Wednesday, September 27, 2023

Des "flétrissements", des pendaisons - y compris de cochon, y'a pas de raison-, des duels au soleil, des émeutes, des procès, des seigneurs brigands, des saigneurs de toutes sortes, des sorcières, des cocus, des galères, des mannequins décapités et des morts ressuscités. Sur Forez Info c'est l'heure du crime, bienvenue dans le grand cirque de la justice.

Sommaire: conflits d'intérêt au Moyen Age; l'affaire Baffie; résistances paysannes; la cheminée aux cocus : le poids de la morale; le feu de l'Inquisition; Catherine Guillemet; quelques peines et ustensiles, piloris et autres fourches patibulaires; une erreur judiciaire: l'affaire de la Merlée; les coups de sang de Gilbert du Palais; l'émeute de Saint-Etienne en 1735; une condamnation à  mort à  Cervières sous Louis XV; la triste histoire de Jean Clozet; où l'animal a le premier rôle et pas le meilleur; les seigneurs de Saint-Priest : l'affaire Aimar de Saint-Priest; Chalus le cruel; le grand siècle des bandits de grand chemins; le dernier des malandrins; politique, religion et justice; Montbrison, capitale judiciaire du Forez; on ne sait pas faire les conclusions.

L'idée d'écrire ce petit article nous est venue avec la lecture d'un message dans notre forum où était évoqué le châtiment réservé à  Jeanne Bizuelle, une complice du célèbre Mandrin. Si l'idée était bonne et originale encore fallait-il pouvoir la concrétiser. Cette page vaut ce qu'elle vaut. Les rouages de la justice au Moyen Age et sous l'Ancien Régime (fin XVIe - 1789) étant assez complexes, nous avons tenté d'en donner quelques clés sans nous embourber dans les mécanismes tortueux des procédures judiciaires. Il est surtout prétexte à  évoquer certaines figures de l'histoire locale, (Gilbert de Chalus et sa bande, Guillaume de Baffie...) et certains évènements locaux rejetés dans les oubliettes de la mémoire: l'émeute stéphanoise de 1735, le sacrilège de Catherine Guillemet...

Vos précisions ou rectificatifs sont les bienvenus.

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C'est le rôle de la Justice de punir le crime en appliquant le châtiment prévu par la loi. Il convient d'abord de rappeler que la notion de crime a beaucoup évolué au cours des siècles en même temps que les châtiments réservés aux criminels. Ce qui était autrefois une faute grave ne l'est plus toujours aujourd'hui. Et les instances judiciaires qui définissent la notion de crime et qui font appliquer les peines ont subi également des mutations.

Durant la période féodale l'autorité était morcelée, conséquence d'une influence limitée du pouvoir royal. Les seigneurs rendaient la justice. Chaque seigneur était contraint d'avoir pour sa seigneurie un juge qui devait prononcer le droit, un procureur et un greffier. Mais à  l'époque féodale (comme de nos jours) les sentences de ce juge prononcées au nom du seigneur haut justicier pouvaient être portées en appel devant une juridiction supérieure à  celle du seigneur. Autrement dit, auprès du suzerain du seigneur, c'est à  dire, dans notre contrée, le comte de Forez. Mieux encore, étant donné que les comtes de Forez avaient recherché la protection des rois de France, l'appel pouvait être porté auprès de la justice royale, la plus proche étant celle du baillage de Mâcon en Bourgogne jusqu'en 1313, puis après 1313, celle de la sénéchaussée de Lyon. A partir du XVe siècle, les sentences de la cour de Forez peuvent être portées devant l'autorité suprême, celle du Parlement de Paris. Mais il s'agit d'une procédure longue et difficile et les facultés d'appel ne concernent le plus souvent que les riches.

Conflits d'intérêt

L'autorité judiciaire au Moyen Age n'était pas aux seules mains des laïcs. Ainsi à  Saint-Rambert, le prieur (chef du prieuré) avait toute justice, basse, moyenne et haute, jusqu'au supplice, sur Saint-Rambert et les paroisses voisines.  Ce droit de justice dans les cas extrêmes allait jusqu'à la mutilation d'un membre et la mort. Le prieuré de Saint-Rambert semble avoir été le seul parmi les monastères foréziens à  avoir le privilège de faire exécuter sur ses terres les sentences rendues par son prieur. En effet, si certains seigneurs ecclésiastiques avaient le droit de haute justice sur leurs terres, l'Eglise répugnait à  y faire exécuter la sentence. Citons J.B. Galley dans son ouvrage Le régime féodal dans le pays de Saint-Etienne, XIVème - XVIIème siècles : "La justice dans les mandements d'abbayes et de prieurés présente cette particularité que la magistrature de par son caractère religieux s'est toujours refusé à  l'exécution des peines corporelles qui entraînent la mort ou simplement l'effusion de sang."

Et l'auteur de citer le cas de l'abbaye de Valbenoîte qui passa un accord avec le seigneur de Saint-Priest pour que les sentences soient exécutées sur les terres de ce dernier.

La justice était un apanage de la puissance féodale, et donc de la domination des seigneurs sur les populations travaillant sur leurs terres. Son exercice donna lieu à  des conflits d'intérêt. A Saint-Romain-le-Puy en 1236 un différend survint entre le prieur et le comte Guy IV du Forez. Après bien des discussions, une transaction fut conclue entre les deux parties, transaction confirmant, pour le premier, l'abandon du droit de haute justice au profit du comte du Forez. Et pour ce dernier la garde du château protégeant le prieur; les profits du droit de haute justice étant malgré tout partagés entre les deux. En effet, le noeud du problème résidait dans le fait que l'exercice de la justice procurait aux seigneurs des revenus non négligeables, par un système d'amendes qui concluaient le plus souvent les débats. "Les rivalités seigneuriales imposèrent des limites de justice précisant la compétence de chaque plaid (tribunal, ndlr), haute et basse justice" ( in Le Moyen Age en Occident de M. Ballard, J.-PH. Genet, M. Rouche).

Un autre exemple : en 1291, une charte de franchise fut concédée par le comte de Forez au profit des habitants de Saint-Haon-le-Chatel. Mais si celle-ci les autorisa à  élire quatre consuls, l'exécutif et la justice restaient du ressort du capitaine-châtelain, assisté d'un prévôt. Et à  travers eux, du comte de Forez. Toujours pour les mêmes raisons pécuniaires.

Ce n'est qu'avec le renforcement continu de l'autorité royale que l'extrême fragmentation des pouvoirs judiciaires commença à  être corrigée au profit de la monarchie.

L'affaire Baffie

On aurait tort de croire que seuls les humbles gens étaient justifiables à  merci. L'affaire Guillaume de Baffie, seigneur de Montarcher, en est l'illustration. Sa conduite peu honorable devait lui coûter son fief. En effet le système féodal reposait sur un double contrat. D'abord entre le seigneur et ses serfs ou paysans dont il tire profit mais dont il doit assurer la protection. Contrat descendant si on peut dire. Mais aussi contrat ascendant, entre le seigneur et un seigneur plus puissant, en l'occurrence le comte de Forez dont il est le vassal. Bref des droits et des devoirs régissent l'organisation sociale en forme de pyramide.

Or, notre ami Guillaume de Baffie, au lieu de combattre des brigands et leur chef, un certain Vertamise qui avaient rançonné le village de Marols dépendant de sa juridiction n'avait rien trouvé de mieux que de festoyer avec eux ! Le comte de Forez décida une enquête à  ce sujet. Elle fut menée par Henri de Ponceans, connétable d'Auvergne, et Raoul de Sens, bailli de Bourgogne. Le procès eut lieu en 1242 à  Montbrison. Dix-neuf témoins furent entendus et la preuve fut faite que les brigands étaient à  la solde du seigneur de Montarcher. Guillaume de Baffie fut dépossédé de son fief et Montarcher passa aux mains de Robert de Saint-Bonnet, puis plus tard au profit de la famille de Lavieu.

