Maurice Combe
Très rétif à l'idée d'exercer un sacerdoce traditionnel, il hésite à être ordonné prêtre. Il s'en ouvre à Maurice Montuclard qui l'invite à faire partie, à Lyon, de la communauté de la rue Pizet qu'il avait créée avec Marie Aubertin et Jeanne-Marie Allemand-Martin et connue plus tard sous le nom de Jeunesse de l'Eglise. Il est ordonné prêtre en 1941. Licencié ès Lettres, il est nommé en 1943 en qualité d'enseignant au collège de Minimes de Lyon. Il y exerce pendant trois années. Dans le même temps, il est aumônier du Lycée de jeunes filles Saint-Just de Lyon et d'un groupe de la jeunesse indépendante chrétienne féminine. En 1946, il tombe à nouveau malade. Maurice Montuclard l'invite à le rejoindre à Paris où il a implanté Jeunesse de l'Eglise.
Après quelques mois, Maurice Combe revient à Saint-Etienne où il fait la rencontre de Marie-Thérèse Isnard, la fondatrice, avec plusieurs jeunes femmes de la paroisse missionnaire Saint-Alban à Lyon, de l'Aide aux mères de famille nombreuse. Elle l'incite à poursuivre sa convalescence aux Houches, à la Flatière. C'est non loin de là , aux Gets, qu'il rencontre plusieurs membres de la Mission de Paris: Jean-Claude Poulain, Geneviève Schmitt, François Laporte, et des séminaristes de Lisieux, saisonniers à Morzine le temps d'un stage. Il prend alors la décision de "passer" au travail, refuse le poste de vicaire à Firminy auquel l'archevêque de Lyon voulait le nommer et obtient de Mgr Ancel, évêque auxiliaire, l'autorisation de faire une formation d'ajusteur au Centre de Formation Professionnelle pour Adultes de la Manufacture de Saint-Etienne. Il entre aux Forges et Ateliers de la Chaléassière (groupe Schneider) comme ouvrier P1. Il travaille à l'entretien, puis au service des compresseurs. Il vécut dès lors comme la majorité des ouvriers stéphanois célibataires, habitant sans confort dans une pièce en sous-sol d'un immeuble et prenant ses repas au café. Il se réunissait régulièrement avec les prêtres-ouvriers de la région lyonnaise et suivait attentivement les menaces qui peu à peu pesaient sur leur sacerdoce.
Lorsque Rome demanda aux prêtres-ouvriers de quitter le travail au 1er mars 1954, il prévint sa famille, dit sa dernière messe et choisit de rester à l'usine. Il alla aux rencontres de prêtres-ouvriers insoumis qui, jusqu'à la fin de 1955, tentèrent de faire comprendre à l'Eglise la signification de leur choix. A partir de 1957, il rejoignit quelques prêtres insoumis qui avaient décidé de se retrouver autour de Bernard Chauveau.
> Les Prêtres ouvriers de la Mission de France
Dans les années 30 et 40, l'Eglise avait pris conscience de son insuffisance dans les milieux ouvriers. La création de la la Confédération Française des Travailleurs Chrétiens, de l'action Catholique Ouvrière et de la Jeunesse Ouvrière Chrétienne, correspond à ce soucis. Le cardinal Suhard, qui disait « un mur sépare le monde ouvrier de l'Église, ce mur il faut l'abattre », fonde en 1941 la Mission de France qu'il installe à Lisieux. En 1954, le pape Pie XII décide de mettre fin à l'expérience des prêtres-ouvriers. Beaucoup se sont engagés dans l'action associative, syndicale et politique. Il leur ordonne de se retirer des usines. Tous n'obéissent pas...
Combe avait adhéré à la C.G.T. à la fin de l'année 1949. Actif au sein du Mouvement de la Paix, engagé contre le Franquisme, il adhère aussi à Amitié-Nature, une association de la Fédération Sportive et Gymnique du Travail. Assez rapidement, il exerce des responsabilités syndicales importantes, fait partie de plusieurs commissions, se préoccupe de l'accès à la culture pour tous. Il se lie avec Jean Dasté.
En juillet 1964, il est licencié en même temps que 600 personnes. C'était l'un des tous premiers licenciements collectifs. Il déclencha une vive émotion à Saint-Etienne. Aucune action syndicale n'obtint gain de cause. Trop connu du patronat pour retrouver du travail, Maurice Combe dut partir. Il prend alors contact avec Paul-Henri Chombart de Lauwe, rencontré à Jeunesse de l'Eglise, qui lui propose de publier une thèse à l'Ecole pratique des Hautes Etudes, relative au Comité central d'entreprise de Schneider dont il avait été le secrétaire pendant dix ans. Il la soutint en 1969. Elle fut publiée sous le titre "l'Alibi". Cette même année, il fonde avec Marie-Paule Ziegler un groupe de sociologie sous l'"égide du groupe d'ethnologie sociale et de psychologie sociale de Montrouge" que dirige Paul-Henri Chombart de Lauwe. Ce groupe publia plusieurs rapports qui donnèrent deux livres: "Nous, travailleurs licenciés" (1975) et "Le mur du mépris" (1978).
Revenu à saint-Etienne, il travaille dans une entreprise du bâtiment, qui le licencie après la publication d'un article de presse. Après une période de chômage, il travaille chez Leschel et Millet, une entreprise de Roanne où il est affecté au ferraillage de poutres métalliques. Il prend sa retraite en 1974.
Maurice Combe est décédé en 2008. Ses funérailles eurent lieu à la Bourse du Travail de Saint-Etienne (notre article).
Joseph Gouttebarge
En 1951, il est embauché à la Compagnie des ateliers et forges de la Loire (CAFL). Inscrit à la C.G.T., il devient délégué du personnel et milite activement. Muté à l'usine du Marais en 1953, il participe à des grèves. Arrive, au nom de Rome, l'injonction faite aux prêtres en usine de quitter leur travail et leurs fonctions temporelles, syndicales et politiques. La lettre des évêques de France se termine ainsi: " Nous voudrions vous répéter notre reconnaissance pour votre générosité. Que le Christ vous aide dans votre épreuve d'aujourd'hui, afin que vous puissiez mieux le servir demain".Gouttebarge reste au travail. Il n'a plus de mission de la part de son évêque. De 1954 à 1960, il occupe des postes pénibles et exercent des responsabilités syndicales importantes. Il adhère au Parti communiste en 1957. Il se marie l'année suivante. Un enfant naît. De 1960 à 1964, il occupe un poste d'aide-chimiste à l'usine, devient administrateur à la Sécurité sociale. Sa santé s'était dégradée ces dernières années. Il meurt dans sa 40e année le 20 mars 1964. Un peu plus d'un an plus tard, au Concile Vatican II, Paul VI agréait le travail salarié, profane, du prêtre. On parle plutôt, désormais, de "prêtres au travail".
__
Jo Gouttebarge, impasse Rabelais, 10 juillet 1950
__
Sources: