Friday, June 02, 2023

NDFI: Un texte communiqué en son temps par René Fessy, président du Liger club de Roanne (Liaison inter groupes d'études régionales). Ce sont les articles du journal L'Espoir publiés en septembre 1972. Les photos appartiennent à la Liger (exceptée la dernière, FI).

On ne sait quel a été le sort de la statuette de la chapelle Saint-Nicolas, arrachée de la niche aménagée dans la partie centrale du fronton de la chapelle par un ou des inconnus, au moment des travaux effectués à l'occasion du percement et de l'aménagement de la déviation courte de la RN 7. Par contre, un fait est certain : le voleur a pris des risques inutiles, la statuette n'avait aucune valeur artistique puisqu'elle n'était qu'une copie, assez vague en céramique apportée, dit-on, de Nevers.

 La véritable statue qui a subi [l'outrage] des ans (elle a ses deux bras mutilés) se trouve actuellement au musée Joseph Déchelette. C'est en 1628 que la puissante et riche corporation des mariniers fit vœu d'ériger une chapelle près du port en l'honneur de leur patron, saint Nicolas, alors que la peste venait de ravager le tiers de la population roannaise. Elle fut achevée en 1630 grâce aux générosités des familles aisées et au concours des mariniers à son emplacement actuel à l'angle de la rue des Minimes qui était à l'époque du grand chemin royal de Paris à Lyon et du quai du Bassin, le quai de la Galère qu'empruntèrent de nombreux grands de l'Histoire pour venir s'embarquer à Roanne.

Des services religieux furent-ils célébrés dans cette chapelle ? On l'ignore car les archives n'en font pas état jusqu'en 1660. Plus tard et alors que la chapelle avait dû subir quelques réparations coûteuses puisqu'elles nécessitèrent un emprunt elle servit de lieu de réunions qui devaient être fort bruyant étant donné le langage direct et vert des mariniers qui ont le sait n'étaient pas des enfants de chœur. C'est là qu'était élu le syndic qui était un personnage important puisqu'il arbitrait les litiges entre mariniers et commissionnaires par eau et qu'il était chargé de la police du fleuve entre Roanne et Digoin.

En 1728, une deuxième chapelle Saint-Nicolas fut construite dans l'ile. Cette chapelle Saint-Nicolas de l'Ile qui était dotée d'un service religieux régulier eut les faveurs des mariniers qui délaissèrent celle de Saint-Nicolas du Port qui fut mise sous séquestre et désaffectée à la Révolution. La garde nationale en fit le siège d'une de ses sections puis elle fut vendue à la famille Montvenoux, transformé en dépôt de grains, bureau de navigation et maison d'habitation tout en conservant son style et ses ornementations extérieures.

C'est dans la niche qui est vide que sera logée la nouvelle statuette, la niche ayant le volume d'un demi-cylindre de 55 centimètres, surmonté d'un quart de sphère de 20 cm, pour 10 de large et 35 de profondeur. On voit que la reproduction sera conforme à l'originale.

C'est l'entreprise Comte de Champdieu - qui avait d'ailleurs réalisé  la vierge à l'Enfant  de la chapelle du Lycée Jean Puy (d'après une statue de l'église de Saint-Victor-sur-Rhins) - qui a été chargée de l'exécution de la nouvelle statuette de saint Nicolas. Le moulage en a été pris d'après la statue authentique et, en attendant d'être scellée dans sa niche (pour plus de précaution une grille sera installée au lendemain de l'inauguration), elle est en lieu sûr chez le président Revaillier.

La nouvelle est en pierre reconstituée et le réalisateur a tenu compte des normes de l'originale, elle mesure 65 centimètres pour un poids d'une trentaine de kilos.

C'est cette statuette offerte dans un geste symbolique mais très délicat par le Comité des fêtes du Bassin qui sera bénie et inaugurée dimanche matin à 10 heures à la chapelle des Mariniers dans le cadres des festivités du Bassin.

