Dans un précédent article, nous avons évoqué la Fête de la Jeunesse scolaire de Saint-Etienne organisée les 23 et 24 mai 1942 par l'Ufolep. Dans le cadre des Critériums nationaux d'Education physique, elle réunit pas moins d'une trentaine de sociétés masculines et féminines, venues de nombreux départements. Elle revint en 1946 pour devenir une tradition, presque chaque année, jusqu'en 1969. Roger-Louis Tardieu, un des fondateurs du Théâtre des trois coups, a vécu de très près ces grands rassemblements festifs à  la gloire de l'Ecole laïque, marqués par un grand défilé en centre-ville et qui faisait la part belle au folklore. Ce sont ses papiers que nous consultons pour écrire cet article. Les photos qui l'illustrent sont extraites d'un film du cinéaste André Picon et M. Tardieu.

 

Photo/FI

 

Le stade de l'Etivallière accueillit les sociétés sportives le 16 juin 1946. La Fête de la Jeunesse se déroula le 30 avec un grand défilé qui s'étira de l'hôtel de ville jusqu'au Vélodrome. Le cortège devait emprunter, au fil des années, des itinéraires différents. Ainsi en 1947 entre l'Hôtel de ville et Fourneyron. En 1948, le Vélodrome accueillit à  nouveau la fête de l'Ufolep, le 21 mars, et la fête de la jeunesse le 20 juin avec des groupes folkloriques venus de Bretagne, du Nord et de Bresse. En 1949, elle fut organisée à  l'Ascension. Le cortège défila le jeudi après-midi des Ursules au Vélodrome où se produisirent des farandoleurs de Nîmes, une troupe basque et les troubadours de Tarbes.

 

 

En mai 1950, elle réunit 2000 enfants des écoles. La Fête est désormais organisée par le Comité des Activités nouvelles, fondé par Auguste Mounier. La direction artistique est assurée par René Lecacheur. L'Inspecteur d'Académie, M. Meyer, présente l'évènement à  la presse. Le défilé part de Chavanelle. Un grand rassemblement est également organisé sur la place de l'Hôtel de Ville. Pour la première fois, la salle des fêtes de l'Ecole Nationale Professionnelle (Etienne Mimard) accueille une soirée.

 

 

En 1951 - c'est une première - des groupes étrangers sont de la fête. Ils viennent de Suisse (Genève, Fribourg et Lausanne) pour retrouver les Stéphanois de la Chorale de l'Amicale suisse. Participent aussi l'harmonie du PLM, les accordéonistes de Saint-Etienne et la chorale de Saint-Bonnet-le-Château. L'année suivante, les groupes toulousains, auvergnats, d'Orange et les accordéonistes stéphanois assurent l'animation musicale. Certains sont déjà  des habitués comme Lou Rossigno do Lemouzi. Une première représentation, une pièce de Courteline, est donnée au Théâtre des 3 coups. En revanche aucun groupe étranger n'est présent.

 

Ils reviennent en 53, en provenance de Salzbourg. Le dimanche 7 juin, le mouvement d'ensemble des écoles primaires réunit 900 garçons et 500 filles. Participent aussi plusieurs collèges de Saint-Chamond, Saint-Etienne et Montbrison ainsi que le Centre féminin du Chambon-Feugerolles. Deux groupes ukrainiens et italiens participent en mai 1954. En 1955, une soirée est organisée le 18 mai au soir à  l'Eden. Le défilé a lieu le lendemain matin. Les groupes musicaux et folkloriques viennent de Vendée, Rodez, Arles, Belgique, Coventry et Turin.

 

En 1956, les Autrichiens de Salzbourg font leur retour, comme les Anglais de Coventry (écoliers ?) ainsi que des Hongrois et des Tchèques. " La masse de gens qui assistait au défilé des gosses dans les rues ! s'exclame encore M. Tardieu. J'ai vu la place de l'Hôtel de ville noire de monde, la foule blottie sous les parapluies pour assister aux concerts. C'était un boulot fou. On y travaillait toute l'année." De son côté, Roanne n'était pas en reste pour fêter l' Ecole laïque. Le rendez-vous était organisé à  quelques semaines d'intervalle de celle de Saint-Etienne, avec un grand défilé et un fête gymnique (au Collège de jeunes filles en 1956). Elles rencontrèrent aussi un grand succès. On relève dans un numéro de l'Action laïque, cette appréciation dithyrambique : " (...) un triomphe éclatant. Dix mille élèves, de toutes les écoles publiques de Roanne, primaires et secondaires, et les écoliers de presque toutes les communes de l'arrondissement se sont retrouvés pour cette magnifique démonstration d'unité, affirmant avec leurs maîtres et avec les sociétés amies leur attachement à  l'Ecole laique, révélant à  ceux qui voudraient en douter combien celle-ci est une grande et forte famille."

