par un effet d’optique, les vieilles fenêtres du château resplendissaient le soleil disparu. Patet, né à Roanne en 1843, fit partie du célèbre Caveau Stéphanois.
 
 
 "Le sol où je suis né ne charme pas les yeux.
Mon ciel n’a pas l’azur du beau ciel de Venise,
Triste et noir, mon pays n’est pas un de ces lieux
Que le poète chante et qu’il immortalise ;
Mais comme le Breton aime sa lande grise,
Et ses rocs ravagés par les flots furieux ;
Comme un prêtre aime Dieu, l’autel et son église,


Moi j’aime Saint-Etienne où dorment mes aieux.
J’ai vu l’Ebre et le Tage, et les bords du Bosphore,
Aux vignes de Xérès j’ai rempli mon amphore,
Sur mon cœur j’ai pressé les filles de Lesbos.
Mon noir Furan vaut mieux que ces belles rivières ;
Les filles du Forez sont plus noblement fières
Et ton vin clair, Pilat, vaut ton muscat, Lamos !"


Ode au Forez, sonnet de Joseph Manin, né à Saint-Etienne en 1848
 

 
"Il est en ce monde
Plus d’une beauté,
Fille brune ou blonde
Au teint velouté ;

Mais la vierge aimable
Sans nul à peu près,
Naquit, c’est probable,
Dans le vieux Forez.

Longs cils, fines tresses,
Bouche de corail,
Vrai nid à caresse
Aux bijoux d’émail,
Buste qui révêle
Deux seins vigoureux,
Voilà de la belle
Le croquis heureux.

Pour le caractère
Je n’en dirai rien,
Mais ne saurait taire
Quel charme a le sien :
L’âme sensitive,
Le cœur sur la main,
Femme, elle captive
L’amour en chemin.


D’allure gaillarde,
Sans jamais phraser,
Un brin babillarde,
Elle aime à jaser.
Par sa pétulance
Elle vous distrait
Quand sa lèvre lance
Un espiègle trait.

Toute une semaine,
Du matin au soir,
Vive, elle surmène
Pliage, ourdissoir.
L’humble mignonette
Dont je suis épris
Gagne un pain honnête
Qui n’a pas de prix.

Epouse modèle,
Qu’on aime à choyer,
Béni qui près d’elle
Prend place au foyer !
Elle fait la joie
De tous les maris
Quand son œil se noit
Dans un frais souris.

Refrain
Andalouse, Parisienne,
Florentine à l’œil noire ou bleu
Je vous préfère encor, morbleu !
La gentille Forézienne."

La Forézienne,
chanson du Stéphanois Joseph Maissiat

  " Montbrison, la chevalière,
Qu’un saint évêque fonda,
A de vieux noms sous le lierre :
Le Calvaire et la Diana ;
Dans ses ruelles gothiques,
Au noir pavé de galets,
On croit entendre les piques
Du haut baron des Adrets.

Roanne étale sa richesse,
Ses tissus et sa beauté,
Mire son front de duchesse
Dans un beau fleuve argenté.
Charlieu, dit-on, se rappelle
Ses vieux moines bysantins ;
Grangent montre sa chapelle,
Sa tour pleine de lutins.

Pélussin, joyeux et calme,
A vu passer les Césars,
Et Saint-Etienne a la palme
Du martyr et des beaux-arts ;
On la dit fière, entre toutes,
De son ciel, de ses rubans,
Surtout des nombreuses routes
Qui s’échappent de ses flancs.

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Boën possède en son domaine
Le Lignon aux fraîches eaux ;
Feurs, la matrone romaine,
A les courses de chevaux ;
Mais Chazelles, sa voisine,
Fait des feutres de castor,
Et Saint-Galmier, sa cousine,
Se baigne aux eaux de Fonfor.

Saint-Chamond, qu’on s’imagine
Etre un centre de rentiers,
S’endort au bruit d’une usine,
S’éveille au chant des métiers,
Cette ville de prodiges,
Ouvrière au teint hâlé,
Montre encore les vestiges
D’un castel démantelé.

Saint-Rambert, qui se fait gloire
D’avoir de vieux parchemins,
A les débris sur la Loire,
D’un pont du temps des Romains.
Moingt possède les vieux restes
Du palais des Sarrasins ;
Maclas, des côteaux agrestes
Et des grappes de raisins.


Séjour de la poésie,
Sur le bord d’un frais cristal,
Entre les mûriers d’Asie,
S’élève Bourg-Argental,
Qui montre avec sa fabrique
De fils et de peaux de gants,
Sur un rocher granitique,
Le nid d’aigle des Pagans.

Noirétable a ses mélèzes ;
Saint-Bonnet, ses serruriers ;
Rive-de-Gier, ses fournaises,
Ses gentilhommes verriers ;
Firminy, des forges sombres,
Un antique prieuré ;
Le Chambon, des bois pleins d’ombres ;
Le Bessat, le champ sacré.

Et bien ! de toutes ces villes
Qui sont l’orgueil du progrès,
L’amour des Gaules fertiles,
La couronne du Forez,
Malgré sa robe d’ébène,
Son manoir creux et miné,
Celle où mon cœur me ramène
C’est la ville où je suis né."


Les villes du Forez, Jacques Vacher.
Cet ouvrier stéphanois a écrit plus de 800 poésies et chansons !