Tuesday, October 03, 2023

Elles ont été adoptées quelques jours avant la Saint-Etienne (26 décembre), à  la séance du 22 décembre 1961 du Conseil municipal, après que le maire Alexandre de Fraissinette eut chargé le service des Archives et M. Robert Louis, artiste héraldiste, dessinateur symboliste des Services Officiels, de mener à  bien la définition officielle des armes stéphanoises.

 

Lecture

Au centre des armoiries, l'écu qui supporte le blason est français ancien; autrement-dit, il a une forme inspirée de l'héraldique médiévale. Il possède une pointe inférieure en ogive dont l'arrondi part au milieu des flancs, contrairement à  l'écu français moderne, introduit par l'héraldique d'empire et qui a la forme d'un quadrilatère.

L'écu est " timbré de la couronne murale à  quatre tours crénelées d'or maçonnées et ouvertes de sable est soutenue par deux branches de chêne (à  dextre) et de laurier (à  senestre) toutes deux d'or fruitées d'argent, croisées en pointe en sautoir et liées par un noeud de gueule."

La description héraldique du blason est la suivante: " D'azur à  deux palmes d'or en sautoir cantonnées en chef d'une couronne royale fermée du même et de trois croisettes pierrées d'argent deux aux flancs, une en pointe."

Symbolisme

Les palmes signifient toujours le martyre. En l'occurence, il s'agit de celui d'Etienne, fêté le 26 décembre, le premier martyr de l'Eglise; protomartyr qui inaugura le culte des saints dans la Chrétienté et qui a donné son nom à  près d'une centaine de communes françaises. Les trois croix symbolisent la Trinité et leurs extrémités terminées par des pierrres symbolisent son supplice, puisqu'il fut lapidé à  Jérusalem.

La couronne royale exprime le désir des bourgeois de Saint-Etienne d'échapper à  la tutelle des seigneurs de Saint-Priest pour se placer sous l'autorité du Roi. Il est à  noter aussi, heureux hasard, que le prénom Etienne provient du grec Stephanos, c'est à  dire "couronne". Les couleurs bleues et jaunes sont également les anciennes couleurs du blason des rois de France ("De France", c'est à  dire d'"azur à  trois fleurs de lys d'or").

Quelle histoire !


Sur le site internet des Archives municipales de notre bonne ville, on lit que le rapport présenté lors de la séance du Conseil municipal du 22 décembre 1961 faisait le constat suivant: " Depuis toujours, les armoiries de Saint-Etienne ont fait l'objet d'interprétations diverses, tant pour les couleurs que pour le dessin lui-même... " Il est donc nécessaire que cette définition soit fixée une fois pour toutes ! De fait, on ne sait pas quand la ville acquit ses propres armoiries. Les seigneurs de Saint-Priest dont elle dépendait et dont elle cherchait à  s'émanciper portaient les armes suivantes : " Cinq points d'or équipolés à  quatre d'azur. "

En noir et blanc, les couleurs héraldiques sont signifiées ainsi:
- pointillés: or
- bandes horizontales: azur
- bandes verticales: gueules (rouge)
- bandes transversales vers la droite: pourpre
- bandes transversales vers la gauche: sinople (vert)
- vide: argent (blanc)
- plein ou hachures: sable (noir)
 

Les armes de la famille de Saint-Priest, seigneurs de Saint-Etienne-de-Furan apparaissent en 1515 dans des majuscules ornées figurant dans le Terrier Paulat: Cinq points d'or équipolés à  quatre d'azur, à  la bordure de gueules. On retrouve cette représentation en 1589 sur un timbre sec apposé au verso d'une lettre des consuls de Saint-Etienne adressée aux échevins de la ville de Lyon. Mais nulle trace de palmes!

La ville eut ses propres armoiries sans doute dès la première moitié du XVIIe siècle. En effet, une pièce de procès datée du 30 avril 1667 vise une requête des habitants de Saint-Etienne, dans laquelle le Parlement est prié de prononcer "que les armes de ladicte ville seront establies aux mêmes endroits où elles estoient posées avec deffense audicte seigneur de les oster ou faire abastre a peine de désobéissance et sous telle autre qu'il vous plaira arbitrer." Ces armes, de Saint-Etienne-en-Forest, exposées aux portes de la cité et au Pré de la Foire (actuelle Place du peuple) avaient été abattues par Gilbert de Chalus, de triste mémoire, et ce jugement le condamnait à  les rétablir. Ces armoiries, si l'on en croit Jean-Pierre Armand dans Saint-Etienne capitale étaient de la sorte: "d'azur, à  deux palmes d'or en sautoir, cantonnés au premier d'une couronne ducale, et aux deux, trois et quatre d'une croisette d'argent". En d'autres termes: un blason bleu, divisé en quatre parties égales, portant en son centre deux palmes entrecroisées de couleur or, dans son premier quart une couronne de même et dans chacun des trois autres une croix latine blanche.

Auguste Callet dans son Essai sur l'histoire communale de Saint-Etienne avant la révolution (1893) fait remarquer que la plus ancienne représentation des armes de la cité pourrait figurer sur le tableau du Voeu de la ville à  la Grand église. Mais il indique aussi que la toile, peinte vers 1640, a été retouchée à  diverses époques et que l'image héraldique a sans doute été embellie. Ces armes en tout cas, dans leur composition sont très proches de celles d'aujourd'hui et n'ont plus rien à  voir avec la description d'Armand donnée précédemment. Une variante cependant dans l'aspect des croix: elles sont jaunes et tréflées.