 

 

D'autres fêtes, plus modestes, virent le jour en d'autres lieux de la Loire. A Saint-Just sur Loire ou à  Saint-Paul en Jarez, quelques jours après celle de Saint-Etienne, à  l'Ecole de Plein Air dont Roger-Louis Tardieu était le directeur et qui accueillait des enfants en difficulté. Là  avait été transféré l'ancien orphelinat du Rez de La Rivière. En présence de l'Inspecteur d'Académie, M. Anglaret, et diverses personnalités, elle alterna les mouvements de gymnastique, les jeux et les démonstrations de folklore.

 

 

 

Caricatures de Pierre Zellmeyer, publiées dans la presse locale: M. Aillaud, Inspecteur de l'Enseignement primaire et président de la Commission de la Fête et M. Mounier, secrétaire général du CAN. Beaucoup d'autres pourraient être cités: MM. Tavaud, Glévarec, Chassagneux, Escoffier, Bailly, Genouel, Chazalet,...

 

En 1957, les chars des écoles maternelles font leur apparition. Au nombre de huit, nous connaissons le thème de sept d'entre eux: Jean de la Lune; "Meunier tu dors"; le nid; le bouquet; le tambour; le petit nègre; "Si tous les gars du monde". Les classes de Saint-Chamond, Saint-Etienne, Firminy, Roche-la-Molière participent. Des dessinateurs aussi dont Pierre Zellmeyer qui les fabrique au centre de Grangeneuve avec ses confrères et des peintres, mécanos et menuisiers. Ils sont montés sur des camions prêtés par la régie Renault. Les troupes et groupes français ou étrangers sont corses, finlandais et auvergnats. Pour la première fois, la salle Tardy accueille deux soirées.

 

 

En 1958, huit chars défilent depuis Villeboeuf: "Il pleut bergère"; "Ah mon beau château !"; " Trois jeunes tambours"... Tout le monde se retrouve encore au Vélodrome, pour la dernière fois. Suisses et étudiants tchèques sont de la fête. A nouveau huit chars sont construits en 59 qui mettent à  l'honneur les provinces françaises: la Bretagne, la Provence, la Savoie... Et bien sûr le pays stéphanois. Les étrangers viennent de Pologne, Yougoslavie, Tchécoslovaquie et Italie.

 

 

On retourne au stade Geoffroy-Guichard l'année suivante, le 29 mai après-midi. La veille au matin, les chorales scolaires avaient investi la salle des mutilés. Les chars ont pour thèmes les fusées, les explorateurs polaires, les musiciens,... Hongrois et Calabrais font le spectacle comme les pompiers de Saint-Etienne pour un numéro de voltige à  travers un cerceau enflammé.

 

 

 

En 1961, le spectacle des chars des maternelles devait être particulièrement joli. Sur le thème des fleurs, l'un d'entre eux est dédié aux Roses d'Ispahan. Il est surmonté d'une mosquée. D'autres avaient été baptisés "Neiges enchantées" (Beaulieu) ou encore "Gaieté flamande", avec un moulin. " Parti de Grangeneuve, il s'est couché rue Jean Huss, se souvient M. Tardieu. Ce sont des mineurs du quartier qui l'ont relevé. Il a été réparé pendant la nuit." Les groupes ? Autrichiens, Bulgares, Yougoslaves... Ces derniers furent les plus fidèles. Ils vinrent six fois à  Saint-Etienne. La Thécoslovaquie, l'Italie et la Hongrie furent représentées quatre fois entre 1956 et 1967. Les Irlandais participèrent en 1965 - "un grand souvenir" dit M. Tardieu. Les Israéliens vinrent en 1966. Les Espagnols firent la fiesta en 1964.

 

Départ avenue de la Libération le 2 juin 1962. "L'interplanétaire du poète", le drakkar et les autres chars prennent le chemin de l'Hôtel de ville. Cette édition verra pour la dernière fois la participation des chars de Pierre Zellmeyer. 15 000 élèves du Primaire, du Secondaire et des établissements techniques participent au défilé. Un gala folklorique a lieu à  l'Eden. Le lendemain, les chars défilent jusqu'au stade accompagnés par les cliques de Bizillon et Terrenoire. La grande fête sportive et folklorique débute à  15h avec les mouvements d'ensemble. L'Inspecteur d'Académie et M. Lamarque, représentant du Comité national d'action laïque, prononcent des discours.

 

Pour la réalisation des chars, Yvan Gorini prend la relève en 63, une édition marquée par un gros orage, sur le thème des fêtes et des saisons (huit chars dont "les vacances", Pâques et "la rentrée des classes"). En 1964, il mit en avant les émissions de télévision : Ivanohé; sports dimanche; la vie des animaux; la piste aux étoile... En 1965, le public assista à  un défilé de vieilles voitures et de participants en costumes d'époque. En 1966, trois chars avaient pour thème le vélo. En 1967, ce fut le feu, avec un peu d'avance et en présence des Pompiers de Paris, et deux ans plus tard le ruban. En 68, la jeunesse avait battu le pavé pour d'autres raisons.