Sunday, June 04, 2023

Sommaire: Mare Nostrum, Gargantua, d'autres géants, druides et pierres à  cupules, pierres qui chantent et pierres des rois, Adamas et Amasis, visages païens, le procurateur et la dame au flacon de parfum, saint Martin de Tours, la pierre des trois évêques, la fontaine de Feugerolles, à  la source, saints foréziens, reliques, la dent de Neulise, justement: quand saint Hubert survolait le Forez, saint Accroupi aussi, sainte Agathe, Vierges noires... ou pas, Caramontran, vierges en péril, Fidelis, danse du Forez et Gates, la croix des argnats, un signe dans le ciel, pauvre chevalier du christ, la dame du Jarez et Gilbert de chalus, la légende des Urfé, comme les rois mages..., l'Ourgon et des fées, lutins foréziens, l'herbe de la détourne, animaux fabuleux, un loup-garou à  Chalmazel, la Bachelard, le pantalon du sorcier, " Et délivrez-nous du mal ", le pas de la mule, la chasse sauvage, Ys en Forez, château hanté, la messe des revenants, l' Adversaire, comment une femme de Lérigneux se joua du diable, la légende du Vimont, miracles du jansénisme et Cotatay-sur-Lourdes, des miracles à  Maclas ?, apparitions mariales, l'histoire d'Antoinette Montet, chasseurs de nuées, les Odouard, au désert.


"J'ai entendu des milliers de plaisanteries sur les anciens qui voyaient des esprits partout. Il me semble que nous sommes beaucoup plus sots, nous qui n'en voyons plus nulle part." Joseph de Maistre

"Les pays qui n'auront plus de légendes seront condamnés à  mourir de froid."
Patrice de la Tour du Pin
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"Seul le fantastique a des chances d'être vrai."
Teilhard de Chardin

MARE NOSTRUM 
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C'est Honoré d'Urfé qui a popularisé l'idée d'une mer forézienne qui recouvrait les terres avant la conquête romaine. "De toute ancienneté, cette contrée que l'on nomme à  cette heure Forez fut couverte de grands abîmes d'eau, et il n'y avait que les hautes montagnes que l'on voit à  l'entoure, qui fussent découvertes, hormis quelques pointes dans le milieu de la plaine, comme l'écueil du bois d'Isoure et de Montverdun." Certains auteurs nous disent qu'on pouvait voir autrefois, scellés dans la roche, à  Saint-Romain-le-Puy, des anneaux de fer qui servaient à  amarrer les barques. On retrouve cette tradition, plus au sud, à  La Tour-en-Jarez dans les écrits de La Mure. Il évoque l'existence d'une tour marquée de figures solaires au sommet de laquelle était érigée une pyramide. Un feu servant à  guider les nautes foréziens y était entretenu. Un phare, s'il vous plait, pour guider la barque des seigneurs de Saint Priest vers leur château. Dans L'Astrée, d'Urfé nous dit encore que c'est Jules César qui assécha la plaine : "un étranger romain du nom de Julius fit rompre quelques montagnes, par lesquelles ces eaux s'écoulèrent.
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GARGANTUA

Ainsi, les nombreux étangs de la plaine seraient des résidus de cette mythique mer forézienne. Selon une autre tradition, c'est Gargantua, une des plus célèbres figure de la mythologie française, qui du haut de Pierre-sur-Haute les aurait créés en crachant sur la plaine. Certains contestent et disent qu'il soulagea sa vessie. D'autres enfin ajoutent qu'il visait Lyon mais se surestima. Quoi qu'il en soit, on retrouve aussi le géant - "un grand ingénieur de l'ancien temps" dit de lui Henriette Letellier-Raffin en 1934 dans un numéro des Amitiés foréziennes et vellaves - dans une légende de Saint-Bonnet-le-Château où il exerce le métier de bûcheron, échangeant ses fagots contre de dodus moutons. Au nord du département, on trouve des « galets de Gargantua » à  Crémeaux et à  Riorges.

D'AUTRES GEANTS

Dans la commune d'Arcon, sur le plateau de Tomberimaux, la tradition place la sépulture de géants. Ils se seraient battus à  cet emplacement. Noëlas dans Légendes et traditions foréziennes (1865) évoque aussi des traditions de géants enfouis au lieu-dit les Gigasses à  Renaison. Concernant l'Ondaine cette fois, Albert Boissier relate ce que lui raconta une aubergiste: " Sous la montagne du Fayn, à  Saint-Paul-en-Cornillon, on entendait, en collant son oreille contre la terre, des géants qui forgeaient le fer sous la montagne... C'est pour cette raison qu'on avait abandonné le projet de la nouvelle route d'Aurec, dont une partie franchissait sous un tunnel la montagne du Fayn..."

DRUIDES ET PIERRES A CUPULES

Le point culminant du Forez, Pierre-sur-Haute doit son nom à  la présence d'une pierre-sur-autre, autrement dit une sorte de dolmen. Pour certains érudits, il s'agissait à  l'origine d'une pierre de sacrifice utilisée par un druide. Peut-être un des membres du supposé « collège de druides » de la région de Noirétable et de Cervières, une région riche en légendes et en pierres mystérieuses. Concernant le nom de Cervières, il semble plus plausible qu'il vienne de « cerfs » mais une autre hypothèse le fait dériver de « kerc'hier » c'est à  dire « faiseurs de cercles ». Quant à  ces mégalithes et pierres branlantes il reste à  savoir si on les doit à  l'érosion ou au travail de l'homme. Citons-en quelques unes: la pierre de la Baronnie qui sépare Noirétable et Cervières, le rocher du guet, la pierre de l'éléphant... Une d'entre elles porte le nom évocateur de Dis Pater. Selon César dans La guerre des Gaules, Dis Pater était le Jupiter gaulois, le Dieu Père. Ces roches, si elles ont été creusées ou assemblées par les hommes ne sont pas dues aux Celtes mais à  leurs prédécesseurs, les constructeurs de Carnac en Bretagne et dont la civilisation reste mystérieuse. Les Gaulois n'ayant fait que réutiliser des emplacements qui existaient déjà.
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Pierres de Saint Martin, dans le Pilat, 2002. Sans doute " l'homme vert " des anciens Celtes, archétype de la culture occidentale pré-chrétienne. Son visage n'est que feuillage. Pour l'anecdote, Peter Pan est une réminiscence de Green Man, loin de l'imagerie made in Disney.

La pierre de la Baronnie en particulier est recouverte de plus d'une quarantaine de petites cuvettes. A. Compigne des Bordes dans Le Canton de Noirétable écrit à  son sujet: "Des cupules, remplies d'eau puisée à  la source sacrée, dans l'enceinte de la forêt permettaient la macération de la verveine et du gui". La tradition nous dit que ce sont Sirenat et Austremoine, futurs évêques d'Auvergne et d'Aquitaine qui auraient évangélisé cette région des bois noirs et combattu de pied ferme les druides, crucifix à  la main.
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Il existe aussi de nombreuses pierres à  cupules ou à  bassins dans les gorges de la Loire. Par exemple, la pierre beneytière à  Caloire qui renvoie au mot « bénitier ». Albert Boissier nous dit que les habitants, jusqu'au XIXe siècle venaient s'y réunir en cercle et s'asperger d'eau. Les pierres à  bassin de Mousset, à  Saint Victor, dont une légende dit qu'elles servaient au sacrifice d'animaux. Dans le Pilat, elles sont bien plus nombreuses encore et Patrick Berlier leur a consacré des pages et des pages : les « pierres Juton » non loin de Pélussin, la Roche en direction du Chuyer ou encore les « pierres des Gardes », non loin du hameau du Grand Embuent. Les « pierres longues », près du hameau de Triolet semblent être d'une autre espèce : elles portent sur leur flanc une sorte de longue traînée longiligne et brillante. S'agit-il de « roches écriantes » comme il s'en trouve en Bretagne et sur lesquelles des jeunes femmes en mal de mariage venaient se laisser glisser ? Quant aux dolmens ou menhirs avérés, ils sont rares. Mentionnons le dolmen de Luriecq dans les montagnes du soir et le menhir du Flat dans le Pilat. C'est aussi en lieu et place du dolmen des fades (des fées) qu'aurait été construite l'église de Gumières dans les Monts du Forez.