 

Callet toujours fait part d'une autre représentation, encore différente. Elle figurerait sur une gravure montrant l'élévation de la croix de la grande place en 1711. Sur la base de la colonne, le graveur a représenté les armoiries de la ville. Les croix sont en baton, sans trèfle ni boule. Surtout, il a représenté les palmes de couleur verte (sinople) sur le fond bleu (azur), ce qui est un barbarisme puisque dans l'héraldisme, on ne peut mettre couleur sur couleur (par exemple du rouge sur du vert) ou métal sur métal (de l'or sur de l'argent ou inversement).

 

Un vieil écusson à jeter aux orties



Les marchands de la ville, faisant part de leurs convictions religieuses (catholiques) et politiques (soumission au pouvoir royal) entouraient les armoiries du collier de Saint-Jacques.

Un autre fait cependant témoigne que ces premières armoiries n'étaient pas officielles. En novembre 1696, le roi Louis XIV créa par édit un bureau placé sous la direction de Charles-René d'Hozier et qui avait pour tâche de gratifier d'armoiries, domaines, compagnies, corps, villes... Malgré elles et bien sûr en contrepartie d'une redevance bienvenue pour renflouer les caisses de l'Etat. Lors de la rédaction de l'Armorial Général de la France, la ville reçut donc les Armes suivantes : " de sable à  un chevron d'argent chargé d'une billette de sinople. " Difficile de faire plus simple. Ces armes furent aussi données, avec des variantes de couleur et une larme à  la place d'une billette, à  toutes les corporations de la ville ! Ainsi, celles de la corporation des teinturiers de Saint-Etienne étaient "d'azur, au chevron d'or chargé d'une larme d'azur", celles des couteliers "d'argent, au chevron de sinople chargé d'une larme d'argent" etc. Seuls les chirurgiens et les hôteliers, ainsi que les couvents, furent distingués par une représentation autre.

"Ces armes "à  la noix", on n'en veut pas ! Adieu ! sable, chevron, billette..." s'exclame Jean-Pierre Armand. Et en effet, ce blason à  la triste mine ne semble pas avoir été affiché dans la ville. Après la Révolution qui fit disparaître les blasons et affubla la ville du nom d'Armeville puis Communes d'Armes, l'Empire reprit à  son compte les traditions nobiliaires. Et le problème des armoiries de la ville se posa à  nouveau ! Comme sous Louis XIV, un bureau fut chargé en 1809, sous la direction de Montalivet, d'accorder des armoiries. Celles-ci cependant ne devaient représenter ni couronne, ni fleurs de lys, apanages de l'Ancien Régime, ni abeilles ou aigles appartenant au nouveau.

En septembre 1813, le Maire Pascal écrivant à  Monsieur de Gerando, Conseiller d'Etat, rappelait que " autant qu'on a pu le reconnaître d'après des écussons assez informes, la ville de Saint-Etienne portait d'azur à  deux palmes d'or en sautoir accompagnées d'une couronne royale du même en chef et de trois croix d'argent, une à  dextre, une à  senestre et la troisième en pointe. " Il proposait pour remplacer ces anciennes armoiries deux projets sans couronne, dont un qui avait reçu l'aval du préfet Ducolombier.


Le 15 octobre 1813, le Conseil d'Etat appuya le projet Ducolombier: " D'azur, à  deux fusils d'or adossés en pal, accostés de deux clefs d'argent aussi adossées, surmontés d'un lambel d'or à  quatre pendants, soutenus d'une molette d'argent, aux deux palmes de même en sautoir brochant sur le tout." Adieu les croix. Les fusils symbolisent la Manufacture d'armes et le lambel à  quatre pendants représente la fabrique de rubans. L'autre projet, qui avait la préférence du maire, figurait aussi deux fusils d'or mais en sautoir et accompagnés des trois croix pour conserver cette partie des anciennes armoiries.

Mais avec la Restauration, une ordonnance royale prescrit aux villes de reprendre leurs anciennes armoiries. Et voilà  le retour du chevron officiel de 1696 ! Et bien sûr, la ville n'en veut toujours pas ! Dans sa séance du 5 mars 1817, le Conseil municipal rappelait que la ville avait des armoiries avant la Révolution. " Les échevins appliquaient sur les actes de leur administration un sceau empreint de ces armoiries. Ce sceau assez grossièrement exécuté a été conservé. Mais il n'en est pas de même des chartes patentes qui ont dû former le titre de concession de la ville (...). Ainsi l'administration ne peut fournir copie de titre et ne peut réclamer que la possession antérieure à  la Révolution qu'on ne saurait lui contester. "

Le 2 juillet 1817, le Secrétaire général du sceau - un autre d'Hozier ! - écrivait que pour bénéficier des armes qu'elle avait demandées le 5 mars 1817, il faudrait que la ville prouvât l'ancienne possession légale de ces armes ou s'acquitter d'un droit de cession de 548 francs. Il semblerait que dans les années 1820 divers textes administratifs locaux aient porté des fleurs de lys, ce qui semblerait indiquer que la ville n'ait pas payé. A partir de 1836 pourtant, on voit apparaître sur les budgets imprimés de la ville le blason aux palmes et aux croix...

Quoi qu'il en soit, plaisons-nous à  penser avec l'enflammé Armand que ces armoiries tenaces ont bien mérité de l'histoire de Saint-Etienne et de l'affection de ses habitants. Elles symbolisent bien la vie de la ville; elles pourraient se deviser: "Je lutte calme, et poursuis droit..." Et comme lui, on les aime doublement !