Résistances paysannes

Une autre affaire en 1455 vient illustrer la résistance des paysans face à  l'arbitraire seigneurial. Comme le fait remarquer l'indispensable Galley, il s'agit d'une résistance collective car il faut payer le procureur et soutenir le procès. Une résistance personnelle paraissant insoutenable. Elle se passa à  l'époque où le comté de Forez dépendait de l'autorité des ducs de Bourbon. Elle mena devant la justice comtale messire Gastonnet Gaste, capitaine de la chatellenie de Maleval dans le Pilat, accusé de " plusieurs violences et rançonnements ". La cour du comté ordonna une enquête et 91 témoins furent entendus. En revanche nous ne connaissons pas le fin mot de l'histoire.

Et quand les comtes de Forez manquaient à  leurs devoirs envers un vassal ? Et bien il ne restait qu'à  agir comme dans cette légende de Cornillon. Elle raconte que c'est pour se protéger des troupes du comte de Forez, qu'il assassina, qu'un sire de Lavieu fit construire le château perché. Il est vrai aussi, selon la légende, que le comte avait violenté son épouse.

Le poids de la morale

- La cheminée aux cocus : le cas de l'adultère

On peut voir encore dans le prieuré de Pouilly-les-Feurs, dans ce qui était au Moyen Age la cuisine des moines, une cheminée sculptée d'une scène cocasse. C'est  la " cheminée aux cocus ". Cette scène rappelle le sort réservé aux époux infidèles, que le prêtre, après avoir confessés, invitait à entrer dans l'église vêtus d'un grand manteau pour cacher leur nudité. Ainsi accoutrés, ils pouvaient ensuite retourner  dans leurs foyers. On imagine sans peine l'humiliation que devait causer cette coutume, mais en d'autre lieux les fautifs étaient exhibés nus et menés à  coups de fouet à  travers les rues.

A Saint-Christo-en-Jarez, une nuit de 1324, un dénommé Pierre Broart, marié, fut trouvé au lit en compagnie de sa maîtresse par le mari de la dame. Ici aussi l'affaire ne se termina pas trop mal pour les fautifs. Menés manu militari au château de Chaignon, ils en furent quitte pour 30 sols d'amende...

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- Jean Papon et les lesbiennes

Jean Papon dans son Recueil d'arrests notables des cours souveraines de France, qu'il écrivit peut-être dans son château de Goutelas ou dans sa demeure de Montbrison, évoque une affaire datant de l'année 1533. Elle ne s'est pas passée dans le Forez mais nous l'écrivons  pour illustrer l'air du temps. Elle concerne deux lesbiennes confondues qui ne durent leur salut qu'à  l'insuffisance des témoins : "Deux femmes se corrompans l'une l'autre ensemble sans masle, sont punissable à  la mort : & est ce delict bougrerie, & contre nature. Tient ceste interpretation, dit qu'il se trouve femmes tant abominables, qu'elles suyvent de chaleur autres femmes, tout ainsi ou plus, que l'homme la femme. Et de ce furent accusées Françoise de l'Estage, & Catherine de la Maniere. Contre elles y eut tesmoins ; mais pour autant qu'ils estoient valablement rapprochez, l'on ne peut [put] sur leur deposition les condamner à  mort. Et seulement pour la gravité du delict furent prinses les depositions pour indices, & sur ce lesdites femmes condamnees à  la question* par le Seneschal des Landes, & par arrest depuis eslargies**."

* la question = la torture, ** élargies = libérées

Ce qui concerne les femmes était aussi valable pour les hommes. Dès 1120, le concile de Naplouse condamna clairement l'homosexualité masculine. Nous n'avons pas trouvé d' affaire judiciaire locale évoquant un tel " crime ".

Le feu de la Sainte Inquisition

L' Eglise au Moyen Age se voit comme une forteresse que l'hérésie menace. Pour lutter contre la propagation du " mal ", elle se dote d'un rempart terrible, la Sainte Inquisition, créée par le Pape Grégoire IX en I233, et qui entreprit de purifier le monde et les âmes par le feu. Appuyée par le bras séculier - souvenez-vous : l'Eglise condamne à  mort, elle ne tue pas -, elle fit régner la terreur et demeure le symbole de la cruauté et du fanatisme. En même temps qu'elle s'acharna à  exterminer toute dissidence religieuse, elle se montra implacable dans sa chasse aux sorcières. Mais le vieux pays de Forez fut peu frappé des feux de l'Inquisition; ce qui constitue une certaine curiosité. Nous avons connaissance de deux affaires. La première concerne une sorcière, " la Marguerite ", qui se donna la mort à  Chazelles en 1458 avant d'être livrée au bûcher.

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Cette même année, le 24 avril, à  Saint-Priest-en-Jarez, l'inquisiteur Nicollas Jacquier condamna à  mort Jean de Merley "déclaré attaint et convaincu de sortilège (...) convaincu d'avoir esté sorcier depuis trente ans, et assisté en la sinagogue où le diable estoit adoré par luy et ses complices, en laquelle ledict Merley avoit ignominieusement fricassé en une poylle la saincte Eucharistie en présence des mauvais Esprits et d'avoir craché contre la croix par luy imprimée en terre et icelle foullée avec le pied, et avoir procuré par maléfices la mort et avortement à  la femme de Jehan de Ponsonnaus et cinq de ses enfans, et d'avoir refusé de se confesser deux jours avant sa mort : et pour avoir finy sa vie misérablement fust déclaré excommunié et laissé au bras séculier..."

Jean de Merley se serait aussi donné la mort et c'est un cadavre que l'Eglise remit au bras séculier.

Catherine Guillemet

Selon Jean Gabriel dans Cavalcade stéphanoise , cette histoire se passa la nuit du 24 décembre 1652. Saint-Etienne Mémoires de Bories, Malot et Héritier mentionne la nuit de la Nativité 1662. Après la messe, Catherine Guillemet, une veuve qui aurait perdu son mari et ses trois enfants lors de la peste, selon Jean Gabriel qui édulcore peut-être l'histoire, dérobe un ciboire et un ostensoire dans la Grand'église de Saint-Etienne. Elle s'enfuit en direction de Valbenoite, évite l'abbaye et monte vers les bois. Que veut-elle faire ? Est-ce qu'elle le sait elle même ? Toujours est-il qu'elle aurait enterré les objets du culte, et selon Gabriel, se serait laissée mourir de froid. Les auteurs de Saint-Etienne Mémoire laissent entendre que la voleuse fut prise et condamnée à  être brûlée vive pour son forfait. A Lyon ?

En 1735, sur le lieu où les objets sacrés avaient été enterrés fut construite la sainte chapelle, en expiation du sacrilège. Un chemin de croix permettait d'y accéder.

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Quelques peines, châtiments et ustensiles

Nous n'indiquons ici que les moyens utilisés dans le Forez. Ne figurent donc pas certains procédés exceptionnels comme la roue sur laquelle Mandrin fut supplicié à  Valence ou l'écartèlement.

Les amendes : elles pouvaient sanctionner ici des petits délits qui là-bas auraient coûté le pilori. La justice, surtout au Moyen Age n'est pas uniformément codifiée. Souvent, nous dit Galley, on ne dérange pas le juge du mandement, on compose, on s'arrange entre le fautif et le seigneur, voir le prévôt ou même le sergent d'armes. L'amende peut être salée et tout bénef pour le seigneur. Un certain Antoine Gatart, de Saint-Christo qui avait volé des pommes à  un certain Perrot de Buec paya 5 sols à  ce dernier et 60 sols au seigneur du lieu, douze fois la réparation du dommage causé !