PIERRES-QUI-CHANTENT ET PIERRES DES ROIS
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Il était une fois une petite maman perdrix - c'est charmant - qui succomba au charme de Morphée et qui se réveilla en plein orage, sans ses petits. Partant à  leur recherche, elle fut emportée dans la tourmente. Croyant sa dernière heure venue elle fut recueillie par la fée Uriande qui lui montra dans un miroir magique ses petits à  l'abri d'un buisson. Le lendemain, au récit de son aventure, tous les animaux la proclamèrent Reine du Mont Pilat. Voilà  pour l'historiette du col de la perdrix. Selon Gardon (1993), la perdrix ne serait pas un oiseau mais la « peyre de rix », la « pierre du Roi ». Il s'agirait d'une allusion à  la vieille tradition celte de la pierre de couronnement qui pousse un cri quand s'y assoit le Roi qu'elle désigne (la Liafail des Irlandais). Il existe peut-être une autre de ces pierres magiques dans les monts du Forez. Au lieu dit de Chanteperdrix (!), vers le hameau de La Guillanche, un rocher en forme de siège aurait servi aux seigneurs du lieu quand ils percevaient l'impôt. La tradition en fait aussi le lieu de repos de saint Martin, saint Patron de la Gaule lors d'une halte dans sa mission évangélisatrice. Achevons enfin avec Samson, qui n'était pas un roi mais un juge des tribus d'Israel et qui a son fauteuil dans le pilat, non loin du Mont Ministre. Il a aussi laissé l'empreinte de son pied sur la roche.
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La roche noire près de l'IUT de Saint-Etienne
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Mais la roche la plus célèbre de la région reste certainement la « pierre-qui-chante », dans le Pilat. Nommée aussi « pierre du diable » par les prêtres peu encleints à  souffrir la concurrence de cultes païens, c'est une grosse pierre oblongue de 4 mètres de long qui a été posée en équilibre sur un rocher et calée avec des pierres de soutien. Elle ressemble à  l'aiguille d'une boussole pointant vers l'horizon. On peut aussi, avec un peu d'imagination, y deviner un visage inquiétant. Une légende s'attache à  son second nom : le diable transporta lui-même la pierre sur son dos pour venir la déposer en ce lieu. Quant à  son nom premier, il renvoie bien sûr à  l'enchantement, l'ensorcellement. On retrouve Merlin qui a donné son nom à  l'amoncellement de roches alentours. Patrick Berlier nous dit en outre que deux dolmens existaient autrefois sur le site, dont il reste quelques vestiges éparses. A noter encore que la roche noire proche de l'IUT de Saint-Etienne (surnommée « le chapeau de Napoléon ») selon Berlier toujours, qui est, sinon le druide du Pilat tout du moins le chantre, " est le dernier maillon de la ligne solsticiale visée par la pierre-qui-chante. C'est le seul endroit de Saint-Etienne d'où le site des roches de Merlin est visible..."
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ADAMAS ET AMASIS

Le druide le plus célèbre du Forez est Adamas, le prince des druides de la contrée, personnage de L"Astrée d'Urfé que l'auteur fait demeurer dans le château de Goutelas, non loin de Boën. Son nom d'origine grecque signifie « diamant ». Quant à  Amasis, elle est la Reine « urféenne » du Forez, tenant son autorité de Galathée (ou de Diane) qui donna son nom aux Gaulois.
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Amasis, reine du Forez croquée par Patrick Ballet dans la BD L'histoire d'Astrée et Céladon. En arrière-plan, Montverdun où Cléontine rend ses oracles en interprétant les messages d' Esus, relatifs à  la guerre, de Taramis pour le futur et de Bélénus pour l'Amour.
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VISAGES PAIENS

SucellosRozier.jpgDivinité gauloise équivalente au Dagda irlandais, Sucellus ou Sucellos dont le nom signifie « celui qui frappe fort » était surnommé « le dieu au maillet ». Il était représenté muni d' un long maillet à  double tête qui possédait la vertu de tuer ou de ressusciter. On trouve son souvenir dans l'église de Rozier-Côtes-d'Aurec dans les monts du Forez, derrière l'autel, sur un chapiteau. Il porte un marteau et une hache. Ce qui semble être un serpent passe par sa bouche. C'est aussi une divinité de la nature, le protecteur des forêts d'où la présence d'un arbre (de vie ?) à  sa droite. Il est parfois représenté vêtu d'une peau de loup. Justement deux loups sur des chapiteaux accueillent les visiteurs à  l'entrée de l'église. Or celle-ci est dédiée à  Saint Blaise. Selon la légende dorée, Saint Blaise était évêque en Arménie. Il s'agit vraisemblablement d'une figure païenne recouverte d'un vernis chrétien, peut être Sucellos lui même. Ajoutons que « Loup » en breton se dit « bleiz ».

Sucellos porte parfois le nom de Sylvanus remplacé aux temps chrétiens par saint Sylvain, loup et chasseur de loups. L'Abbé Duguet signale dans un ouvrage qu'une inscription était gravée dans un mur de l'église de Feurs, capitale antique des Ségusiaves qui a donné son nom aux Forez. Il s'agissait d'une dédicace à  Sylvain: "Les charpentiers de Feurs à  leur protecteur, le Dieu Sylvain." C'est cette même divinité qui aurait donné également son nom au village de Sauvain, dans les Monts du Forez.
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Une autre divinité, plus mystérieuse encore est représentée dans la très ancienne chapelle de Notre-Dame de Chambriac à  Usson-en-Forez, l'antique Icidmago. Il s'agirait de la tête d'un taureau (ce qui ne saute pas aux yeux) sculpté à  côté d'un ange. Une note dans la chapelle indique qu'il s'agirait de la représentation d'une divinité nommée Taurus, provenant sans doute d'une autre monument d'origine romaine. Si c'est d'un taureau dont il s'agit ici, ne pourrait-il pas renvoyer au culte de Mithra qui fut l'un des plus sérieux concurrents du Christianisme à  ses débuts ?

LE PROCURATEUR ET LA DAME AU FLACON DE PARFUM

Une histoire tenace affirme que le procurateur de Judée fut exilé dans la province de Vienne. Dans le Pilat, l'Eternel, à  son intention fit sortir de terre le pic des trois dents pour lui remettre en mémoire le Golgotha, ou la Sainte Trinité, c'est selon. On dit que le Romain aurait mis fin à  ses jours, non sans laisser son souvenir.
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Certains vieux textes évoquent aussi Marie-Madeleine à  Vienne, accusant Pilate de déicide. Rappelons que les montagnes au nord de Noirétable, marquant la frontière entre Roannais et Bourbonnais sont nommées Monts de La Madeleine. Dans l'église de Noirétable, une statue en pierre de lave la représente allongée une main sur un crâne et son flacon de parfum à  ses côtés. C'est absolument anecdotique mais pas très loin au sud, à  Sail-sous-Couzan, une grotte aux fées est surnommée « la Beaume », un nom qui renvoie à  la Sainte Beaume de Provence où la tradition affirme que Madeleine aurait vécu longtemps après avoir accosté en Gaule où elle planta la première croix d'Occident. Avec elle s'étaient embarqués de Terre Sainte, Lazare, Marie-Jacobé, Marie-Salomé et la petite Sarah. Les apôtres accostèrent aux Saintes-Maries-de-la-Mer, lieu saint du peuple gitan. C'est pour abriter ses reliques que le demi-légendaire Gérard de Roussillon fonda au IXème siècle en Bourgogne l'abbaye de Vézelay. Bien plus tard, Béatrix, épouse de Guillaume de Roussillon fut à  l'origine de la fondation de Sainte-Croix-en-Jarez dans le Pilat. Le Pilat encore où une chapelle a longtemps gardé une peinture représentant la fidèle du Christ. De là  à  penser que la sainte pécheresse aurait quitté sa grotte sur nos côtes méditerranéennes pour arpenter nos forêts...

SAINT MARTIN DE TOURS
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Pierres de Saint Martin dans le Pilat
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L' évêque de Tours, ancien soldat romain célèbre pour avoir partagé son manteau avec un miséreux a traversé le Forez au IVe siècle. Son souvenir figure dans des milliers de légendes françaises. Dans la Loire, on trouve sa trace des Monts du Forez au Pilat, de Bussières à  Périgneux. Chaussée de bottes de sept lieux, il affronte le Diable ici, invente les choux rouges de la plaine en passant, crée une fontaine là , laisse les traces de son passage partout. Toutes ces légendes qui s'attachent à  son nom recouvrent des traditions paiennes christianisées. La légende dorée forézienne de Courcel et Bouiller ne recense pas moins d'une quinzaine de pierres de saint Martin, sans compter les fontaines et les paroisses placées sous son patronage (22). Au total plus de 50 lieux lui sont dédiés sur tout le département : pré saint-Martin à  Montrond-les-Bains, Fontaine saint-Martin à  Chazelles-sur-Lyon, Bussières, la celle saint-Martin à  Cleppé, etc.
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Oratoire de Saint Martin près de Saint-Genest Malifaux. Le centurion est ici représenté en train de découper son manteau. A droite, le voilà évêque de Tours, dans les gorges de Couzan
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Les pierres les plus célèbres sont celles du Pilat dans les environs de Saint-Genest-Malifaux et Saint-Régis-du-coin. Le saint est sollicité en particulier pour la guérison des troubles locomoteurs des enfants. Dans le Pilat, sur le mont Chaussitre, il était de coutume de coucher les enfants souffrants dans une crevasse creusée dans le rocher. On retrouve cette tradition dans les gorges sauvages du Lignon à  Saint-Martin-des-Côtes où la statue du saint domine toute la vallée, et le visiteur peut y trouver encore parfois, déposés à  ses pieds, des chaussons de nouveaux-nés.

LA PIERRE DES TROIS EVEQUES

La Pierre des trois évèques est perdue dans une forêt sombre et reculée du Pilat. Posée dans les sous-bois, elle a une forme plate et ronde de 2,50 mètres de diamètre, haute de 40 cms environ. Sur la pierre il y a trois croix gravées ainsi que des inscriptions dues à  des bergers, il s'agit de noms. Cette pierre est très ancienne et a toujours servi de borne frontalière:

Dans l'Antiquité elle marquait la limite des trois provinces gallo-romaines de la Lyonnaise, la Narbonnaise et l'Aquitaine. Plus tard, sous Charlemagne, elle était la frontière entre l'Aquitaine, la Bourgogne et la Provence. Au Moyen Age elle marquait la limite entre les archidiocèses catholiques de Lyon, Vienne et Le Puy.
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Sur elle, les évèques du Puy, de Lyon et de Vienne pouvaient s'y retrouver sans sortir de leur juridiction. Une légende raconte aussi que durant les guerres de religion entre catholiques et protestants et, durant les persécutions de la Révolution, des hommes d'église seraient venus se réfugier dans les environs.

