Nyvosse est l' animateur du site internet " Patois occitan en Forez ". Cet article emprunte à d'autres sources.
Dans notre mémoire collective, le patois (ou langue vernaculaire pour faire savant), c'est un passé plus ou moins lointain, pépé et mémé qui parlent entre eux quelques mots pour préciser la réalité des choses. Jusqu'à il y a environ 150 ou 200 ans, chaque village, voire chaque quartier, avait son patois avec ses variantes, adapté aux relations humaines d'alors, c'est à dire 500 à 2000 personnes qui l'employaient pour communiquer. Comme l'indique Jean-Baptiste Martin, spécialiste, il aura fallu toute la force, voire la férocité de l'école républicaine pour imposer aux écoliers (à coups de punitions et d'humiliations) le français au détriment des patois, du breton et des autres langues.
- Pierrot : Bousaï Bartomiau ! (« Bonsoir Barthélémy ! »)
- Bartomiau : E maï a vou ! (« Et aussi à vous Pierre ! »)
- Pierrot : E dou vou zamena como co ? (« Et d'où venez-vous comme ça ? »)
- Bartomiau : Véné d'ou marcho de vé la vilo. (« Je viens du marché de la ville »)
- Pierrot : Avia addiu dé bétia, n'ein faie oun paou ? (« Vous y aviez conduit des bestiaux ; se vendaient-ils un peu ? »)
- Bartomiau : Dié, passablamein ; l'an ori bien besouin qu'e se vendézé. (« Mais passablement, on aurait bien besoin de les vendre. »
- Pierrot : Avé be rozon, lou taille ou emportein tout. (« Vous avez bien raison, les impôts emportent tout. »)
Chez nous subsistent des traces, sous la forme d'un lieu dit, d'un mot, d'une forme verbale ou d'une expression qui témoignent encore de l'influence de quelque ancêtre lointain : le marchand grec, une colonie d'Allamans, la présence gauloise ou ligure.
Des régions plus ou moins vastes avaient des parlers apparentés qui se déclinaient ensuite en une multitude de patois. Trois grandes langues romanes + quelques langues particulières ont existé ou existent encore sur le sol qui forme la France :
- La langue d' oïl
- L' occitan (ou langue d'oc qui a donné son nom au Languedoc)
- Le francoprovençal (ou arpitan)
+ le basque, le catalan, le breton, l'alsacien et le flamand.