Faïence, dont on ne connaît pas l'auteur, offerte au Musée Déchelette de Roanne par Frédéric Noelas

 

LA CHAPELLE DES MARINIERS A DE NOUVEAU UNE STATUE DE SAINT NICOLAS

Béni sois-tu, Dieu notre Père, pour Nicolas, cet Oriental pour sa vie de bonté et de foi, pour sa survie à travers siècles et frontières dans sa légende fleurie.

Béni sois-tu pour saint Nicolas, patron des écoliers, des bateliers, des voyageurs, des mal-jugés.

Béni sois-tu pour le travail des artistes qui ont réalisé cette statue.

Béni sois-tu pour ceux qui consacrent temps et amitié aux personnes âgées du quartier, en toute gratuité d'esprit et de cœur.

Béni sois-tu pour les responsables de la vie urbaine qui accomplissent leur service pour le bien de tous, spécialement de ceux qui risquent d'être victimes des évolutions.

Seigneur, nous t'en prions par Saint Nicolas : à son exemple, rends les hommes attentifs à ceux qui souffrent, et que ta bénédiction vienne sur ceux qui ont demandé à l'Église cette prière, ceux qui habitant ce quartier, et tous ceux qui, passant devant cette statue, invoqueront le patronage de saint Nicolas

AUTOUR DE LA CHAPELLE

C'est le P. Colombe, de l'équipe pastorale du Centre qui prononça, dimanche matin, cette belle prière. Il bénissait la statue de saint Nicolas, offerte à la Ville de Roanne par le Comité des fêtes du Bassin. Elle venait d'être placée dans la niche de la joie chapelle des mariniers.

Il y avait là autour de M. A Revaillier, président fondateur, les membres du Comité ; la Reine du Bassin 1972 et ses demoiselle d'honneur, toutes gracieuses et souriantes ; M. le maire de Roanne, plusieurs adjoints et conseillers municipaux ; M. Peylet, président de la Chambre de Commerce ; les P. Vacheron et Laroux ; un groupe d'habitant du quartier ; Mme la Supérieure des Petites Sœurs des Pauvres ; une délégation de l'Amicale des Alsaciens-Lorrains dont le patron est saint Nicolas.

POUR QUE LE PASSE RESTE PRESENT

La réunion avait commencé par un historique très documenté du Bassin, fait par M. Roger Revaillier, vice-président fondateur. Il apprit à l'assistance beaucoup de détails ignorés. Il rappela aussi que le Comité des Fêtes fêtait, cette année son 22° anniversaire. Il remercia la Ville d'avoir su " savamment sauvegarder " le " rustique sanctuaire ".

M. Revaillier père présenta les excuses de Mgr Chagué et du Père Raffin, ancien curé de N.D. des Victoires " Mais, dit-il l'un et l'autre sont avec nous de cœur. " " Le Comité du Bassin fut effectivement fondé en 1950 ", répéta-t-il, et il compte encore deux membres fondateurs son fils et lui-même. Ayant dit sa reconnaissance aux personnes présentes, M. Revaillier tira le voile qui recouvrait la statue. C'est alors que le P. Colombe la bénit.

M. Pillet, maire, félicita le Comité du Bassin d'avoir eu l'idée de faire mouler la nouvelle statue et surtout - car beaucoup de gens ont des idées - d'avoir su la réaliser.

En restaurant la chapelle des mariniers, la Ville a voulu " maintenir tout un passé " sur lequel s'est fondée notre cité, et qui reste présent. Il n'est pas impossible, continua M. le Maire, que le port, un jour, vienne à disparaître. Alors, sans la chapelle, que resterait-il de la longue histoire du Bassin ? Dans une ville en constante évolution, la chapelle dit à qui sait entendre, ce que " rien ne se construit dans l'instant ; que tout est le produit de l'effort permanent des hommes.

QUI ÉTAIT SAINT NICOLAS ?

Extrait du Dictionnaire des Saints de Marteau de Langle de Cary et G. Taburet-Missoffe :

" Nicolas, évêque de Myre, IVe siècle. Fête le 6 décembre. 