L'ORACLE DE LA FONTAINE DE FEUGEROLLES

Une sorte de fontaine de « vérité et d'amour » où chacun venait poser sa question à  l'oracle. Ensuite, il fallait poser une feuille de lierre sur l'eau et y placer dessus une pièce de monnaie. Si la feuille et le sou coulaient, c'était mauvais signe. Plus tard, les gens prirent l'habitude de se rendre dans la chapelle du château pour consulter la Vierge en procédant de la même manière, sur l'eau du bénitier.

A LA SOURCE
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La Font Ria se trouve à  une dizaine de km de Saint-Etienne, dans un sous-bois tout près du carrefour de la Croix du Trève. C'est une source qui surgit de nulle part et son eau, très froide, coule entre des pierres qui sont gravées de phrases mystérieuses:

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"Le coulage arreste mon onde vous reste
Je glace de peur en perdant ma soeur
Car l'on me caresse lorsqu'elle me laisse"


Ces inscriptions qui datent du début du XVIIe furent gravées par L. Jacquemin et restaurées par le Père Granger. A l'origine il y avait une autre source à  coté la « Font(aine)qui pleure ». Il semblerai que ces vers traduisent la peur ancestrale des habitants qui lorsque la « Font qui pleure » cessait de couler imploraient sa soeur la « Font qui rit » d'intercéder auprès d'elle en leur faveur. Ajoutons que le Père Granger, qui effectua des fouilles sur les lieux, découvrit des silex taillés datant du mésolithique et des tessons datant de l'époque gallo-romaine.

De nombreuses fontaines faisaient l'objet d'un pèlerinage car leur eau possèdent des vertus thérapeutiques. Ainsi celle du Gourd Chaud, à  Salt-en-Donzy, passe pour guérir les troubles des yeux, de même que celle de saint Pierre à  Renaison ou encore celle de saint Porcaire à  Montverdun. Si la Gourd chaud est aujourd'hui impossible d'accès, la fontaine de Valfleury, placée sous la garde de Marie, est en revanche toujours très fréquentée.

SAINTS FOREZIENS

- Saint Aubrin a vécu à  Montbrison. Ses reliques, conservées dans la collégiale Notre-Dame d'Espérance, protègent la ville de la foudre. Une coutume veut que l'on garde dans sa poche du coton que l'on a frotté contre son reliquaire.
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- Le saint Sabin officiel était un évêque italien. Il semblerait pourtant que sa légende dorée se soit greffée dans le Pilat sur un sabin local, un ermite. Chaque année, à  la Pentecôte, a lieu une messe en plein air non loin de sa chapelle de La Véranne et l'Alchemille ou « herbe de Saint Sabin » qui protège les troupeaux est bénite. « Saint Sabin du Pilat » était aussi le surnom de guérisseurs célèbres dont nous reparlerons plus loin.
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Prieuré de Montverdun
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L'Histoire (ou la légende) de saint Porcaire est horrible. Ce Forézien était à  l'époque de Charles Martel l'abbé du plus ancien monastère d'Occident, celui des Iles Lérins au large de Cannes. A l'arrivée des Sarrazins, aucun des moines ne prit la fuite. Tous furent égorgés sauf Porcaire à  qui furent arrachés les yeux. Il revint dans son pays natal, à  Montverdun, pour accomplir son destin. Les Sarrazins le tuèrent avant d'aller à  Poitiers. Comme il se doit, saint Porcaire est sollicité pour les problèmes de vue.
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"Lérins vous fit son maître
et vous a vu souffrir;
Le Forez vous vit naître
et mourir !"

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- Saint Galmier, (Baldomer) a vécu au VIIe siècle. Saint Patron des serruriers, il est sans doute d'origine germanique. Il a donné son nom à  la ville de l'eau de Badoit. Il est fêté le 27 février.

- Sainte Prève, fille du comte de Forez fut assassinée par ses frères. Elle est la fondatrice mythique du prieuré de Pommiers. La Prève historique n'a jamais été assassinée.

- Sainte Albane ne figure pas dans l'inventaire de la légende dorée. Son tombeau se trouve (trouvait ?) à  Leigneux. Fut-elle la fondatrice du monastère établi en ce lieu au XIème siècle ou une simple religieuse morte en « odeur de sainteté » au XIIIe siècle comme semblerait le montrer la datation de certaines poteries découvertes dans son sépulcre ? Il faut noter non loin, l'existence d'une fontaine dite « de Sainte Albane ». Notons que son pendant masculin, saint Alban, est présent à  Salt-en-Donzy et à  Saint-Alban-les-Bains, lieux de jaillissement de sources. A moins que l'auteur consulté ne fasse erreur. Affaire non classée...

RELIQUES

- Saint Ennemond ( ou saint Chamond), archevêque de Lyon fut assassiné en l'an 659 pour avoir voulu organiser une principauté dans le Lyonnais. Ses reliques furent recueillies dans la ville du bassin stéphanois qui porte aujourd'hui son nom.

- La translation des restes de saint Bonnet, de Lyon à  Clermont via le Forez, s'est faite en 722. Plusieurs villages-étapes se placèrent sous son vocable. Ainsi Saint-Bonnet-le-Courreau, Saint-Bonnet-le-Château... Certains auteurs cependant font un rapprochement avec un dieu gaulois, le solaire Bélénos.

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Chasuble de saint Rambert

- Saint Rambert fut assassiné en 675. Ses restes miraculeux étaient particulièrement honorés à  Saint-Rambert-en-Bugey. A tel point que le comte de Forez convoitait ces reliques pour son pays. En 1078, nous dit la légende, le saint apparaît à  un dévot et lui demande de transporter ses restes dans le Forez. L'homme s'exécute et prend le chemin du Pagus Forensis où le comte Guillaume Ier l'escorte jusqu'à  Saint-André-en-Forez après que les eaux de la Loire se soient fendues pour les laisser passer. Le village est alors rebaptisé du nom du saint. Sa chasuble, conservée précieusement de nos jours encore au Musée des Civilisations, passait pour guérir les fièvres. On disait aussi qu'elle avait appartenu à  la Vierge. Des reliques de saint Domitien sont (étaient ?) également gardées dans le prieuré.

- A noter aussi le bras reliquaire de Veauche (rare) contenant un fragment d'os de saint Pancrace. A Champdieu, des reliques de saint Domnin guérissent les troubles locomoteurs. A Firminy, celles de saint Firmin, conservées dans un reliquaire en forme de croix ont la propriété de guérir des crampes.

- Mais la relique la plus précieuse reste bien entendu le fragment d'épine de la couronne du Christ gardé à  Saint-Etienne. Ce bout d'épine provient de la couronne ramenée de Constantinople et pour laquelle Saint Louis fit construire la sainte chapelle à  Paris. Il en avait prélevé une épine pour l'offrir au sanctuaire du Puy. Lors de la Révolution, un prêtre la fit transporter en sûreté à  Saint-Etienne où elle est restée. 
 
LA DENT DE NEULISE

Voilà  une histoire un peu rocambolesque. Elle commence en 1745 avec l'arrivée à  Fragny, paroisse de Neaux, d'un déserteur de l'armée du roi. Le soldat transporte avec lui une « dent miraculeuse » qui guérit de la rage. Sans doute l'a-t-il ramassé on ne sait dans quelle église lors d'on ne sait quelle guerre. Toujours est-il qu'elle passe pour provenir de la bouche de saint Hubert en personne. Contre quelques pièces, la dent, son coffret et la formule de prière qui vont avec se retrouvent dans le patrimoine des Tixier, des paysans. Elle les suit ensuite à  Neulise où ils la remettent aux bonnes soeurs de l'hospice. Intégrée dans la pharmacopée, ses vertus de monnayent fort bien et on vient de fort loin pour en profiter. Tout le monde est content.
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En 1931, A. de Compigny des Bordes, pour La Région illustrée eut la possibilité d'examiner la dent. Laissons-lui le mot de la fin : "Sur un lit de coton, à  l'intérieur, la fameuse dent, longue de deux centimètres, étroite, pointue, ressemble à  un croc de jeune chien. Dent de Saint-Hubert ? Une blague !Mais cette histoire, au demeurant, n'est-elle pas la plus belle illustration de l'axiome : « Il n'y a que la foi qui sauve ?.. »
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JUSTEMENT : QUAND SAINT HUBERT SURVOLAIT LE FOREZ