Notre région, le Forez, est située à la limite des parlers occitans et francoprovençaux que l'on retrouve chez nous sous la forme du patué auvergnat et du patué fourina. Si l'on tient compte de tout le département de la Loire, à son extrême nord, aux confins du Roannais et de la Bourgogne, on entre même dans l'espace de la langue d' oï. Il s'agit là de l' exemple unique dans l'Hexagone de la confluence en un seul département, tout en longueur, des trois grands courants de langue romane.
Nous allons nous intéresser ici surtout au patué auvergnat (occitan) mais nous allons d'abord tailler à la serpe les aires géographiques des trois langues romanes.
La langue d' Oïl
Son espace s'étend du pays chti (Nord-pas-de-Calais) et de la Picardie jusque vers la Lorraine et la Franche-Comté à l'Est. Il inclue la Bourgogne, la Champagne, le Berry et le Bourbonnais au centre. Egalement la Normandie, tout le bassin parisien jusque vers la Bretagne et, plus au sud, le pays poitevin et le Saintongeais.
L'espace occitan et l'auvergnat en son sein
L'espace occitan comprend :
- Tout d'abord une zone de parler très proches les uns des autres qui s'étend le long du golfe du lion, tout autour de la mer Méditerranée, de Valencia à Montpellier via Barcelone et Toulouse et qui continue jusqu'à Marseille (provençal) et Nice (le nissart). En gros toute la province romaine conquise avant le reste de la Gaule et qui a subi l'influence d'un Latin importé directement d'Italie.
- Il inclue aussi, entre la Garonne et les Pyrénées, le gascon influencé par le basque tout proche, ainsi que le béarnais.
- Enfin, plus au nord, des parlers comme l'auvergnat et le limousin qui sont plus ou moins intermédiaires avec les parlés d'oïl (le berrichon limitrophe par exemple). Au sud de l'Auvergne, en fait de parler auvergnat, il s'agit en fait du parler du Velay. Quant à la région d'Ambert (le Livradois-Forez), elle est bien plus proche du Velay que du véritable pays arverne.
A noter enfin que l'ancien parler d'oc de Charente et de Saintonge (région d'Angoulême) a disparu suite à la peste noire qui a décimé la population. Cette dernière en effet a été remplacée par des « colons » venus de régions plus au nord, qui ont importé avec eux leurs dialectes en langue d' oïl. La partie catalane (Perpignan) n'est pas incluse dans l'aire occitane.
Le francoprovençal (arpitan)
Coincé entre aire occitane et espace d' oïl, il concerne en France, pour faire simple, la région Rhône-Alpes: la Savoie, le pays de Bresse, le Lyonnais, une grande partie du Dauphiné et du Forez. Hors de nos frontières, il se décline aussi en Suisse, dans le Piémont et jusque vers le Val d'Aoste. Hormis le secteur forézien et lyonnais notammant (Ségusiave), le francoprovençal correspond à quelques nuances près aux territoires de l'ancienne tribu celte des Allobroges. C'est d'ailleurs à lui que nous devons le nom Forez. "Montréal" dans notre forum nous a donné quelques indications: "Le "z" en Arpitan (qui ne se prononce pas) indique l'accentuation sur la première syllabe, et sur la dernière : Forez, Jarez, Avoriaz, La Clusaz, Vernioz, Aviernoz... et Aveizieux, Rieux, Coubloux, Chamonix, Oyonnax..."

- La région de Saint-Bonnet-le-Château : Chambles, Marols , Périgneux, Luriecq, Saint-Marcelin-en-Forez , Chambles.
- Le pays de Noirétable, Cervières, les Salles, Saint-Julien, La Chamba (mais pas Champoly, ni Saint-Thurin)
- Le massif du Pilat (Bourg-Argental, Saint-Genest-Malifaux, Marlhes...)

La montagne occitane en effet a toujours eu un surplus de naissance; les montagnards émigraient donc dans la plaine emportant avec eux leurs patois auvergnats. Les marchands de Lyon, au contraire, au cours de leurs tournées commerciales emportaient le francoprovençal dans la montagne.
Ainsi le patois parlé en Forez a intégré les deux langues, par exemple le mot « ciseau » se traduit par un mot francoprovençal (tuzari , teuzare.... et tous ses dérivés ) lorsqu'on parle des ciseaux de la couturière, et par le mot Occitan (chezé , cheziô , siziô et tous ses dérivés ) pour parler de l'outil du menuisier. On retrouve ainsi les deux mots dans le patois de Saint-Anthème (63) et dans celui de Saint-Thurin (42) à 60 km de Saint-Anthème !
Le francoprovençal fait un usage immodéré des pronoms personnels. Par exemple, « la vache est là » , se dit la vats ila i atïe qui se traduit, mot à mot, par « la vache elle est là ». L'Occitan au contraire peut s'en passer. Par exemple : « nous chantons » se dit : tsantin, « chantons », en toute simplicité.
La deuxième grosse différence concerne l'accent. L'occitan se prononce avec l'accent du midi.
Mais étant donné la mosaïque des patois de la région, il va sans dire qu'on retrouve beaucoup d'autres différences. Le parler de chaque famille constituant presqu'à chaque fois un cas particulier, avec des emprunts aux deux groupes de patois. A titre d'exemple, il y a ainsi la chute du "t" et du "d" intervocalique : « chantée » peut se se dire tsantadà ou tsantâ suivant les villages.

En vert: zone où se maintient l'occitan mais avec une forte influence du francoprovençal
En orangé: anciennes zones du parlé occitan mais éliminé par le francoprovençal

Grammaire
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