Thursday, December 07, 2023

Pierre Clavier, 83 ans lors de notre rencontre (lire note), est né à Saint-Etienne. Son père travaillait aux Cycles Mercier. Il fut tué par l'explosion d'un four de cuisson à Saint-Etienne en 1937. La famille (cinq garçons) s'en va alors à Sury-le-Comtal où vit celle de sa mère, née Fournier. Ses études ne furent pas longues : jusqu'à 14 ans, le minimum légal, et un simple certificat d'études en poche. Un de ses oncles, qui avait repris la petite affaire de menuiserie du grand-père maternel, l'embauche. Il reste avec lui jusqu'en 1952 puis il vient travailler à Saint-Etienne dans plusieurs entreprises, notamment dans usine de plastique dont le patron possédait deux petits avions. Il a fini sa carrière dans une menuiserie.

C'est en 1942 au sein des Compagnons de France qu'il découvre l'aéronautique. Pendant l'Occupation, les Compagnons de France formaient un mouvement de jeunesse dirigé en 1941 par Guillaume de Tournemire. A l'échelle locale, d'après Pierre Clavier, deux résistants, Maurice Knoblauch (abattu par des miliciens le 6 juillet 44) et René Gentgen y exerçaient des responsabilités (chefs de bailliage et de pays). Sury était le siège d'une Commanderie du mouvement. Dans le cadre de leurs activités, les jeunes font ainsi connaissance avec Henri Bernichan, chef pilote de l'aviation populaire à Bouthéon en 1936 puis instructeur, qui souhaite alors créer à Sury une section d'aéromodélisme.

En 1943 il passe à Clermont son premier brevet, un certificat élémentaire des sports aériens (ancêtre du brevet d'initiation aéronautique) pour faire du vol à voile, une activité dont l'aviateur Éric Nessler fut l'un des pionniers, dans le Puy-de-Dôme notamment. En 1945-46, avec "les petits gars des modèles réduits", Pierre Clavier fait son baptême de l'air dans un Junkers. Un deuxième vol suivra, dans un biplan Stamp cette fois. En 46 toujours, il entreprend avec plusieurs camarades (dont deux futurs pilotes de l'aéronavale) la construction d'un Pou-du-Ciel biplace. Ce petit avion fut conçu par Henri Mignet, apôtre de l'aviation pour tous et de la construction amateur qui en livra les plans dans son livre Le Sport de L'air, publié en 1934. Cette même année avait été créée l'Amicale de l'Aviation légère de Lyon, rassemblant, nous explique-t-il, « des gars qui fabriquaient des Poux-du Ciel et volaient à Satolas, dans les champs d'avant l'aéroport". Ils correspondent avec Henri Mignet mais le projet des Foréziens n'aboutit pas faute de finances pour la toile, les enduits et le moteur. La menuiserie, elle, était achevée.

Dans le cockpit, Pierre Clavier. Tenant l'hélice, Yvan Rivière

C'est à Satolas, où il y a un rassemblement amateur du Réseau du Sport de l'Air, qu'il assiste à la démonstration d'Edouard Joly, fondateur avec son gendre Jean Délémontez de la société Jodel, construisant les avions Jodel et Robin. « On était trois, nous dit-il. Il y avait Ambroise Robert, de Saint-Just-Saint-Rambert, un ancien des modèles réduits, et M. Rivière. M. Rivière (décédé le 27 avril 1995, ndFI), de 14 ans mon aîné était prothésiste dentaire et féru d'aviation. J'ai une photo de lui avec Henri Fabre, l'inventeur en 1910 de l'hydravion. » Germe là l'idée de construire un « Bébé Jodel », un monoplace (Jodel D 9). La construction débute en 1949 avec le matériel fourni par M. Rivière. Elle dure 2 ans et un mois. L'appareil, en bois américain, est équipé d'un moteur Volkswagen simple allumage pour commencer (double allumage au début des années 60) et hélice maison. Edouard Joly lui-même vient le piloter pour la première fois en mars 52 au dessus de l'aérodrome de Saint-Etienne-Bouthéon. L'avion volait encore 50 ans après. " Si on avait attendu un an de plus, on prenait les plans et on faisait un biplace", nous dit-il. En septembre 2002, il fut accidenté dans l'Ain. Il se trouve aujourd'hui à Feurs.

Pierre Clavier participa à de nombreuses réparations dans tous les aéro-clubs de la Loire*. Dans les années 50, il aida aussi à la confection d'un Bébé Jodel fabriqué par des jeunes de Saint-Chamond. « Des vols? J'en ai faits tant que j'ai pu mais j'ai été opéré d'une oreille et je ne peux plus converser avec la tour. J'ai donc arrêté le pilotage. Mais il y a quelques jours, j'ai volé dans un Piper.».

« C'était intéressant pour nous la petite aviation. On partait se balader sans avoir besoin de se mettre en contact avec aucune tour. On ne demandait rien à personne et on allait faire du rase motte. On s'amusait comme des petits fous. »

Pierre Clavier posant devant son chef-d'oeuvre. La médaille lui fut remise en juin 2002 en présence notamment du sénateur Jean-Claude Frécon, Paul Bomel, président de l'Union régionale des aéroclubs de Rhône-Alpes, Christian Sénégas, président de l'Aviation Club de France, Raymond Martin, pilote.

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NdFI: une première page sur Pierre Clavier avait été publiée il y a quelques années sur notre portail. Elle avait disparu. Il s'agit ici d'une restauration.

* Quelques mots sur les clubs d'aviation de la Loire en 1958

En 1958, il y avait dans la Loire les Ailes Foréziennes, l'Aéro-Club de Saint-Chamond et de la Vallée du Gier, l'Air-Club du Forez, les Ailes Roannaises et l'Aéro-Club de Saint-Galmier, créé cette année par des membres des Ailes Foréziennes.

Les Ailes Foréziennes (terrain : aérodrome de Bouthéon, siège à Saint-Etienne) sont présidées à cette époque par Antoine Guichard. C' est un club issu au sortir de la Seconde Guerre mondiale de l'ancien Aéro-club Forézien et Vellave fondé en 1930. En 58 son parc comprend trois Jodel D 112, un Jodel D 120, un NC 858, un Piper, un Jodel monoplace D 9, totalisant pour l'année précédente 1412 heures de vol.

L'Aéro-Club de Saint-Chamond et de la Vallée du Gier (terrain : Planèze à Saint-Chamond-L'Horme) regroupe plus de 100 membres en 1958. Il est présidé par l'industriel Jean Lafay.

L'Air-Club du Forez (terrain : Chambéon, siège à Feurs) a été fondé en 1950. Il possède en 58 deux Jodel D 112, un Jodel D 92 et un quadriplace Fairchild. Ses pilotes sont au nombre de 40. Son président est Jacques Nigay.

Les Ailes Roannaises (terrain de Bois-Combray, siège à Roanne) existent depuis 1935. Le club a fusionné en 45 avec son concurrent d'hier : l'Aéro-Club Roannais. Il compte alors 14 avions et neuf planeurs. Président : Camille Boissonnade, ingénieur.