Il vivait au VIIe siècle. Issu d'une grande famille d'Aquitaine, ce chasseur impénitent se retrouva un jour face à  face avec un cerf qui portait entre ses ramures une croix étincelante. Ce cerf, que rencontra bien plus tard le roi Philippe le Bel avant de trépasser, l'amena à  se convertir au christianisme et à  abandonner la chasse. A défaut de se faire végétarien. C'est à  sa mort que commence ce conte forézien relaté par Louise Faure-Favier dans le n° des Amitiés foréziennes et velaves mentionné plus haut. Le saint monte aux cieux éternels et le Père l'accueille à  bras ouverts. Mieux, il lui propose d'exsaucer un voeu. Le saint lui répond :
- Eh bien, je voudrais voir, du haut du ciel, les forêts de France.
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Rien de plus facile pour le Seigneur qui lui loue pour l'occasion une paire d'ailes d'archange. Et voilà  notre saint Hubert parti en vadrouille au dessus des forêts des Ardennes sauvages, de la Provence embaumée, de l'Ile de France. Et puis celles du Forez, bien sûr, qu'il aima tant qu'il voulut y demeurer. Jusqu'à  ce que Dieu les tapisse d'un filet de brumes, obligeant ainsi notre saint à  rentrer au bercail du paradis.
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SAINT ACCROUPI AUSSI
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Dans son édition du 12 août 2006, La Tribune- Le Progrès a consacré un article au village de Saint-Maurice-en-Gourgois. Il y est question de saint Accroupi qu'on chercherait en vain dans la Légende dorée. La sculpture  se trouve dans la rue du même nom, sur une des parois extérieures de l'église. Voici ce que dit l'article (« Saint-Maurice-en-Gourgois : la parole donnée aux pierres ») à  son propos : "Figure grotesque, Saint Accroupi se blottit dans un angle de la construction de l'église. Recroquevillé, le personnage garde son secret. L'oeuvre témoigne du savoir-faire certain du tailleur de pierre. Un peu au dessous du personnage, on remarque une pierre creusée à  l'allure de bénitier ; et sur le montant gauche de la porte, un signe triangulaire marque du tailleur de pierre compagnon qui l'a taillée."
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A propos de ce mystérieux personnage, il faut signaler que son nom se trouve en d'autres lieux de France, notamment en Normandie. Au début des années 50, Vaultier et Fournée, dans Enquête sur les saints protecteurs et guérisseurs de l'enfance en Normandie évoquent un saint « Accroupi » dans le Calvados. Selon eux, son nom viendrait tout bonnement de sa posture, mais ils signalent aussi une hypothèse qui en ferait une déformation du nom de saint Agapit, un obscur martyr fêté le 18 août, persécuté sous le règne de l'empereur romain Aurélien.
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Avant eux, un autre auteur mentionnait dans l'Eure une " pierre de saint Accroupi " sur laquelle on venait prier et sur laquelle on menait les enfants noués, c'est à  dire malades. Un mot enfin du lied funèbre d'Alfred Jarry, intitulé Le miracle de Saint-Accroupi:
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"Sur ses cuisses dures ses coudes qui luisent sous les astres blonds se posent, soudés pour l'éternité. Et c'est un grand Saint, car il a pour siège, honorable siège, un beau bénitier. Il n'a point de nom. Dans un coin tapi, ignoré des hommes, seules les Croix blanches lui tendent la plainte de leurs bras dressés. Le corbeau qui vole le méprise nain, croassant l'injure au bon Saint courbé: Vieux Saint-Accroupi.

SAINTE AGATHE

Sainte Agathe est célèbre pour avoir coupé les éruptions de l'Etna en l'an 251, après s'être fait coupée les seins. A ce double titre patronne des nourrices et des fondeurs de cloches, elle l'est aussi de Chavanay, où se trouve (se trouvait ?) une croix dite de sainte Agathe. Le jour de sa fête, le 5 février, les habitants faisaient bénir par le prêtre un petit morceau de pain qui était ensuite rangé dans un tiroir. Il devait être sorti en cas d'incendie.  Une représentation de saint Agathe, portant ses seins sur un plateau, se trouve à  Néronde.
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VIERGES NOIRES OU PAS

La Vierge noire de Baffie, dans la chapelle du même nom, près de Saint-Germain-Laval fut ramenée de Terre Sainte par saint Louis qui en 1254, l'offrit à  Guillaume de Baffie. Sculptée dans un bois de genevrier, la Vierge d'ébène attira une foule immense de pèlerins, y compris des princes et le roi Louis XI. Une légende raconte : la Vierge, déménagée, fut prise de tristesse. Elle regrettait sa chapelle de Baffie, si finement éclairée par ses hautes verrières, ses arbres qui lui faisaient si bel ombrage, sa rivière qui bruissait entre les cailloux. Elle regrettait ses pèlerins, elle regrettait surtout le vieux ménestrel qui, interdit devant elle, ne put trouver mot pour dire sa prière et la fit chanter à  son violon. Le violon chanta si douloureusement sa profonde misère que tous, dans l'église élevèrent la voix pour le pauvre vieux : "Bonne Dame, prenez-le en pitié, exaucez sa prière !" A tant de souvenirs, elle retourna à  Baffie. Trois fois on la ramena, trois fois elle redescendit à  Baffie. A son dernier voyage, sachant qu'elle ne reverrait pas sa vallée avant longtemps, sur un rocher, elle mit un genou à  terre et dit adieu à  sa chapelle.
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Chapelle de Baffie dite aussi de la Val
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Affiche de 1904 pour une pièce de Massenet, compositeur stéphanois. Le thème du jongleur de Notre-Dame, à  rapprocher de l'histoire du violoniste de Notre-Dame de Baffie est un des plus beaux fabliaux du Moyen Age (qui décidément n'avait rien de médiocre): un jongleur, seul dans la cathédrale, jouait pour la Vierge. La statue s'anima et vint éponger le front du ménestrel.
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Une autre légende raconte dans les Mystères de la Loire que c'est Hugues Baffie qui serait à  l'origine de la chapelle. Ce seigneur brigand déroba la statue de la Vierge. Mais voilà  que les fleurs de lys d'or du manteau de la Vierge s'échappèrent une à  une, tombant au sol et balisant le chemin comme les cailloux du petit Poucet. Pris d'un remord aussi soudain qu'intense, il demanda pardon, fit construire la chapelle et finit ses jours en bon chrétien.
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C'est un berger qui a découvert la sculpture de Notre Dame à Bonson dans un tronc d'arbre, de même qu'à  Valfleury, cette fois dans les genêts, d'où son nom de Notre-Dame des Genêts. En revanche, Notre-Dame de Chambriac, à  Usson-en-Forez, fut trouvée par un muletier. Concernant la première, ici aussi les habitants durent batailler ferme pour enlever la Madone à  son arbre. Rien n'y fit, contrairement à  sa « cousine » de Baffie, la Bonsonnaise ne lâcha pas le morceau. Finalement, les habitants prirent le parti de construire la chapelle sur place, autour de l'arbre. Concernant celle de Chambriac, hormis la légende de sa découverte, on ne sait rien de ses origines. Fut-elle ramenée de Terre Sainte comme Notre Dame de Baffie ou bien, et c'est moins exotique, de l'abbaye de La Chaise-Dieu dans le Puy de Dôme ?
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De gauche à  droite: Notre Dame des genêts de Valfleury, Notre Dame de Chambriac et Notre Dame de Bonson, la Madone du Forez dérobée il y a quelques années
 
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La Vierge de Pélussin au regard sévère (photo communiquée par Patrick Berlier)
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Quelque part dans les Montagnes du soir, sur la porte d'une chapelle dédiée à  la Vierge: "Gardez cet endroit secret, trop de monde nuit et hop ! pas de miracle"
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La vierge noire de Notre-Dame de Sous Terre, à  Pélussin (à  ne pas confondre avec la blanche du même nom dans la crypte sombre de Saint-Jean-Soleymieux) possède (possédait ?) des vertus magiques. La tradition voulait que l'âme de l'enfant décédé sans avoir reçu le baptême erre par monts et par vaux jusqu'à  ce qu'elle rencontre un parrain ou une marraine qui la délivre. Aussi la coutume voulait que le matru mort-né soit exposé dans la crypte aux pieds de Notre Dame. Et parfois, l'impossible se produisait, le bébé vivait à  nouveau, juste le temps pour le prêtre de lui donner les saints sacrements délivrant son âme. Il existe des témoignages à  ce sujet et Patrick Berlier cite des exemples extraits des registres paroissiaux. Ainsi en 1667, la petite Moulin; en 1672, la petite Ollagnier...

 

Marie enfant, dans une crypte forézienne. Fréquentes en Italie, c'est à notre connaissance la seule sculpture de ce type en Forez.


CARAMONTRAN

Le terme, en patois, signifie "carême entrant" et désigne les feux de joie de la Saint Jean qu'on faisait flamber au soir du mardi gras. Le mot désigne un lieu-dit sur la commune de Saint-Jean-Bonnefonds où, raconte la légende, les flammes ravagèrent une ferme au moment où était célébrée la messe de minuit. Trois jeunes enfants périrent. Reconstruite, la ferme porta longtemps trois petites croix sur un pan de mur pour rappeler cette dramatique soirée.