Le pilori et le carcan : les deux instruments sont de même nature sauf que le pilori est fixe et maintient le prisonnier en place publique tandis que le carcan est " portatif " si on peut dire. Il laisse la possibilité au supplicié de se déplacer. Dans les deux cas il s'agit d'exhiber le condamné, de le signaler à  l'opinion publique. Le pilori pouvait avoir différentes formes, une simple colonne à  laquelle est attaché le condamné, debout ou à  genoux. La représentation la plus célèbre du pilori est celle d'une sorte de tréteau vertical, en bois, ses deux montants étant réunis par une planchette dans laquelle trois espaces permettent d'enserrer la tête et les mains. Le condamné est ainsi debout mais courbé en deux et son visage est exposé à  la foule qui peut l'humilier à  sa guise.

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Ces supplices étaient réservés aux ivrognes, aux émeutiers, aux injurieux, aux fraudeurs, etc. " La place du pilori " dans le village de Néronde lui doit son nom (photo). Le comte de Forez en fit installer un à  Saint-Christo en Jarez en 1324 et il y était encore vingt ans après. A Pouilly-les-Feurs, le pilori était situé devant l'église. On y attachait celui qu'on venait de juger pour le faire injurier et humilier par la populace, avant de l' emprisonner plusieurs jours, nourri au pain sec et à  l'eau. A Pouilly, étaient jugés les petits délits, les vols de volailles, de lapins, de légumes et de fruits, les bagarres. Les moines avaient le droit de basse et moyenne justice. Seul le comte du Forez pouvait condamner à  mort et faire pendre, exception faite de Saint-Rambert ainsi que nous l'avons déjà  écrit.

Le marquage au fer rouge : il s'agit de marquer le corps du criminel d'une lettre ou d'un sigle indiquant le délit ou la peine subie. Par exemple V pour " voleur " ou GAL pour " galère ". En règle générale le marquage infâmant est fait sur l'épaule voir les deux. Les femmes n'étaient pas épargnées par ce châtiment. Ainsi Jeanne Bizuelle, complice d'un certain Malos, libéré par Mandrin lors de son passage à  Montbrison, et bien qu'elle-même ne fut pas libérée, "fut condamnée " à  être battue de verges aux carrefour et lieux accoutumés " et " à  être marquée sur l'épaule dextre d'un fer chaud à  la lettre V". (d'après Claude Latta, conférence sur les passages de Mandrin à  Montbrison).

Le bannissement : on aurait tort de considérer le bannissement comme une peine légère. En effet, le banni, interdit de rester dans son pays, devenait de fait un étranger pour le pays où il trouvait asile et où il était signalé à  la méfiance publique. Etaient en général bannis ceux qui échappaient à  la peine de mort.

Les fourches patibulaires : derrière ce nom se cache tout bonnement le gibet servant à  la pendaison des roturiers et l'exposition de leurs corps. En général, on ne pendait pas les nobles. Ils avaient la tête tranchée mais il y eut des exceptions. La plus célèbre concerne Gilles de Rais, compagnon de Jeanne d'Arc, Maréchal de France, le " Barbe bleu " des contes d'enfants, pendu à  Nantes. La fourche patibulaire se composait de deux grands montants verticaux réunis par une barre verticale. Le condamné, les mains liés dans le dos, était traîné par le bourreau qui à  sa suite l'obligeait à  grimper une échelle. L'exécuteur des hautes oeuvres attachait la corde à  la barre et précipitait le malheureux dans le vide. Le corps pouvait être exposé longtemps, souvent aux croisements des chemins en guise d'avertissement et pour le régal des corbeaux.

Nous avons lu parfois que le nombre de montants verticaux des fourches indiquait la qualité du seigneur haut justicier. Ainsi, les simples gentilhommes devaient avoir des fourches à  deux montants maximum, etc. Si c'est le cas, les comtes de Forez auraient pu disposer de fourches à  six montants. Mais le Forez est somme toute bien éloigné de Montfaucon, aux portes de Paris et de ses fourches royales à  seize piliers pouvant supporter 60 pendus. La mise en place des fourches était soumise à  un cadre légal stricte. Elles marquaient souvent les limites de chaque juridiction seigneuriale. Chaque seigneur ne pouvait ordonner de dresser des fourches que sur son territoire. En 1324, le bailli de Forez souhaitant par exemple faire dresser des fourches et procéder à  une exécution en vue de Saint-Christo-en-Jarez dut s'assurer au préalable qu'il était bien sur une terre relevant de l'autorité du comte. Huit ans plus tard, le seigneur de Chaignon ne ne se priva pas de faire abattre des fourches mal placées du comte de Forez. Un cas similaire avait eu lieu en 1285 sur les terres de Saint-Symphorien-en-Laye, dépendantes de la justice de l'église de Lyon. Des fourches hors-la-loi sur lesquelles pendait un cadavre de pendu furent promptement abattues. Le corps fut traîné jusque vers un lieu juridiquement recevable.

Quelques lieux de pendaison : à  Saint-Etienne, sur le Pré de la Foire (Place du Peuple), à la Fouillouse sur le chemin de Saint-Galmier, à  l'entrée des bois.

L'affaire de la Merlée, une erreur judiciaire ?

A peu de distance de Noirétable se trouve la bâtisse de la Merlée (photo). En 1591, le seigneur des lieux, François de la Merlée y menait une vie de riche propriétaire terrien. Avec lui vivaient quelques domestiques, un jeune fils et un neveu, Marc de Boisy. Le 20 avril de cette même année, une bande de brigands attaqua la demeure et François de la Merlée et son jeune enfant furent trucidés, tandis que les domestiques gagnaient les bois. Il se trouvait que Marc de Boisy, le neveu avait été institué légataire universel. Il se trouvait encore notifié, qui si ledit Marc de Boisy venait à  décéder à  son tour, le domaine reviendrait à  Marc du Palais, petit-neveu de François de la Merlée. Il semblerait alors que la mère de Marc du Palais, née Françoise de la Pauze, ait ourdi un immonde complot contre Marc de Boisy. Un plan très simple en vérité : porter l'accusation de meurtre contre lui. Marc de Boisy fut arrêté en 1598 et emprisonné à  Montbrison. L'accusé parvint à  prouver son innocence mais les du Palais achetèrent le prévôt qui soumit alors l'accusé à  la question (la torture) pour le faire avouer. Marc de Boisy rendit l'âme sous les instruments du supplice. Et Françoise du Palais entra en possession de la Merlée au nom de son fils.

Gilbert du Palais, le criminel condamné à  mort qui finit ses jours seigneur-justicier

Les seigneurs du Palais ont laissé derrière eux une longue traînée de sang. On les retrouve au siècle suivant dans une autre histoire. A l'origine, un simple différend qui opposa Gilbert de Rivoire, marquis du Palais, près de Feurs, et Christophe de Magnieu, baron de Chalmazel.

Un beau jour, Gilbert de Rivoire fit abattre un four établi à  Feurs, appartenant au seigneur de Chalmazel qui en appela à  la justice. Jusque là  rien de très folichon mais la suite des événement prit une tournure autrement plus grave.

