NdFI: Thierry Wagner, président de l'association pour la Conservation des Vitraux Bégule, nous invite à faire connaissance avec son aieul. Le lecteur désireux d'en apprendre plus pourra consulter le site dédié. Le lien figure en fin de page, ainsi que l'adresse où contacter éventuellement M. Wagner.
Lucien Bégule voit le jour le 10 mai 1848 à Saint-Genis-Laval. Sa formation classique dans des établissement religieux et au sein d'une famille très pieuse l'ont formé tôt aux valeurs de la religion catholique. Lors de ses études à Mongré (Villefranche-sur-Saône), un professeur l'initie à la technique photographique. Nous sommes en 1861 et cet art allait le servir toute sa vie.
Il entretiendra une relation suivie avec l'architecte lyonnais Pierre Bossan, jusqu'à la mort de celui-ci, en 1888. Bossan est surtout connu pour avoir réalisé les basiliques Saint-Régis de Lalouvesc et de Fourvière à Lyon. Signalons pour l'anecdote qu'il a aussi fait les plans de l'église de Valfleury dans la Loire. Il avait créé une école d'art sacré à Valence, où Bégule obtint de passer deux ans. Plus tard, Bégule oeuvrera pour ces deux basiliques. De retour de Valence, il entre chez Jean-Baptiste Chatigny, 9 rue de Jarente. C'est un peintre renommé auprès duquel il suit des cours durant deux années et chez lequel il fera la connaissance de Charles Dufraine, auquel il consacrera un ouvrage en 1902 (L'oeuvre de Charles Dufraine : statuaire - Lyon : Vitte).
C'est par hasard que le vitrail fait son apparition dans sa vie : le beau-frère de Chatigny, Pierre Miciol, est peintre verrier, 11 rue de Jarente ! Et c'est chez lui qu'il est initié à la peinture sur verre. Ils s'associent en 1872. Le premier vitrail connu de Bégule date donc de cette époque, en 1874; c'est le vitrail de la Chapelle des fonts baptismaux de l'église Notre-Dame des Marais à Villefranche-sur-Saône. Il quitte ensuite Miciol pour aller travailler chez un collaborateur de Bossan : Jacob Razuret (1877). Razuret est un décorateur d'église, élève de Tony Desjardin. Ensemble ils décorent une demi-douzaine d'établissements religieux dans la région.
Lorsque nous regardons cette formation de dix années, tous les ingrédients sont réunis pour faire de Lucien Bégule l'homme qui dominera cet art sur la région pendant près de trente ans : la photographie, l'architecture, la peinture religieuse, la peinture classique, le vitrail. C'est cet éclectisme qui lui permettra d'avoir une vue globale sur la production des vitraux, de la phase préparatoire avec les cartons maison, les maquettes, jusqu'à la fabrication et la peinture sur verre. A l'époque, cette complémentarité est relativement rare. La majorité des verriers tel Gaudin utiliseront les cartons de leurs prédécesseurs ou feront appel à des cartonniers extérieurs.
Il installe ses ateliers en 1880 d'une manière extrêmement rationnelle : sur les hauteurs de Lyon avec une exposition idéale pour la présentation des vitraux, un atelier dédié à la coupe, un à la mise en plomb, un autre à la peinture, en bas l'atelier photographique et plus éloigné, le four de recuisson après peinture ou grisaille. Son héritage religieux, culturel, familial et sociologique fait qu'il a immédiatement les faveurs du "tout Lyon", religieux ou industriel, à tel point que Monseigneur Caverot, archevêque, viendra bénir les ateliers lors de leur inauguration !
Dès les début, des commandes importantes l'obligent à embaucher une équipe large pour le seconder, jusqu'à avoir dans les années 1890 un effectif proche de vingt personnes. Le nombre important de construction d'églises néo-gothiques, de style néo-classique, durant la fin du XIXe, permet à nombre de verriers de travailler sans trop de problèmes malgré la pression anticléricale de plus en plus forte de la part des gouvernements à partir de 1882, jusqu'à l'aboutissement de la loi de 1905.
L'implantation des vitraux Bégule se situe majoritairement dans la région lyonnaise et dans la Loire. Ses vitraux profanes se trouvent principalement en région lyonnaise et dans des demeures privées. Noter comme exception la Préfecture du Rhône. Si dans la Loire, on songe surtout à Mauvernay (1810 - 1898), Bégule oeuvre aussi dans ce département à partir de 1883 (Roanne) et jusqu'en 1902 (Montbrison). Ses ateliers installent des vitraux à Belmont de la Loire, Saint-Etienne, Feurs, Saint-Sixte, Boën, Marcoux, Montrond les Bains, Veauche, La Talaudière, Périgneux, Merle-Leignec, Saint-Chamond, Saint-Just en Chevalet, Sury le Comtal, Nervieux, Mornand en Forez.
Les petits vitraux de la chapelle de Belmont de la Loire, représentant l'Annonciation, la Cène et la Nativité, sont un bel exemple de cette luminosité signée Bégule.
A Montbrison, c'est la démesure d'une verrière de sept mètres (baie 3) qui orne la Collégiale. Elle représente de haut en bas :
- St Pothin présentant une statuette de la Vierge trônant avec l'Enfant sur ses genoux, à côté de Saint Jean l'Evangéliste tenant un calice et une hostie
- le Christ remettant les clefs à Saint Pierre
- Saint Irénée et Saint Hippolyte (palme).
Elle est signée LYON en bas à gauche et L.BEGVLE en bas à droite.
La baie 5 (photo ci-dessous) représente de haut en bas :
- un ange apportant une couronne représenté dans un demi médaillon.
- l'Ascension du Christ, encadré de deux anges agenouillés en adoration.
- l'Assomption de la Vierge, dans une mandorle soutenue par deux anges.
- Saint Aubrin, saint patron de Montbrison, vêtu en évêque, debout sans une mandorle, encadré de deux personnages à genoux : un homme en prière à droite, et à gauche une femme lui présentant un nouveau né qu'il bénit.
Pour voir une magnifique fresque historiée, il faut aller à Saint Bonnet le Château : les trois verrières du choeur représentent des scènes de la vie du Christ ainsi que l'arrivée des reliques de Saint Bonnet. Contrairement à la majorité des vitraux Bégule, le carton (dessin original grandeur nature) est d'un dessinateur extérieur à l'atelier : Louis Jacquesson de la Chevreuse.
Au-delà de la région lyonnaise, signalons de ses vitraux en Suisse mais aussi, le vitrage complet de la cathédrale Urikami à Nagasaki, détruite par la bombe atomique. Sans oublier, en Amérique du sud, une église complète à Rio de Janeiro et une chapelle à Santiago du Chili. Et encore, au Caire en Egypte, un vitrail dans le palais de Tigrane Pacha. Ils prouvent les relations qu'il avait su tisser !
Après 1905 et la raréfaction des commandes, il reprend son activité d'écriture et de photographie pour parcourir les départements alentour et plus particulièrement le Rhône, auquel il consacrera un autre livre de référence : Antiquités et richesses d'art du département du Rhône, en 1925. Au total, il aura publié une vingtaine de livres d'art depuis Les peintures murales de Saint-Bonnet-le-Château ( Lyon : Impr. Mougin-Rusand, 1879) - la majorité après 1900. Après avoir écrit ses mémoires, il décède le 2 février 1935.
Détail d'un vitrail de Saint Bonnet (les Rois Mages)