VIERGES EN PERIL

Un grand classique, la jeune pucelle poursuivit par un fougueux étalon qui préfère la mort au déshonneur. C'est le cas de Lorette, dans le Pilat qui s'est jetée du haut d'une falaise donnant du coup son nom à  la cascade du « saut de Lorette ». Sur l'île de Grangent, c'est Pâquerette qui est séquestrée par le seigneur de Jarez. Mais la Sainte Vierge arrive et délivre la jeune femme tandis que satan met le grappin sur le malotru. On retrouve encore cette histoire du côté de Noirétable où un chevalier hardi enlève une jeune femme au nez et à  la barbe du comte de Forez. Ce dernier, un peu lent à  la détente, réagit enfin et lance ses cavaliers à  sa poursuite. Que se passe-t-il ensuite ? On ne se souvient plus... nous croyons que la jeune femme trépasse et que le chevalier meurt de désespoir, bref tout le monde y passe...
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L'île de Grangent photographiée au début du siècle par Joseph Redon. Photo communiquée par Philippe Mongour
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FIDELIS
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Une belle histoire nous est contée dans Le Roannais illustré. Nous la devons à  Maurice Souchier qui publia dans la revue une ballade expliquant le nom d'une famille noble du château de la Roche : les Monteux de Chairsala. L'homme de la famille, un jour, se croisa. Sa dame dit à  son fidèle écuyer :
"- A toi, Thibaud, je le remets
Garde ton maître et me promets
De ne l'abandonner jamais !
Et sur la croix de ton armure,
Jure qu'ici même, en mes bras,
Vivant ou mort tu me le rendras !"
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Les compères gagnèrent la Terre Sainte où le chevalier trouva la mort en combattant les soldats de Saladin. Fidèle à  son serment, l'écuyer n'abandonna pas le corps de son maître au sable d'orient. Grâce à  lui, la belle dame du Forez pût serrer une dernière fois dans ses bras, son amour que le serviteur avait conservé dans du sel ! D'où le nom de Chairsala.
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LA DANSE DU FOREZ ET LES GATES

Il y a moult beau monde et gente dames au château de Sury où le comte de Forez offre le bal. C'était sans compter sur la vilenie du plancher fragile qui envoya tout ce beau monde ad patres. "D'où est venu en ce royaume et spécialement en cette province où s'épancha le bruit de ce malheur l'ancien proverbe, quand on dit la danse de Forez, pour exprimer une grande réjouissance suivie d'une tristesse." (La Mure)
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Une variante précise que les musiciens qui jouaient au sous-sol couvrirent délibérément les craquements néfastes du plancher. Pourquoi ? Parce que le Bohémien est fourbe, c'est bien connu. A ce propos, en Forez, les Romanichels et autres Bohémiens étaient surnommés les Gates. Ils avaient en effet pour coutume de venir prier sainte Agathe dans sa petite chapelle d'Andrézieux, aujourd'hui dans le cimetière. Au passage, il n'est pas rare de voir encore des roulottes bohémiennes à  l'ancienne, tractées par des chevaux, notamment du côté d'Usson-en-Forez quand les beaux jours reviennent.
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Tombe gitane, quelque part en Forez
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LA CROIX DES ARGNATS

Le Forez n'a pas la Vénus de Quinipily. Qu'à  cela ne tienne, il a la croix des argnats ! Il s'agit d'une curieuse croix de pierre isolée non loin d'Essertines, dans la sauvage vallée du Vizézy. Elle se compose d'une tige et de branches à  huit faces inégales suportant une figure du Christ grossièrement taillée. Elle porte sur sa tige et ses branches des sortes d'aspérités en forme de boules, à  l'image de celles des calvaires bretons. Les gens des environs, affligés de furoncles (argnats en patois) venaient s'y frotter.
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La coutume voulait que le malade laisse une offrande à  la croix mais malheur à  celui qui la dérobait; il recevait le mal en retour. Si des fois vous veniez à  passer dans le coin à  la recherche d'un bon endroit où vous supprimer, vous pouvez aller au préalable vous recueillir dans la petite chapelle toute proche. A noter aussi que la croix des Argnats n'est pas unique dans son genre. A Marols, près de l'imposante église se trouve une croix similaire, avec ses « bubons ».
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UN SIGNE DANS LE CIEL

Guillaume de Roussillon en 1275 prit la tête d'une centaine de chevaliers et partit pour la Terre Sainte. Croidade sans espoir, il y trouva une mort héroà¯que en combattant contre les musulmans. Son épouse, Béatrix de la Tour du Pin, hérita du château de Chateauneuf près de Rive de Gier. La tradition raconte qu'elle vit en songe une croix lumineuse encerclée d'étoiles. Elle s'en alla dans le Pilat, dans la vallée du Couzon et vit à  nouveau le croix et les étoiles immobiles au dessus des frondaisons. Ici s'éleva la Chartreuse de Ste Croix-en-Jarez. De nombreuses histoires courent sur cette fameuse chartreuse. La plus célèbre est celle de la croix sanglante indélébile sur un des murs de la boulangerie, souvenir, dit-on, du passage de la Sainte Inquisition à  la poursuite de Templiers en fuite. Une autre histoire évoque une étrange invasion d'escargots. Selon A. Touzet, c'est « invasion des cagots » qu'il faut deviner derrière les apparences; du nom de ces mystérieux proscrits qui font encore couler beaucoup d'encre. Signalons encore la présence d'une superbe fresque représentant la crucifixion avec le Graal recueillant le sang du Sauveur et le souvenir du non moins mystérieux Dom Polycarpe de la Rivière, cher à  Patrick Berlier. Pour en savoir plus à  ce sujet, nous vous renvoyons à  la lecture des Guides du Pilat et aux deux ouvrages de Berlier consacrés à  Dom Polycarpe et la Société Angélique.

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PAUVRES CHEVALIERS DU CHRIST
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On considère généralement que Hugues de Payns, le fondateur de l'Ordre des Templiers, était originaire de Champagne. Cependant la question de ses origines n'a jamais été tranchée catégoriquement et une hypothèse le rattache au Forez via l'Ardèche. Selon celle-ci, s'appuyant sur ce qui serait son acte de naissance, rien de moins, il serait donc né dans le Vivarais et sa famille aurait tenu fief en Forez, notamment à  Miribel, près de Périgneux et surtout dans le Pilat à  Argental. Félix Thiollier, dans son ouvrage Le Forez pittoresque et monumental le cite parmi les « Forésiens dignes de mémoire ». Jean Combe dans Histoire du Mont Pilat évoque l'hypothèse d'Argental. Ajoutons que Guillaume de Beaujeu, XXème grand maître du Temple descendait également d'une illustre famille forézienne. C'est ce Beaujeu qui au concile de Lyon en 1274 lança la IXe croisade dont Guillaume de Roussillon prit la tête. Enfin, c'est à  un Beaujeu, à  la fois neveu de Molay (dernier grand maître de l'ordre) et de son homonyme déjà  cité, que la tradition fait le dépositaire du célèbrissime trésor. Beaucoup sont ceux qui l'ont cherché ce trésor au château d'Arginy dans le Rhône tout proche. Pour revenir au Forez, il semblerait qu'il n'y ait eu qu'une seule commanderie templière, à  Marlhes. En revanche, leurs concurrents de Saint Jean de Jérusalem ou Hospitaliers, dont les chevaliers de Malte sont encore aujourd'hui les héritiers, avaient une commanderie à  Saint-Germain-Laval, à  Montbrison et à  Chazelles-sur-Lyon.

LA DAME DU JAREZ

Béatrix de Roussillon, fille de Guillaume de Roussillon et Béatrix de la Tour du Pin, pieuse comme sa mère et femme de Gaudemar II de Jarez, seigneur de Saint-Chamond, est pourtant passée à  la postérité sous le surnom de Dame du Jarez, une abominable ogresse. Elle était accusée de dévorer les enfants. Condamin, historien de Saint-Chamond, précisait que cette légende avait une résonance du côté de Chevrières.

ET GILBERT DE CHALUS

Lassés de la tyrannie de ce cruel seigneur, les habitants de Saint-Etienne le brûlèrent un soir en effigie sur leur place. Au même moment, dit la tradition, son château se consuma pour de bon.

LA LEGENDE DES URFE

De nombreuses légendes s'attachent au nom de la plus illustre des familles foréziennes. D'abord celle, atroce, de cette Hermandride d'Urfé qui fit douze enfants d'une ventrée et qui les noya tous de peur d'être accusée d'adultère. Elle n'en garda qu'un.
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Couverture de Louve, un album de Thorgal, par Rosinski et Van-Hamme
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En 1418, c'est un seigneur d'Urfé et toute sa famille qui est massacré par des domestiques. Seul un bébé à  qui l'on avait fait choisir entre une pomme et une pièce d'or eut la vie sauve en préférant le fruit. Les coupables furent retrouvés et châtiés à  l'exception d'un seul, réfugié dans les sombres forêts de Noirétable. La Vierge lui apparu et il fonda l'ermitage de Notre-Dame. Jusqu'au début du XXe siècle, assure certains, on pouvait voir une trace sanglante sur le lieu du massacre, dans le château des Cornes d'Urfé.
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Les Cornes d'Urfé, berceau de la famille, à Champoly
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Dans les années 1750, à  Paris, la marquise d'Urfé côtoyait l'énigmatique Casanova de Seingalt. La noble dame conçut alors le projet de réaliser avec son aide l'hypostase de Paracelse, autrement dit de faire un enfant avec un esprit élémentaire (ou démon). Ce qui devait lui permettre d'acquérir l'immortalité puisque son âme propre allait migrer dans le corps tout frais du nouveau né. Entre temps, le mage fut arrêté pour escroquerie et la marquise décédait peu de temps après, persuadée peut-être de porter en elle l'enfant du démon.
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Il nous faut citer encore Pierre II d'Urfé qui, ayant détruit une église lors d'une guerre en Orient, se racheta en fondant en 1496 le monastère de Sainte Claire à  Montbrison. A cette occasion, son épouse Antoinette de Beauveau fit part aux bonnes soeurs de son regret de n'avoir pas encore donné vie à  un enfant. Les clarisses prièrent pour elle et peu de temps après, le 24 février 1501, naissait Claude d'Urfé, futur ambassadeur à  Rome et constructeur de la Bastie, demeure riche de symbolisme et placée sous la garde du sphinx. La famille d'Urfé donna pas moins de six de ses filles au couvent qui ne cessa jamais de recevoir de la part des rois de France une attention toute particulière. Deux des filles d'Urfé furent abbesses du couvent. Aujourd'hui, les Clarisses sont toujours présentes à  Montbrison comme l'avait prédit Sainte Colette : "Il y aura ici un monastère qui durera jusqu'à  la fin des temps." Pour finir avec les Urfé, dont le nom d'origine germanique viendrait de « loup », nul ne sait où repose Honoré d'Urfé. Une tradition tenace dit que son corps repose sur le bords du ruisseau Lignon, qu'il a tant aimé. Rousseau qui fut un fan du papa de Céladon s'est fait l'écho de cette légende : "Amour est mort, le pauvre compagnon est enterré sur les bords du Lignon."