Le 2 septembre 1656, quatre valets du marquis du Palais - qui n'avait pas digéré cette affaire de four - sont en embuscade. Ils attendent le baron de Chalmazel qui rentre en son logis. Soudain, des coups de feu éclatent et un laquais du seigneur de Chalmazel s'écroule mortellement blessé. Le baron ne dut son salut qu'à la fuite, quoique poursuivi par les spadassins, l'épée à  la main. Christophe de Magnieu porte plainte au Lieutenant criminel de Montbrison qui décide la prise de corps des quatre valets assassins. Mais pendant ce temps, le marquis du Palais est allé chercher du renfort en Auvergne chez ses beaux-parents, les Beaufort. Et quand l'huissier de justice envoyé par Montbrison arrive au Palais accompagné de six hommes, ce sont plus de cinquante hommes qui se jettent sur eux et les jettent aux champs. Les malheureux, aux yeux de leurs agresseurs, n'avaient pas assez reçu. Sur ordre du marquis, les portes de Feurs leur furent fermées et ils durent aller chercher un abri à  Saint-Martin-de-Lestra. Mieux encore, Gilbert, le fils du marquis part vers l'auberge à  la tête de trente hommes. C'est le carnage. Trois des hommes de justice sont massacrés, deux autres sautent par les fenêtres et se sauvent. Le 6ème et l'huissier sont emmenés au château du Palais et fouettés jusqu'au sang avant d'être relâchés !

Tous ces meurtres firent grand bruit à  l'époque mais il fallut attendre les Grands Jours de Clermont (ou d'Auvergne) pour que justice soit rendue en 1666 ! Gilbert du Palais fut condamné à  avoir la tête tranchée mais prit la fuite. Quatre de ses sbires furent condamnés à  être rompus vifs. La sentence fut-elle exécutée ou prirent-ils la fuite ? On ne sait. En tout cas le château du Palais fut rasé, les biens du marquis confisqués, les arbres coupés et le maître des lieux exécuté en effigie. Au bout du compte, Gilbert de Rivoire s'éteignit en 1683. Rétabli dans ses droits, il fut les dix dernières années de sa vie, le représentant de la justice dans le mandement de son marquisat ( !)

L'émeute de 1735 à  Saint-Etienne

Cette affaire, quant à  elle, illustre une pratique étonnante : l'exécution en effigie qui fait suite à  une condamnation par contumace.

Mais commençons par le début. Saint-Etienne, le 11 octobre 1735, une " émotion populaire " secoue la cité entre les neuf et dix heures du matin. L'affaire se passe devant le Poids de ville (pour la farine) où se forme un attroupement de citadins mécontent du prix des denrées. Des femmes en particulier accusent le marchand Valladier et sa femme d'être la cause de la disette qui frappe la ville en spéculant sur le prix de la farine. L'affaire s'envenime, des pierres sont jetées sur les portes et fenêtres de la maison des époux Valladier à Tarentaize aux cris de " usuriers de vin, blé et farine ! Voleurs qui mettez les gens à  la mendicité et au désespoir !"

Les portes sont enfoncées, la populace s'engouffre dans l'habitation qui est pillée. Les échevins de la ville, Dubouchet, Vinant et Fournel sont avertis de " l'émotion " et donnent l'ordre à  la milice bourgeoise d'intervenir. Voilà  résumée très brièvement l'émeute de 1735. S'ensuivit un procès contre 29 accusés dont seulement six sont aux mains de la justice : Jean Royet dit " Longs Yeux ", Benoît Boiron dit " Jean de La Caton ", Mathieu Lafay, Marcelline Faure, femme de Jacques Montmain, Marguerite Trossieu, femme de Laurent Sabot et Antoinette Brun. 21 accusés absents sont jugés par contumace, parmi eux un certain Jean le Bossu, bedeau de la Grand'église, c'est à dire un employé laïque de l'église, les trois frères Robert, le grand homme surnommé Mandran, la femme d'un certain Berthéas, Joseph Blachon...

Deux autres sont ajournés en personne et seront appelés ultérieurement sur citation.

Le jugement fut prononcé le 16 avril 1736. Sept accusés sont condamnés à  la pendaison dont les frères Robert et le bedeau le Bossu. Tous les sept ne sont pas présents, condamnés par contumace et sont exécutés en effigie, c'est à  dire que ce sont des mannequins les représentant symboliquement qui se balancent au bout d'une corde sur le Pré de la Foire le 28 avril 1736 ! Mais par la suite les frères Robert arrêtés à  Lyon furent " élargis " c'est à  dire acquittés.

Deux autres sont condamnés par contumace à  servir à  perpétuité sur les galères du roi.

Jean Royet dit " Long Yeux " par contre n'échappa pas à  sa peine. Il fut condamné à  être marqué au fer rouge des lettres GAL et à  neuf années sur les galères.

Antoinette Brun fut condamnée au carcan trois jours de marché consécutifs et à  porter l'écriteau " séditieuse et perturbatrice publique ".

Marcelline Faure fut bannie de la Généralité de Lyon pendant une année (depuis l'annexion du Forez par la couronne de France en 1531, le pays fait partie de la Généralité de Lyon).

Marguerite Trossieu est bannie pour trois années.

Mathieu Lafay est acquitté de même que Benoît Boiron dit " Jean de la Caton ".

Tous les autres accusés sont condamnés par contumace à  diverses peines de bannissement.

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Une condamnation à  mort à  Cervières sous Louis XV

C'est le titre d'un article fort intéressant, publié en 1969 dans un bulletin de la Diana, société d'histoire et d'archéologie de la Loire. Cet exemple nous montre que la justice pouvait tout à  la fois avoir la main lourde et se montrer " clémente ". Les évènements se déroulent donc dans les Monts du Forez en l'an 1749. Une bande de trois voleurs sévit dans les environs de Cervières sous le commandement d'un forgeron: d'Antoine Bernard dit " Le Doigt ". Leurs larcins ? Trois brebis par-ci, quatre brebis par-là . Dénoncés et poursuivis, ils sont emprisonnés à  la prison de Cervière. Le procès s'ouvre en 1750 et les accusés n'avouent qu'une partie de leurs méfaits. Le 19 juin, ils s'évadent avec la complicité du geôlier mais sont aussitôt repris et c'est sans doute leur tentative d'évasion qui leur coûta cher. Le 12 octobre 1750, Antoine Bernard est condamné à  mort. Il doit être pendu sur la place du village. Son corps y restera 24 heures puis exposé sur une fourche patibulaire sur le chemin de Thiers. Les deux complices sont condamnés, l'un à  neuf ans et l'autre à  trois ans à  servir sur les galères du roi. Le gardien s'en tirait à  bon compte avec un mois de prison.

Les condamnés font appel et le procureur les entend. Leur peine est réduite. Bernard est condamné à  être " flétri " c'est à  dire à  être marqué au fer rouge sur les deux épaules, en place publique de Cervières, puis il sera "mené et conduit au gouverneur de la prison du Roy à  Paris, pour être en icelle détenu et servir ensuite le dit seigneur Roy comme forçat en galère (sic) pendant l'espace de trois années." Le registre des chiourmes (les équipages des galères royales) de Toulon mentionnent son nom à  la date du 12 juin 1732. En revanche on ne sait s'il a survécu à  la cadence infernale imposée aux galériens, et si oui quand il fut libéré. Quant à  ses deux complices, des voleurs de brebis, rappelons-le, nul ne sait ce qu'il advint d'eux.

La triste histoire de Jean Clozet

C'est encore Jean Gabriel qui nous la raconte. Le 6 août 1603, à  l'aube, place Grenette à  Saint-Etienne, un gibet attend son homme. Le condamné est Jean Clozet, un jeune homme qui au cours d'une dispute a jeté son père par la fenêtre. La victime n'est pas morte mais reste estropiée.