Un des saints les plus populaires. Les légendes foisonnent à son sujet : celle des garçonnets ressuscités chez le cruel boucher l'a fait patron des petits enfants. L'histoire peut simplement dire qu'il fut évêque de Myre et apparut à l'empereur Constantin pendant son sommeil… "

La bénédiction de la statuette de saint Nicolas qui a pris place dans sa niche, à la chapelle des Mariniers, aura valu une intéressante leçon d'histoire locale au public qui assistait à la cérémonie parmi laquelle nous avons notamment reconnu MM. Pillet, maire de Roanne, entouré de ses adjoints, Boufferet, Gruel, Livet, et de nombreux conseillers municipaux, Peylet, président de la Chambre de commerce, etc. Le Comité des fêtes du Bassin autour du Président Revaillier, de la reine Michèle Guichard, des vice-reines Dominique Tiriau et Martine Hugonnard, des dauphines Guylène Roveda et Michèle Rodriguez.

Dans le décor agreste du Port, avec ses pelouses rafraîchies encore par les derniers orages, M. Revaillier Fils était revenu dans le temps pour mieux situer cette cérémonie et pour faire surgir à nouveau le passé de ce quartier dont la chapelle des mariniers est un des derniers témoignages.

Ainsi devait-il rappeler la création des deux port, le port de Vieil détruit par l'ensablement en 1586, le port de la Galère, les grands axes que furent d'abord la première artère créée, allant de la rue du Creux Granger à la rue Poisson, puis plus tard le grand chemin royal (de la rue S-Élisabeth, rue du commerce, à la rue de Minimes) et enfin la rue Royale qui en deux siècles changea douze fois de nom !

Et également la construction du couvent des Pères minimes, en 1634. Le pensionnat des Minimes datant de 1817…Il devait aussi évoquer la vie des mariniers, leur courage tranquille, leur patriotisme qui, à la suite de leurs faits d'armes à Saint-Symphorien-de-Lay, valut à la ville la Légion d'Honneur. Il manquait au fils du président Revaillier une voix de baryton pour chanter la " chanson des mariniers ", il n'en fut pas moins applaudi, car il s'était livré à un important travail de recherches ce qui nous valut d'apprendre par exemple qu'il y eut, en fait trois chapelles Saint-Nicolas, qui n'était pas sans intérêt.

Avant de dévoiler la statuette faite comme nous l'avons signalé par M. Comte de Champdieu d'après un moulage de l'authentique statuette du saint déposé au Musée Joseph Déchelette, M. Revaillier, père, fils de marinier et qui a toujours été fidèle à " son " quartier, soulignait que ce don du Comité des Fêtes à l'occasion de son 22° anniversaire signifiait qu'il entendait assurer, ainsi, la pérennité de l'histoire locale.

La statuette dévoilée, le Père Colombe de la paroisse Saint-Etienne, assisté du Père Vacheron, le Père Raffin, ancien curé des Minimes, étant absent, la bénit rapidement en mettant sous la protection du saint tous ceux qui contribuent à la vie du quartier.

M. Pillet avait un grand merci à dire à ceux qui eurent cette idée et qui surent la réaliser et à stigmatiser ceux qui, ne respectant rien, avaient dérobé la statuette sans valeur.

Dans la reconstitution de cette unité, M. le Maire se réjouissait de voir se maintenir un passé " sur lequel s'est fondée notre cité et qui reste présent ".

Et évoquant la possibilité qui n'est pas à exclure de la disparition du port, il se plaisait à souligner que la restauration et la préservation de cet élément du XVIIe siècle rappellerait aux générations à venir que tout est le produit permanent des hommes et que ceux qui avaient participé à l'essor de ce quartier avaient droit à ce témoignage du souvenir.

La cérémonie simple et modeste, mais émouvante par tout le passé qu'elle avait fait renaître. Elle, marquera l'action humaine et bienfaisante d'un groupe d'hommes dévoués et tout au service de leur cité et de ceux qui souffrent.