COMME LES ROIS MAGES

Au rayon des ascendances mythiques, il nous faut citer le cas des Roys, une famille des Monts du Forez qui prétendait descendre des Rois Mages ! Ils étaient apparentés aux Royans du Dauphiné qui croyaient de même. Ce qui expliquerait justement qu' à  Royans comme à  Rozier-Côte-d'Aurec, on retrouve les Rois Mages sur le tympan de l'église.
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Tympan de l'église de Rozier-Côtes-d'Aurec, seul exemple de tympan sculpté en Forez, avec ce qu'il reste de celui de Saint-Médard.
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L'OURGON ET LES FEES

A Saint-Maurice-sur-Loire, l'Ourgon coiffé du grand chapeau des mariniers conduisait autrefois de ses mains crochus le bac permettant la traversée du fleuve. Dieu seul sait combien de clients ne sont jamais arrivés à  bon port. Aujourd'hui, on emprunte des ponts, ce qui ne veut pas dire que n'y est plus l'Ourgon à  l'oeil dément.
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Un conte raconte que les taupes étaient autrefois de biens jolies fées. S'étant révoltées contre Dieu, elles furent punies et ne gardèrent de leurs anciens atouts que de petites mains atrophiées. Les grottes aux fées sont nombreuses, Robert Bouiller dans Le Forez, les traditions du département de la Loire en a recensé 23. Citons celle du Pilat, non loin du gouffre d'enfer. Une nuit de Noël bien arrosée au château de Rochetaillée, des chevaliers eurent la mauvaise idée d'aller rendre visite aux fées - il faut être fada ! La montagne se referma sur eux pour toujours. Il en existe une aussi dans les environs du château de Couzan. Elle est aussi appelée la Baume.

A Montbrison, les fées ne sont pas plus aimables. Voleuses d'enfants, elles ont la particularité de porter une pierre sur la tête. Dans le Pilat, du côté de la Chapelle-Villars, elles semblent plus sages les Dames qui étendent leur linge sur les haies d'aubépine. Gras, dans Les évangiles des quenouilles foréziennes (1865) écrit que parfois elles oubliaient sur l'herbe un de leurs beaux battoirs en or massif. A Ambierle, d'après Noëlas, les fayolles, pourtant "nièces du diable", auraient participé à  l'édification de l'église, dérobant à  l'arc-en-ciel des couleurs "qu'elles savent fondre dans les pierres de la montagne" et de ces pierres "elles savent couler les vitraux"...

A noter aussi que les fées ne sont pas nécessairement célibataires, souvent même elles ont pour époux les Sarrasins, de même nature. Il y a dans la Loire une quinzaine de grottes, roches et lieux divers dits des Sarrasins: à  Thélis-la-Combe, Le Bessat, Saint-Julien-Molin-Molette, Unieux...  La reine des fées, la belle Mélusine dont l'histoire est étroitement liée à  notre région a fait l'objet d'un article spécial dans notre Encyclo.

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LUTINS
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Les lutins sont désignés dans la Loire sous les noms de « culard », « furet », « farfadet »... V. Smith -il est le seul à  le faire - évoque dans l'imaginaire stéphanois un lutin qui hante les galeries des mines. Ce personnage semble être l'alter ego du « petit mineur » des légendes germaniques et il a peut-être été importé chez nous par des mineurs étrangers. Il n'est pas vraiment néfaste, plutôt inutile; il fait du bruit. Le tintamarre invisible est une caractéristique du lutin forézien. A Fraisses et à  Firminy, les lutins s'amusent surtout à  effrayer les habitants. Nul ne les voit jamais mais tout le monde les entend. Alice Taverne, dans le Roannais a évoqué aussi un lutin facétieux, vêtu de rouge et moins sympathique qui s'amuse la nuit à  faire toutes sortes de misères aux chevaux, par exemple leur tresser les crinières ou mettre de la cendre dans leur avoine. Gras quant à  lui donne carrément une description du lutin en Forez : " Il a la forme et la grosseur d'un boiseau et porte une lanterne sur le dos. Pendant la nuit, il s'en va en sautillant le long des chemins et entraîne les passants dans les fossés, puis les abandonne en ricanant."
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L'Ipazou d'Usson-en-Forez
L'HERBE DE LA DETOURNE
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Cette herbe possède une singulière vertu. Les Evangiles des quenouilles foréziennes indique que si un voyageur y pose le pied, il lui sera impossible de retrouver son chemin. Tournant sur lui-même comme une toupie, " plus d'un ivrogne, au retour du cabaret, a dû marcher sur l'herbe de la détourne..."
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ANIMAUX FABULEUX
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Marguerite Gonon raconte cette étrange histoire: "Il y avait à  Veauche, en 1914, une femme qui travaillait à  la verrerie. Un jour, une bête lui sauta au cou. Elle ne bougea pas, sachant qu'il ne fallait pas la toucher. Le lendemain, rebelote. Elle va donc voir le curé qui la bénit et l'absous. La bête ne revint jamais et la femme ne sût jamais de quoi il s'agissait."
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Un des loups de l'église de Rozier-Côtes-d'Aurec
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L'abbé Signerin pour sa part s'est fait l'écho d'un dragon à  Chevrières. Il avait un corps de lézard de couleur verte, des écailles et une affreuse langue rouge qui sortait de sa drôle de tête mi-serpent mi-bouledogue. Il tenait dans sa bouche un diamant étincelant qui se transforma en un résidu de charbon sale quand un chasseur l'atteignit d'un coup de fusil au coeur.
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Sculpture en ronde-bosse dans la chapelle Notre-Dame de Bonson
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En Roannais, on trouve encore la Bête pharamine, une monstrueuse créature, incarnation du mal mais sans plus de détails à  son sujet. Citons enfin la fameuse Vouivre du château de Boisy à  l'origine de la colossale fortune de Jacques Coeur (voir article "Trésors foréziens"). Il y a aussi en Ondaine, la chèvre martine de mauvais augure et le Jamarou, né d'un taureau et d'une ânesse. Le mot servait aussi à  désigner les hermaphrodites et les femmes aux allures masculines. Du côté de Saint-Victor, certains vieux paysans parlent encore du jarricle décrit sous la forme d' un serpent de grande taille.

Une bête de la Grisarde, "incarnation du diable", est mentionnée à  Boën par Marguerite Gonon dans son Lexique de Poncins (1947).
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UN LOUP-GAROU A CHALMAZEL
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Demandez à  Van Helsing ! On a beau tirer sur un loup-garou, rien n'y fait si les balles n'ont pas été bénites. Ainsi ce berger des environs de Chalmazel qui tirait et tirait sur cette bête aux yeux rougeoyant dans le noir. Que dalle ! les balles ricochait et la bête riait. Le curé de la paroisse lui fit l'offrande d'une balle bénite et enfin le berger toucha au but. La bête hurla; un cri d'homme qui se mua en remerciement tandis que son corps, pas encore tout à  fait humain, s'enfonçait dans les sous-bois. Le berger ne sut jamais si le loup-garou n'était pas un de ses voisins ou amis.
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LA BACHELARD
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En 1338 vivait à  Montbrison une femme prénommée Marguerite (Margone ou Garone en langage vulgaire), surnommée La Bachelard. Elle était l'épouse d'un certain Barthélemy Floris, épousé en secondes noces après le trépas de son premier mari. Cette femme avait été condamnée ' et Jean Combe qui nous conte l'histoire précise qu'il  ne sait pas  pourquoi ' avait été condamnée à  payer une forte amende au comte de Forez. Ainsi, le 31 mars 1337, elle versa, avec son frère Simon Levis, cinquante florins. A la fin de cette même année, elle versa à  nouveau 200 florins d'amende, une somme assez exorbitante, même pour une famille aisée. Pour assouvir sa soif de vengeance contre le comte de Forez, Marguerite fit placer le matin du jour de la Nativité, un tison ardent devant la porte de l'écurie du comte et fit « passer au mépris de son salut éternel le cheval au dessus du tison ». Le crime de sorcellerie, indéniable, conduisit le bailli de Forez, Pierre de Mitte de Mons, après enquète, à  citer la Bachelard à  comparaître. Celle-ci jugea plus prudent de quitter le pays forézien ; elle fut condamnée par contumace et ce sont ses proches qui payèrent encore une forte amende.
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LE PANTALON DU SORCIER
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Une pauvre femme de Sauvain avait reçu un jour d'un sorcier un pantalon pour son enfant. Une fois ramené le présent dans son humble demeure, elle entreprit de faire flamber un feu. C'est alors qu'elle le vit. Un chat au pelage plus noir que l'encre, avec de grands yeux verts et froids qui la fixait sans broncher. La paysanne comprit immédiatement. Elle alla trouver son « bienfaiteur » et lui rendit le pantalon. Il vallait mieux pour son matru avoir froid aux fesses que de jouer avec le feu.
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" ET PROTEGEZ-NOUS DU MAL "
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Signes et figures de protection sur des maisons dans les Monts du Forez et en Pilat
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LE PAS DE LA MULE