Le condamné encadré par deux gardes arrive devant l'instrument du supplice. Un prêtre lui présente un crucifix sur lesquel il dépose un baiser. Un soldat bat son tambour à  rythme lent tandis qu'il monte sur l'escabeau. D'un geste brusque, le bourreau renverse l'escabeau et la corde se tend. Quelques soubresauts encore et c'est fini. Pour être sûr, le bourreau s'accroche aux reins du pendu puis demande s'il y a quelqu'un de la famille parmi la foule. Un oncle se présente. Il peut emmener le corps qu'il dépose chez lui. Et là , stupeur, Jean Clozet n'est pas mort ! La famille décide de garder le silence sur cette " résurrection " imprévue. Mais au bout de quelques jours, les voisins du quartier s'interrogent : comment se fait-il que le corps du supplicié n'ait pas été porté en terre par sa famille ? Les rumeurs et les médisances viennent aux oreilles des magistrats qui décident une enquête. Deux soldats viennent frapper à  la porte de la maison. La famille terrifiée leur ouvre la porte et les mène vers le lit où Jean Clozet " repose " sous un linceul blanc. Hélas, le soldat est méfiant et découvre le fin mot du mystère : le pendu est vivant et, sans se poser de questions, ils l'emmènent, malgré les supplications des parents.

Les juges eux, par contre, sont bien emmerdés. Que faut-il faire ? D'autant plus que le curé de la Grand'église s'en mêle, qui voit dans cette histoire le " doigt de Dieu " : "Vous voyez que le ciel n'a pas voulu que cet homme périsse. Ecoutez la voix de Dieu qui vous invite à  lui faire grâce !"

Toute la ville est au courant et s'agite: " les hommes n'ont pas le droit de reprendre ce que la mort a rendu ! " Qu'à  cela ne tienne, les juges consultent la sénéchaussée de Lyon et c'est le lieutenant-général Chapuis qui débarque à  Saint-Etienne. Pour lui, il n'y a pas lieu de faire tout ce foin, la justice avait condamné le nommé Clozet à  mort, donc le nommé Clozet doit mourir. Et rapidement il fut rependu et bien pendu. La mort cette foi accepta l'offrande. *

* On peut se demander si Jean Clozet aurait subi le même sort si l'affaire s'était passée plus loin dans le temps, au Moyen Age. Faut-il voir dans Chapuis un formaliste obtu, loin de la naïveté supposée du sens du merveilleux de l'homme médiéval ?

Où l'animal a le premier rôle

Les procès d'animaux constituent une de ces bizarreries de l'ancienne justice que nos cerveaux soit disant modernes ont bien du mal à  digérer. Ces animaux étaient accusés le plus souvent d'avoir tué des êtres humain, d'avoir entretenu des relations contre nature avec des hommes ou des femmes, ou bien encore de s'être rendu responsables de sorcelleries (un coq qui pond un oeuf par exemple). Les exemples ne manquent pas :

1466, arrêt du Parlement de Paris, trois truies sont pendues avec un homme ; 1474, à  Bâle en Suisse, un coq est condamné au bûcher pour avoir pondu un oeuf ; 1546, c'est une vache qui est condamnée à  mort à  Paris ; 1565, un mulet est brûlé vif avec un homme à  Montpellier ; l'affaire la plus célèbre est sans doute celle de cette truie de Falaise qui a tué un enfant. Elle fut condamnée à  être mutilée aux jambes et à  la tête (groin sectionné) et la truie fut exécutée en place publique, revêtue d'habits d'hommes. Je ne pensais pas trouver un cas forézien semblable dans mes lectures, mais en voici une, assez classique au demeurant : en 1314 sur le mandement du Fay (Saint-Christo-en- Jarez) une truie fut pendue aux fourches pour avoir causé la mort d'un enfant.

Nous devons mettre à  part cette coutume locale de Saint-Chamond qui avait les chats pour victimes. Il ne s'agit pas à  proprement parler d'une sentence de justice mais plutôt d'un rite où les matous tiennent le rôle de victime expiatoire. Le Moyen Age avait pour habitude de ranger les animaux dans deux catégories : celle du Bon Dieu et celle du Démon. L'Hirondelle et le chien pour Dieu, la chauve-souris et le chat pour le diable etc. C'est James Condamin qui l'évoque en 1890 dans son Histoire de Saint-Chamond. Chaque année jusqu'à  la révolution, pour la Saint-Jean-Baptiste, les chanoines de la ville élevaient et bénissaient un immense bucher. Sa base était faite d'énormes blocs de charbon et en son centre s'élevait un grand tronc en haut duquel était suspendu un chat. Si le feu consumait le malheureux animal, le démon était indéniablement purifié par les flammes. S'il parvenait par miracle (ou sortilège ?) à  défaire ses liens et à  fuir, les chanoines concluaient à  la fuite du démon. Dans un cas comme dans l'autre, aucun présage sinistre ne devait ternir la joie populaire. Mais, nous dit l'auteur, la population préférait de loin que le pauvre chat s'enfuisse sain et sauf, c'était alors une course éperdue à  sa poursuite. D'où le surnom de " courre- à -miaou " (couramiauds) donné aux habitants de la ville.

Les seigneurs de Saint-Priest

Toute l'histoire communale de Saint-Etienne fut marquée par la lutte séculaire de ses habitants pour s'affranchir de la tutelle des seigneurs de Saint-Priest, qui avaient reçu leur fief des comtes de Forez et avec lui Saint-Etienne, alors un village. Citons ces mots tirés du site des Amis du Vieux Saint-Etienne : "Cet énorme malentendu ( entre les Stéphanois et les seigneurs de Saint-Priest, ndlr) aboutira à  la condamnation par la cour des Grands-Jours* d'un seigneur au motif inouï pour l'époque, "qu'il empêche les habitants de la ville de vaquer à  leurs affaires. Cette situation perdurera même après 1789. Elle engendre une succession fâcheuse de non dits, véritables pièces imbriquées d'un puzzle fatal qui retarde d'autant son rôle de capitale industrielle."

* Les Grands-Jours : une sorte de tribunal d'exception déléguée par le pouvoir royal pour réfreiner les excès des seigneurs et du même coup affermir l'autorité du roi. Les prêtres devaient rédiger des cahiers de doléances dans lesquels étaient consignés les plaintes, les abus de pouvoir, les violences impunies... L'idée était belle mais son action fut limitée (ndlr).

Deux affaires célèbres ont eu pour vedettes les fiers seigneurs de Saint-Priest. D'abord celle du double meurtre commis par Aymar (ou Aimar) d'Urgel de Saint-Priest en 1584, puis, en 1667, celle de son descendant, le brigand Gilbert de Chalus.

-Aymar :

A l'origine de l'affaire, il y eut un banal conflit de propriété qui opposa les seigneurs de Saint-Priest et les Augerolles, seigneurs de Roche-le-Molière et de Saint-Genest-Lerpt. En 1584, les deux parties se firent face sur la terre disputée. D'un côté, Aymar de Saint-Priest et son neveu Pierre, suivis de quelques écuyers, et de l'autre Antoine d'Augerolles et son fils Jehan, escortés de quelques hommes. Provocations, insultes, les quatre hommes sortirent leurs épées et engagèrent le duel. Les deux Augerolles restèrent à  terre, morts. Le tribunal siégea le 5 mai de la même année et condamna Aymar de Saint-Priest, seigneur de Saint-Etienne et autres lieux à  la peine de mort. Son épouse, Catherine de Polignac, s'en alla plaider sa cause devant le roi de France Henri III qui lui accorda sa grâce, au grand désespoir de la veuve de la victime. Le bonheur des uns... En contrepartie, il fut décidé que toutes les dimes perçues dans les domaines et villes de la seigneurie d'Urgel seraient désormais versées à  la seigneurie d'Augerolles. Tous les descendants d'Aymar et de Catherine d'Urgel de Saint-Priest durent en supporter le poids. Le seigneur de Saint-Priest avait sauvé sa tête mais à  quel prix, cette affaire marqua en fait le début du déclin des deux familles.