Cette histoire fut racontée par un homme d'église, Dom Renon, en 1847 dans sa Chronique de Notre-Dame d'Espérance. A la nuit tombante, un muletier venant d'Auvergne fut surpris par un violent orage aux abords de Montbrison. Pris de panique, l'homme pria la Vierge et promit à  Notre Dame, s'il échappait à  la mort, de donner autant de livres de cire que pesait sa mule. Aussitôt, Sauve-Terre, la grande cloche de la Collégiale qui a le don d'éloigner la foudre, résonna et l'orage se dissipa. Notre muletier, tout heureux de s'en tirer à  si bon compte, tint sa promesse et fonda une messe annuelle qui porta le nom de « Messe de la Mule ». Une légende s'est greffée sur cette histoire vraie et l'empreinte du sabot de l'animal est toujours visible sur la roche, au lieu dit du « Pas de la Mule », à  mi-chemin entre Ecotay et Montbrison.

Beaucoup d'autres roches portent des marques, pas du diable et autres doigts de Saint-Martin. Le top ? Le pas de la Vierge à  Noirétable. A voir dans notre article "Balade à  Noirétable".
 

LA CHASSE SAUVAGE

La chasse sauvage (ou maligne, maudite, fantastique,...) est une grande légende de l'Occident. En Allemagne c'est la cavalcade d'Odin à  la tête des héros morts qui résonne parfois dans les sombres forêts. En France, la chasse sauvage porte le nom de Mesnie Hellequin. Albert Boissier rapporte dans ses Carnets d'un folkloriste des témoignages sur ces chasses de l'autre monde, dans les environs de Firminy. Ce sont parfois des chiens aux langues de feu et des seigneurs damnés errant pour l'éternité dans les forêts. Gras évoque la Chasse royale dans ses Evangiles des quenouilles foréziennes sous l'aspect d'une sarabande démoniaque, une chasse à  courre aux âmes qui emplit d'effroi ceux qui ont le triste privilège de pouvoir l' entendre. Dans le Roannais, c'est un peu différent. Il s'agit plutôt, selon Alice Taverne, d'une sorte de meute hurlante de chiens et de chats.
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Détail de La Mélancolie de Lucas Cranach l'ancien conservé au musée Unterlinden de Colmar, en haut à  gauche: la chasse royale
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YS EN FOREZ
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Non loin de Feurs, dans le grand étang du « Gour-du-Croel », gît le château du Cruel (ou Crouel). On dit que la nuit de Noël, le son des cloches monte du fond du « gour ». Frédéric Noëlas a raconté une belle légende mettant en scène une Gomorrhe forézienne. Cette ville, au nord du département, était belle et prospère mais ses habitants sans coeur. Un jour une mendiante, jeune et belle, vêtue d'une cape blanche vint demander l'hospitalité et fut refoulée sans pitié. Seule une vieille eut quelque considération. Bien lui en prit, elle eut la vie sauve quand la ville fut rayée de la carte par la dame blanche qui n'était autre que la Vierge de la Val (Notre Dame de Baffie).

CHATEAU HANTE

A notre connaissance, une seule tradition mentionne un château forézien hanté par une âme en peine, celui de Vaugirard, près de Champdieu.

LA MESSE DES REVENANTS

Cette légende a été racontée par Mathieu Varille dans un numéro de la Revue de folklore français en 1936. Minuit sonnait au clocher de l'église de Chatelneuf quand un homme prénommé Michel s'en revenait de la vogue. Devant les ruines du château, un prêtre aux cheveux blancs lui cria : « Halte-là, sers-moi la messe !» Dans l'ancienne chapelle où le prêtre revêtit la chasuble et débuta la messe, notre homme n'en menait pas large. C'est qu'il discernait dans l'obscurité les étranges ouailles assemblées. Les paysans étaient vêtus à la mode d'un autre temps. Un homme de haute stature habillé de velours noir brodé d'or et la poitrine bardée d'une cuirasse d'argent s'appuyait sur une longue épée. A côté de lui, à genoux, était une jeune et jolie femme au teint pâle pârée d'une robe de satin bleu et blanc. Des soldats en armures de fer se tenaient debout, lance au poing. A l'Ite missa est, tout le mobilier disparut brusquement et des squelettes entourèrent Michel et le poussèrent vers la sortie. Jamais plus il ne repassa à Chatelneuf la nuit.


L'ADVERSAIRE
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Le diable s'était établi un certain temps dans le Forez où il avait épousé une fille du pays. Mais le couple se querellait sans cesse jusqu'au jour où le diable la jetta dans un gourd du Vizézy. Affaire réglée.
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Gravure du XVe siècle sur le thème du diable amoureux
Le diable dans de nombreuses légendes foréziennes prend l'apparence d'un danseur qui fait valser toutes les filles mais ne les embrasse jamais et crache ses flammes en douce dans la cheminée. Il prend aussi l'apparence d'un chien noir. Méfiance quand un chien inconnu vous suit dans la rue !
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Les gorges du Vizézy
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Toponymie infernale: gouffre d'enfer à  Rochetaillée, saut du diable à  Gumières, ponts du diable à  Saint-Marcellin-en-Forez, Bonson, Ouches, etc.,  rocher du diable à  Saint-Jean-Soleymieux, pont de gueule d'enfer à  Saint-Jean-Soleymieux, ruisseau d'enfer à  Marols... Et parfois, mais plus rarement, le paradis (dans le Pilat) ou, moins bien : le purgatoire (Pilat).

Le diable a aussi laissé l'empreinte de son pied à  Cottance (photo ci-dessous).

COMMENT UNE FEMME DE LERIGNEUX SE JOUA DU DIABLE

Un fermier de Lérigneux voulait rebâtir la grange qu'il tenait d'un riche seigneur et comptait sur le soutien financier de ses amis. Mais ceux-ci ne tinrent pas leur promesse et le chantier n'avançait pas. Il sollicita donc le diable qui lui proposa de finir l'ouvrage en échange de son âme après sa mort. « Ta grange sera refaite avant que le coq ait chanté au point du jour, lui dit-il. Il n'y manquera rien, pas même une tuile. » Le fermier ne s'inquiéta pas trop tant il lui semblait impossible que le diable puisse finir l'entreprise en si peu de temps. Mais une armée de démons se retroussa les manches et la grange s'éleva comme par enchantement. Il restait peu à faire et le coq ne chantait toujours pas quand le fermier terrifié réveilla sa femme et lui raconta tout. Celle-ci se leva aussitôt, alluma sa lampe et dans l'écurie appela ses poules. Le coq, voyant de la lumière, se mit à chanter. Il était temps. Il ne restait plus que quelques tuiles à poser. Aspergés d'eau bénite les démons disparurent en hurlant. Et la femme donna à son mari une terrible raclée...
Histoire racontée par Mathieu Varille en 1936


LA LEGENDE DU VIMONT (OU DU PIC PELE PRES DE NOIRETABLE)

Racontée par Compigne dans Terres druidiques et féodales (années 1910).

" Un étranger est invité par la jeunesse allant en veillée. Des vieilles filent, des vieux racontent des histoires. On danse la bourrée en chantant. Un enfantelet qui ne peut dormir avertit son grand-père que l'homme lance du feu par la bouche. Consternation ! C'est le diable ! Celui-ci se transforme en coq. Le maître du logis veut le tuer mais blesse sa femme. On va quérir le curé et le Diable apparaît alors suivant son aspect ordinaire (c'est à  dire tel qu'il a été popularisé par les estampes). Il partira en feu, en eau ou en vent. On choisit cette formule. Le diable se précipite dans l'abîme depuis le haut du Vimont dont le sommet est resté pelé depuis ce temps là ."
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Quelque part à Saint-Etienne, le personnage à gauche en photo est Padre Pio, prêtre italien (la notice est écrite en italien d'ailleurs) ayant porté les stigmates du Christ et affronté le diable toute sa vie. A droite, Jeanne d'Arc.
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MIRACLES DU JANSENISME ET COTATAY-SUR-LOURDES
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Le jansénisme a donné lieu à  quelques miracles et à  des pèlerinages sur certaines tombes de prêtres jansénistes. En 1735, une demoiselle Tamisier de Saint-Galmier est guérie d'un panaris par application des cheveux de Soanen. Le célèbre Jacquemont, décédé en 1835, est aussi sollicité comme intercesseur. Une vingtaine de guérisons sont recensées à son sujet et sa tombe à Saint-Médard resta longtemps un lieu de pèlerinage.
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Jouets d'enfants dans le tombeau des Jansénistes
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En 1802, c'est une jeune fille percluse qui baise le vêtement du père Popin pendant une procession de la Fête-Dieu à  Saint-Galmier. Elle guérit et marche. Dès la mort de Popin, le culte commença au Crêt de Roc à  Saint-Etienne. Il n'est toujours pas éteint. Cette quête de miracles continua aussi sur la tombe de Chavane, curé de la Tourette, mort en 1804, dont Dieu semble avoir reconnu la sainteté par une dizaine de miracles.
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La grotte de Cotatay
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En 1873, le père Jullien entendit, alors qu'il célébrait la messe, une voix lui demandant d'établir un lieu de prière dans les gorges de la vallée du Cotatay, au Chambon-Feugerolles. Ainsi, en 1874, une grotte semblable à  celle de Lourdes est construite et devient immédiatement un lieu de pèlerinage. Elle est bénie et une procession de 2500 fidèles inaugure le pèlerinage. Huit jeunes filles portèrent la statue et la placèrent dans la cavité. L'autel de bois provient de la grotte Massabielle de Lourdes et la grille du tombeau de Saint François Régis à  La Louvesc.