Gilbert de Chalus, seigneur de Saint-Priest et brigand était à  la tête d'une véritable bande d'une quinzaine de hors-la-lois. Il y avait " Le borgne " et " le Ministrande " mais aussi un jeune italien de Turin, des femmes et même un prêtre de la Grand'église, l'abbé Chavanne. Surnommé " Chalus le cruel " par ses paysans qu'il brutalisait et spoliait, une légende dit que le 14 janvier 1665, son effigie fut brûlée et que, par la grâce de Dieu, c'est son château qui au même moment flamba ! En 1667, une plainte fut déposée contre le sinistre seigneur et un commissaire des Grands-Jours fut délégué à  Saint-Etienne pour entendre les témoins.

Un certain Léonard Besset demanda justice car en 1659 les sbires de Chalus avaient pillé sa maison. Catherine Pascal demanda justice pour le meurtre de son époux Pierre Mathoulin. Une autre plainte fut portée pour fabrication de fausse monnaie. Il ne manquait pas d'air notre Gilbert ! Il avait pour ce-faire trois spécialistes à  son service: les Noyary qui déposèrent contre lui. Le 30 avril 1667, Gilbert de Chalus fut condamné à  avoir la tête tranchée sur le Pré de la Foire de Saint-Etienne. Ses complices selon leur responsabilité dans les méfaits reprochés furent condamnés à  la pendaison ou aux galères. Mais tous avaient pris la poudre d'escampette. Devant le mécontentement de la populace, qui voulait voir son bourreau occis par la main de la justice, les juges décidèrent de faire décapiter un mannequin revêtu des habits du seigneur ( !) et agrémenté d'une pancarte indiquant : " Gilbert de Chalus Tyran et Despote ". L'exécution en effigie eut lieu mais la foule fut-elle contente ?. Que devint le seigneur brigand ? Jean Gabriel dans son livre déjà  cité, nous dit qu'il vécut en secret, venant parfois à  Saint-Etienne où il finit ses jours en 1682. Après avoir détruit par le feu ce qui restait de son château, afin que nul n'y vive jamais plus après lui..

Le grand siècle des malandrins

Le XVIIIe siècle des brigands plus ou moins bien-aimés a été popularisé par le cinéma de cape et d'épée. Le plus célèbres de ces hors-la-lois fut sans doute Mandrin le Savoyard qui honora plusieurs le Forez de sa visite, lors de chevauchées fantastiques entre Auvergne et Dauphiné. Ses escales sont restées dans les mémoires locales. Ennemi juré des fermiers généraux qui prélevaient l'impôt en se sucrant au passage et des soldats du roi qu'il humilia plus d'une fois, ce contrebandier chanté par le petit peuple finit ses jours à  Valence, les os rompus sur la roue du supplice.

D'autres bandes, d'autres brigands et coupe-jarrets ont foulé notre " doulce terre " et tous ne jouirent pas, loin s'en faut, de l'aura de Mandrin. Ainsi ce Mathieu Paturel, habitant de Saint-Chamond, fabricant de chapelets qui s'était fait, avec sa bande, une spécialité d'agresser et de détrousser les dévots du Puy-en-Velay ! Il fut pris en 1777. Ou cet Antoine Daudé, dit " cotonnade " car il transportait régulièrement du coton vers Saint-Etienne. Dans les années 1720, il tenait une auberge à  Saint-Romain-le-Désert en Ardèche, l'auberge du Pont-de-Mars où il était plus facile d'entrer que de sortir. Une auberge sanglante préfigurant la célébrissime auberge de Peyrebeille.

La bande des Breyssous menée par Bimbarade, un paysan ardéchois, tint ses quartiers d'hiver à  Saint-Etienne en 1728. A la Mulatière, pour être précis, et ce choix ne devait rien au hasard. Le quartier était comme son nom l'indique, le lieu d'escale des convois des muletiers vers le Pilat, Saint-Chamond et l'Ardèche. La grande route de la contrebande et des trafics aussi et pour longtemps. Les "Chevaliers du poignard" de la contre-révolution s'en souviendront dans les années 1790. Mais pour l'heure, la plupart des Breyssous, une trentaine d'individus originaires du Vivarais ou du Dauphiné, étaient moitié camisards, moitié sans foi ni loi. Pourchassés par les soldats depuis belle lurette, ce n'est pas sans un soupir de soulagement que les Gagas les virent déguerpir en direction des forêts ardéchoises. Leur fin fut classique : les galères pour les uns, la corde pour d'autres. Bimbarade quant à  lui finit ses jours dans la geôle humide d'un cachot.

Une rumeur inquiétante courait dans tous les cabarets, de Saint-Etienne au Puy-en-Velay, en 1786. Une bande de moissonneurs aurait été tapie entre Saint-Chamond et Monistrol. Et leurs faucilles ne tranchaient pas les blés mais les gorges. Un fait divers sanglant semble avoir été à  l'origine de cette histoire. En 1785, un négociant, Claude Mollot fut assassiné. En étudiant la machoire tranchée, l'oreille coupée, le bas ventre ouvert, le chirurgien supposa que l'arme du crime était une faucille. Une faucille ? Voilà  qui tombait à  pic puisque des témoins affirmaient avoir aperçu la victime cheminant avec des saisonniers. Les soldats arrêtèrent un certain Jean Bocher. Le 13 février 1788, Jean Bocher fut condamné à  la " galère perpétuelle " (à  vie), marquée au fer rouge (" GAL ") et expédié vers Marseille. Sauf que Jean Bocher clama jusqu'au bout son innocence...

La croix de l'homme mort

Le col de la Croix de l'homme mort, sur la commune de Gumières, doit son nom au meurtre d'un négociant, Thomas Richard en 1795. La croix du même nom marque le lieu du crime et porte cette inscription: "Ici fut assassiné, le 14 avril 1795, Thomas Richard, fabricant de papier à  la Forie."

Le dernier des mandrins

Plus proche dans le temps, en 1924, un inconnu abat au fusil un vieux cultivateur de la commune de Pélussin, dépouille sa veuve et met le feu à  leur maison. La psychose s'en mêle et s'emmêle. Dans l'imagination des gens se culbutent les règlements de compte de la révolution et les grandes peurs des routiers de la guerre de cent ans. Une porte qui claque ? C'est la " bande du Pilat " ! En vérité, il n'y eut qu'un " bandit du Pilat ", il se nommait Joseph Gérin et après des mois d'errance dans le Pilat, il fut arrêté début 1925 au péage-de-Roussillon. En 1926, l'auteur du crime de Pélussin fut condamné à  Montbrison aux travaux forcés à  perpétuité. Habitué comme Bimbarade au grand air des montagnes et à  l'odeur des forêts, il s'éteignit en prison le 13 juillet 1926.

Politique, religion et justice

Guerres de religion : voilà  un mélange détonnant. Notre sujet débute pendant les guerres de religion. Une fois Montbrison investie par les troupes protestantes du baron des Adrets il ne fut pas bon être catholique. Quelque peu énervée par la criminelle résistance des habitants, la " justice " du baron fut des plus expéditives : jetés du haut du donjon sur les piques de ses soldats. Des centaines de morts. A Saint-Etienne qui subit à  deux reprises l'occupation huguenote, il ne fut pas bon être protestant dans les années 1590. Le curé Harenc prêchait le feu jusqu'à  ce que le jeune Pierre Desjames ne le poignarde le 2 mars 1597. Quel fut le sort réservé à  Desjames ? Nous n'en savons rien, en tout cas le jeune Nesme s'en tira bien grâce aux sous de son paternel. En 1595, il profana la croix du Pré de la Foire, crime terrible en ces temps de dévotion. Il est logiquement condamné à  mort mais son père Jean Nesme rachète sa faute en faisant élever à  la place la plus grande croix du royaume (dix mètres) jusqu'en 1711.

De tout temps, et selon les mentalités, l'appartenance religieuse, politique voir raciale, a pu sembler criminelle aux yeux de la justice. Cette justice, on peut la juger tantôt franchement scélérate (selon nos propres critères) ou pour le moins soumise à  la conjoncture du moment. Le panel est assez large et c'est plutôt commode pour meubler cet article. Alors voyageons allègrement.

La Terreur : ah ! notre bon vieux Javogues. Forézien, délégué par la Convention, il a fait fusiller nombre de ses compatriotes à  Feurs pendant la Terreur. Leurs crimes étaient divers et monstrueux, par exemple, être prêtre ou pire encore, être prêtre et ne pas avoir prêté serment à  la Constitution civile du clergé. Remarquez que dans un cas comme dans l'autre le résultat était le même : la fusillade ou la guillotine. Evoquons au passage la figure du chanoine Bruyère qui à  Feurs embrassa la guillotine et dit au bourreau : " Mon ami c'est le plus beau jour de ma vie ! " . On peut se demander ce que pensa le bourreau Faroux (de père en fils) qui actionna le mécanisme. Un autre crime impardonnable : pleurer en apprenant la mort du roi Louis XVI ! C'est ce qui coûta la vie, semble-t-il, à  une dame de Boen-sur-Lignon et à  sa fille. Thémis revient, ils sont devenus fous ! Finalement, elle est venue dame Thémis et notre grand inquisiteur jacobin finit sous les balles d'un peloton parisien. Personne n'a pleuré sa mort, lui vivant nous serions tous morts, comme dit la formule...

En rouge et noir. A partir des années 1870, la République eut fort à  faire. Coincée si l'on peut dire entre deux feux, celui de la droite nationaliste, cléricale et antisémite et l'extrême gauche prolétarienne, socialiste ou anarchiste. On se souviendra que le 16 juin 1869, la compagnie d'infanterie du capitaine Gausserand avait fauché d'une rafale à  La Ricamarie, une quinzaine de personnes, dont une petite fille de 16 mois: Marguerite Basson. Il s'agit de la fusillade du Brûlé qui inspira Zola et Aragon. Le capitaine Gausserand fut décoré de la Légion d'Honneur le 14 août 1869 et 72 mineurs dont Michel Rondet furent condamnés à  des peines allant de 15 jours à  15 mois d'emprisonnement ! Justice ?

Toujours est-il qu'on ne doit pas être surpris qu'en 1871, et pour faire pendant à  Paris, le drapeau rouge de la Commune ait flotté sur l' Hôtel de Ville. Mais l'aventure qui coûta la vie au préfet de L'Espée, dura peu et une cinquantaine d' insurgés furent jugés, non pas dans la Loire, de crainte que les jurés ne soient partiales, mais devant la cour d'assises du Puy-de-Dôme. Le procès dura vingt et un jours et 126 témoins furent entendus. Chastel, Johannès Caton, journaliste, l'Italien Machetti, Tamet et Thibaudier, ces deux derniers, accusés d'être affiliés à  l'Internationale, furent condamnés à  la déportation dans une enceinte fortifiée. Amouroux, un jeune ouvrier chapelier, quatorze fois condamné sous l'Empire, et proscrit, fût condamné de même à  la déportation dans une enceinte fortifiée. Certains des condamnés furent déportés en Nouvelle-Calédonie.

Tout comme le fut Louise Michel, la " Vierge rouge " qui entretint avec certains militants stéphanois une correspondance suivie. D'ailleurs, plus tard elle vint à  Saint-Etienne prêcher la révolution et enflammer les foules. C'est après un de ses meetings stéphanois qu'elle fut arrêtée et enfermée dans un asile. Parmi ceux qui l'auraient entendu parler, un certain Ravachol... De nombreux autres militants subirent le contrecoup de leur engagement, par exemple Marcel Thibaud, du PCF, arrêté en 1924 et en 1927, blessé en 1933, déporté au bagne en Algérie en 1940 sous Vichy. Il fut élu député en 56. Ou bien encore Benoît Malon, natif de Précieux, non loin de Montbrison, un des chefs de l'Internationale, membre de la commune de Paris de 1871 et fondateur de La Revue socialiste qui échappa à  l'épée de la justice en s'exilant en Suisse puis en Italie.

Le regard du Croisé montbrisonnais sur deux affaires : ce journal était foncièrement anti-dreyfusard, antisémite, catholique nationaliste et anglophobe. Sa page de garde arborait le Christ drapé dans le drapeau national ! Dans ses éditions de janvier et mars 1902, il évoque deux affaires judiciaires dans l'air du temps, celui des conflits entre cléricaux et laïcs, d'une droite nationaliste virulente face à  une gauche révolutionnaire qui n'est pas en reste. Et au milieu la république qui jongle.

- 05/01/1902, " Les sans patrie "

" Mr Vernay Benoit gérant du journal Le drapeau rouge et Roubaix Césard, rédacteur ont comparu devant la cour d'assise de la Loire. Ils étaient poursuivis pour provocations de militaires à  la désobéissance aux ordres de leurs chefs et pour excitation au vol et au pillage par la voix de la presse. Le siège du ministère public était occupé par Mr Roger procureur de la République. Les deux ont été reconnus coupables avec circonstances atténuantes et condamnés à  1 mois de prison et 1000 Francs d'amende."

- 9/03/1902, " Procès des petites soeurs de l'Assomption de la rue Ferdinand "

Traduites en justice à  Saint-Etienne sur ordre du ministère pour ne pas avoir demandé l'autorisation de poursuivre leurs oeuvres de charité. Les petites soeurs ont secouru 1672 adultes malades et 1709 enfants, ont fait légitimer 579 enfants et régulariser plusieurs centaines d'unions. Leur action équivalait à  50 lits d'hôpital. Une pétition en leur faveur recueillit 30 186 signatures. Elles furent acquittées et acclamées par 2000 sympathisants à  leur sortie du tribunal. C'est la première fois depuis la Révolution que des soeurs étaient traduites en justice.

Montbrison, capitale judiciaire du Forez

Si la préfecture du département déménagea à  Saint-Etienne en 1856, Montbrison garda néanmoins sa cour d'assises jusqu'en 1966. Le rôle judiciaire de la ville était ancien. Son premier palais de justice fut créé par les ducs de Bourbon en 1395. Siège du bailli qui déléguait son pouvoir judiciaire à  un " juge de Forez " nommé plus tard " Lieutenant général ", elle donna de grands noms dans le domaine de la justice. Jean Papon que nous avons déjà  rencontré, " le grand juge de Forez ", lieutenant général du bailli de Forez (Claude d'Urfé) au XVIe siècle. Mais aussi Claude Henrys, avocat du roi au XVIIe siècle, consulté par de grands personnages du royaume. Inhumé dans Notre-Dame son épitaphe honore sa mémoire et ses talents : "Ici repose qui ne se reposa jamais pour le bien public, Claude Henrys, Montbrisonnais, avocat du roi en la cour ségusienne, homme simple et craignant Dieu, l'oracle de Thémis."

Dans les années 1630, un édit du roi Louis XIII créa à  Montbrison un " Présidial ", un tribunal civil et criminel jugeant en première instance, supprimé en 1648. Le siège de la justice n'en garda pas moins 26 magistrats. Et si Roanne et Saint-Etienne eurent par la suite leurs sénéchaussées, celles-ci restaient soumises à  l'autorité montbrisonnaise. Sauf erreur et si on en crois un article peu clair de Johannès Merlat dans La région illustrée, la dernière exécution capitale à  Saint-Etienne eut lieu vers les années 1780-1790. A Montbrison, c'est en 1948 que la peine de mort fut appliquée pour la dernière fois.