DES MIRACLES A MACLAS ?

C'est ce que semble indiquer la tombe du père Jean-Marie Lyonnet dans le cimetière de Maclas. Né le 9 octobre 1827, il a rendu l'âme le 7 juillet 1885. On peut voir sur sa tombe de nombreux ex votos qui le remercient des grâces reçues voire même des guérisons dues à  l'intercession de ce "saint prêtre".

APPARITIONS MARIALES

Hormis celle, très ancienne et déjà  citée, de Noirétable à  l'origine de la fondation de Notre-Dame de l'Hermitage, citons brièvement les apparitions de La Vierge à  La Talaudière (Saint-Etienne) dans les années 1980, accompagnées, a-t-on prétendu, du phénomène du « soleil vert et tournant ».

Mais surtout, en 1888, dans la plaine eurent lieu les apparitions de Vallensanges, du nom d'un hameau sur la commune de Lézigneux (lire notre article consacré à  Mélusine). Entre le 19 juillet et le 29 septembre, à  vingt reprise, Marie se montra à  Jean-Auguste Bernard alors âgé de 13 ans. Celui-ci, plus tard, se fit prêtre et voyagea à  travers le monde. Il devint même le familier du pape Benoit XV. Non loin des apparitions fut construite une petite chapelle où vinrent jusqu'à  8000 pèlerins. Quatre guérisons miraculeuses furent constatées et Bernard a raconté en détail ses apparitions (boule de feu, paroles�?�). En revanche il n'a jamais dévoilé les secrets que lui aurait révélé la Vierge. Il est décédé en 1932.
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L'HISTOIRE D'ANTOINETTE MONTET

Elle ne manquait pas de courage l'Antoinette. Né à  Gumières, elle fut une des béates des Monts du Forez, ces femmes qui éduquaient les enfants des campagnes reculées. En 1793, pendant les persécutions, elle aide l'abbé Périer, futur curé de Verrières, à  s'échapper des prisons de Montbrison. Elle cache aussi l'abbé Perrin. Quelques années plus tard, elle a une vision lors d'un pèlerinage à  Notre-Dame de Sous Terre à  St Jean Soleymieux:
"Tout à  coup au dessus de la flèche de l'église, j'ai vu Notre Dame, toute brillante d'éclat mais avec une figure si bonne que cette image ne me quittera jamais. Elle était dans une niche en treillis d'argent, elle m'a montré de sa main un paysage que je voyais comme je vois les champs qui s'étendent au bord du chemin. C'était le paysage de Verrières avec son grand clocher et le château de Soleillant.
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Alors elle m'a dit:
-C'est là  qu'il faut établir un séminaire, là  que s'alimentera abondamment le nombre des prêtres."
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Antoinette vend alors tous ses biens et offre son argent au curé Périer pour qu'il achète le château de Soleillant à  Verrières (près de Montbrison) où il installe son petit séminaire où défileront des dizaines de prétendants à  la prêtrise. Notamment en 1812 Jean Baptiste Marie Vianney, le futur curé d'Ars et le Bienheureux Champagnat, fondateur des frères Maristes. Elle s'éteignit en 1828, son nom figure - une rareté - sur la croix du village de Gumières. Aujourd'hui, le petit séminaire n'existe plus; il y a un lycée hôtelier à  la place.
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CHASSEURS DE NUEES

Albert Boissier cite le nom d'un chasseur de Montauroux nommé Froment. Un chasseur d'un genre particulier, sachant maîtriser les éléments, déclencher l'orage ou repousser la grêle. Un conflit l'opposait à  d'autres chasseurs de nuées, localisés à  Saint-Genest Malifaux, à  Sorbiers et à  Jonzieux. La guerre se livrait à  coups de vent; c'était à  qui ferait tomber le plus de ciel sur la tête de l'autre.
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LES ODOUARD

Les Odouard habitaient près de la chapelle de Saint-Sabin et se transmirent le don de gurésion de père en fils. Le premier fut Jean-Baptiste qui aurait reçu le don de guérison d'un curé réfractaire caché pendant la Terreur. Laurent Odouard (1815-1886) exerça ses dons pendant 40 ans dans tout le massif, refusant de gagner plus de quelques sous par jour. Il fut longtemps confronté à  la faculté de médecine. A sa mort, les communes du Pilat lui édifièrent un monument proclamant : " A la gloire de ce bienfaiteur de l'humanité." Il est visible à  Colombier devant l'église. Son fils Jean-Marie lui succéda. A l'endroit de sa mort, une croix de fer forgé fut édifiée. Le socle porte l'inscription: "Ici a été trouvé mort le 3 Mars 1896 J-M Odouard dit « St Savin de St Julien Molette » bienfaiteur de la région du Pilat. De Profundis." Trois autres fils se succédèrent, qui avaient tous le don: Joseph, Paulin et Laurent.
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Un doute à  propos du portrait: s'agit-il de Laurent Odouard ou de son fils Jean-Marie ?
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Plus proche de nous dans le temps, un autre habitant du Pilat avait le don. Il s'agissait de Victor Jourjon qui vivait à  Rochetaillée et qui s'est éteint il y a 10 ans. Il soulageait les hommes et les animaux, recevait des dizaines de "patients" chaque jour et refusa toujours de se faire rémunérer pour ses "talents". Ses clients venaient de toute la France et plus loin encore.
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AU DESERT

Quelques solitaires qui n'obéissaient à  aucune règle monastique préféraient se retirer dans les lieux les plus sauvages du Forez. Ainsi l'ermite de Chorsin dans les bois de St Bonnet-le-Courreau ou l'ermite de Pérotine à  Noirétable (notre photo). Le plus célèbre était Gaspard Paparin qui fit retraite sous un rocher de la vallée du Vizézy, non loin de Montbrison où l'appelaient parfois les devoirs de sa charge de chanoine de la Collégiale. Il est l'auteur de La religieuse Sophie, pour l'entretien des doctes esprits, consolation des affligez et exercice spirituel des solitaires, imprimé à  Lyon en 1617.

Anne d'Urfé a écrit à  son sujet :

ermitePerotine.jpg

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"Je rencontray pansif le dévôt Paparin
Qui n'a point d'aultre soing qu'a plaire au Souverain (...)
Il est tout ardent du sainct amour de Dieu."
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Certains auteurs évoquent aussi dans le Pilat, au Mont Ministre, "la solitaire des rochers", Jeanne-Marguerite de Montmorency. Née vers 1649, elle s'enfuit de sa famille à  l'âge de 15 ans pour ne pas y épouser son prétendant. Quant à  savoir comment elle se serait retrouvée dans la montagne de Ponce...

Plus proche de nous, années 1900, citons Barkari, le « Saint de Marlhes » (à  gauche sur notre photo) ou encore « Maccabéco », le « Saint du Bessat ». Ce dernier était ferrailleur de son état et vivait dans un taudis près la Vierge du Bessat. Le premier se nommait en réalité Jean-Marie Play ; il se découvrit un jour le don de guérir les troubles auditifs en donnant de bonnes claques derrière les oreilles. Jusqu'au jour, où condamné par la justice pour pratique illégale de la médecine, sa popularité retomba aussi vite qu'elle avait crû.
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Bibliographie non exhaustive et outre les ouvrages cités dans le texte :
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Pélussin et ses alentours, Patrick Berlier, Actes Graphiques
Les Pierres mystérieuses, J.-P. Chartron et Alain Fayard, Actes Graphiques
Montbrison, coeur du Forez, Marguerite Fournier-Néel, 2001
Autour du culte marial en Forez, divers, Pub. de l'Université de Saint-Etienne
Le Forez, les traditions du département de la Loire, Robert Bouiller, Curandera-Esperluette, 1992
Carnets d'un folkloriste, Albert Boissier, Imprimerie Banc père et fils, 1990
Notre-Dame de Bonson, Dumas Saint-Etienne, 1955
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Les illustrations utilisées pour " le pantalon du sorcier " et " un loup-garou à  Chalmazel " sont de N. Badol, publiées dans La Région illustrée de Pâques 1936. La photo du pic pelé provient de wikipedia.