Les procès d'assises se déroulaient quatre fois par an dans l'ancienne chapelle du couvent de la Visitation, transformée en palais de justice en 1795. Marguerite Fournier a superbement décrite l'ambiance des procès d'assises dans un n° spécial de Villages de Forez. Les avocats Le Griel, de Fraissinette (futur maire de Saint-Etienne ?), Nodoji, un noir qui, écrit-elle, " s'exprimait dans un langage si châtié que ses plaidoiries devenaient des morceaux de littérature ", Simone Levaillant, israélite déportée pendant l'Occupation, les journalistes et chroniqueurs judiciaires, etc.

Parmi toutes les affaires qui furent jugées par le tribunal montbrisonnais, deux en particulier, plus anciennes, sont restés célèbres dans tout le pays. D'abord le procès des compagnons de la Duchesse de Berry en 1833. Celle-ci avait soulevé une nouvelle fois la Vendée en faveur de son fils, héritier légitime du trône de France. Les accusés : MM. de Saint-Priest (duc d'Almazan), de Kergorlay père, de Mesnars, de Kergorlay fils, de Bourmont fils, Sala, de Lachau, de Bermond, de Candolle, Laget de Podio, Esig, Ganail, Mlle Lebeschu, et divers accusés absents. A cette occasion, Alexis de Tocqueville plaida et c'est une des rares fois qu'il fit valoir sa qualité d'avocat.

L'autre grande affaire fut le procès de l'anarchiste François Koenigstein, dit Ravachol, en 1892. L'histoire de cet activiste originaire de Saint-Chamond qui fit exploser quelques bombes à  Paris est trop connue pour qu'on la réécrive ici. Cependant, il faut rappeler que ce n'est pas pour ses attentats qu'il fut condamné à  mort mais pour le meurtre de Brunel, l'ermite de Chambles qu'il assassina à  Notre-Dame-de-Grâce pour lui dérober son magot. On connaît sa fin. Ce qui est moins connu en revanche, c'est que la loi prévoyait que l'exécution soit effectuée en place publique. Hors depuis quelques temps, de folles rumeurs venaient de Saint-Etienne qui annonçaient un coup d'éclat des anarchistes stéphanois, une tentative de libération. Pour éviter tout risque, les autorités décidèrent de l'exécuter à  deux pas de la prison sur un bout de rue rebaptisée pour quelques instants " Place publique ".

Il y eut ensuite une multitude d'autres affaires tragiques. Le bal du crime: l' affaire Renée Cusset, une stéphanoise de seize ans, meurtrière de sa grand-mère à  qui elle porta 17 coups de couteau. Condamnée aux travaux forcés à  perpétuité, elle s'éteignit en prison à  Montpellier. Un crime commis par Jean-Baptiste Carret, habitant d'Usson-en- Forez, 69 ans. En 1949, il abat son fils Antoine qu'il déteste d'une décharge de fusil. Condamné à  la réclusion à  perpétuité. La dernière exécution en place publique à  Montbrison eut lieu en 1932. Sur l'échafaud monta Antoine Martin, condamné à  mort pour le meurtre de son propre frère Jean-Claude. Ce dernier, habitant à  Maclas (dans le Pilat) fut saigné " comme un cochon " alors qu'il dormait et son corps fut jeté dans la cheminée. Et tout ça avec la complicité de l'épouse de Jean-Claude Martin, laquelle fut condamnée aux travaux forcés à  perpétuité ! Dès lors, les exécutions se passèrent à  huis clos, dans la cour de la prison. Les deux dernières eurent lieu le 10 février 1948. Deux ouvriers agricoles espagnoles, Lorente Luis dit " Turrau ", 38 ans, et Rodriguez Antonio, 28 ans, avaient été condamné à  mort pour le double meurtre à  la hache et au croc à  fumier de M. et Mme Vallat, des paysans octogénaires de Marols, dans les Monts du Forez.

On ne sait pas faire les conclusions

Pour finir notre notre modeste exposé sur une note plus gaie, après ce déluge de violence, voici une petite histoire citée dans un bulletin des Amis du Vieux Saint-Etienne. Elle a été racontée par Antoine Puillet, journaliste à  La Loire Républicaine pendant de nombreuses années. Au cours d'une audience au tribunal de Saint-Etienne, le président demanda s'il y avait dans la salle quelqu'un pouvant traduire les débats en polonais. "On vit s'avancer à  la barre, un brave type, qui après avoir décliné son identité, jura de traduire fidèlement les habituelles questions et réponses. " Voulez-vous inviter l'inculpé à  dire son nom ? " sollicita le Président. L'interprète, se tournant aussitôt vers l'inculpé : " Comment tu t'appelles gros ? " Rire général. " Mais vous ne savez pas le polonais ", reprit le Président. " Le polonais ? Y'a erreur. J'avais compris qu'on demandait s'il n'y avait pas quelqu'un de Polignais dans la salle."

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"La justice est la première et principale colonne de toutes les républiques. Et si elle est exercée comme il faut, si, avec raison et juste balance, saintement et de droit, elle procède sans acceptation de personnes, sans avarice, faveur, grâce, haine et ambition, les gouvernements sont conservés et augmentés et les sujets tenus en tranquillité." Jean Papon

"Homo Homini Monstrum"

"L'homme est un monstre pour l'homme"
Devise de Jean Papon

Bibliographie:

Histoire de Saint-Chamond par James Condamin, 1890

L'Histoire communale de Saint-Etienne par J.B. Galley, imprimerie Urbain Balay-Saint-Etienne 1893

Le Croisé montbrisonnais, journal, 1902

Journal de 1922 (La Loire Républicaine ?) " L'émeute de 1735 " par J.B. Galley

Le régime féodal dans le pays de Saint-Etienne de J.B. Galley, imprimerie de la Loire républicaine, Saint-Etienne, 1927

La Région illustrée, 1929 et la Région illustrée n°8 (années 30 ?)

La Loire Républicaine, journal du ( ?) mars 1934, " Conférence de l'Abbé Dorna du 23 février 1934: voyage à  Saint-Etienne de Furan en 1734 "

Cavalcade stéphanoise, de Jean Gabriel, Imprimerie moderne Andrézieux, 1959

Bulletin de la Diana n°2 Tome XXXVII, 1961

Bulletin des Amis du Vieux Saint-Etienne, n° 61, 1966

Bulletin de la Diana n° 4 Tome XLI, 1969

Le Chêne et le Dauphin de C. Gabriel Richard, éditions Horvath (année ?)

Avec les brigands et bandits de grands chemins en Loire, Haute-Loire et Ardèche, Jean Peyrard, Le Hénaff éditeur 1981

La révolution dans la Loire, Colette Canty et Jean Berthéas, Horvath 1988

Le Moyen Age en Occident, M. Balard, J.-PH. Genet, M. Rouche, Hachette 1990

La vie à  Saint-Just-St-Rambert de 1789 à  1799, publication des Amis du Vieux Saint-Rambert, 1990

Marguerite Fournier raconte, Village de Forez 1993

Les Hauts des Monts du Forez, de Noirétable à  Gumières, D. Brunel, H. Houdoy et L. Tissier dans la collection " Mémoire en images", mai 2000

Montbrison, coeur du Forez de Marguerite Fournier, IPM Montbrison, 2001

Montarcher, sommet du Forez (auteur ?)

Les chemins secrets du Pilat (?), Patrick Berlier

Le sentier du mineur, édité par la ville de La Ricamarie