Friday, September 29, 2023
La France est coupée en deux. Les Allemands occupent la zone nord et le Forez en zone sud voit s'instaurer le régime autoritaire du Maréchal Pétain. L'occasion pour nous d'évoquer ici certains aspects très particuliers du paysage politique et social forézien. En particulier la " caste " des grands propriétaires à  l'origine d'une sorte de régionalisme. Mais aussi la situation déjà  préoccupante des étrangers et des Juifs. Tandis que se profilent déjà  deux grandes figures de la Résistance.

 

Visage politique du Forez entre 1936 et Juillet 1940

Lors des votes de Juillet 1940 qui sonnent l'avènement de l' Etat Français de Pétain, aucun parlementaire de la Loire ne fait partie du groupe des " 80 " qui vote contre les pleins pouvoirs au maréchal. Les six députés de droite et les sénateurs votent les pleins pouvoirs. Les deux députés socialistes, Pétrus Faure et Albert Sérol, ancien ministre, s'abstiennent. La municipalité de Saint-Etienne fait du 14 juillet 1940 une journée de deuil et méconnaît le maréchal et l'ordre nouveau. Le 30 octobre, elle est dissoute.

Il faut signaler une caractéristique originale du département. Alors qu'en 1936, le Front Populaire se dégage largement des urnes, la Loire industrielle mais majoritairement paysanne et rurale reste à  droite. Pour la première fois depuis Napoléon III. Quelle droite ? Une droite modérée mais qui compte parfois des éléments plus radicaux. Ainsi Rouillon, responsable des " Croix de feu " (organisation chrétienne, antiparlementaire d'anciens combattants fondée par le colonel de la Rocque. Elle compte plusieurs centaines de milliers de membres) et de l'Action Française (royaliste, antisémite dont le tribun est Charles Maurras) peut déclarer: "Dans la Loire, nous avons six députés sur huit !"

Parmi les nouveaux élus de 36-37, il y a Pierre Gaurand et Jean Gapiand. Le premier originaire de Montbrison est l'ami de Xavier Vallat et de Tixier-Vignancour qui viennent en 37 à  Montbrison faire un discours anti-parlementaire devant une foule considérable. Le second, maire de Saint-Just ne porte pas une grande estime aux communistes. En 1937, il interpelle le ministre de l'intérieur et lui demande de faire rechercher et saisir les dépôts d'armes et les munitions du parti communiste. A la fin des années 30 et face au parlementarisme parisien se développe aussi dans le Forez le parti agraire et les chemises vertes de Dorgères. En 1936, une de leur réunion a lieu dans la région et rassemble 11 000 personnes, dont le futur chef de la Corporation Paysanne, le vicomte de Meaux. Le discours de Dorgerès se teinte de nationalisme et développe le thème de la " La France aux Français ". Condamnation du capitalisme anglo-saxon, des fonctionnaires. A travers Dorgerès c'est le programme futur de Vichy qui se dessine: " Travail, Famille, Patrie ".

Les agriculteurs foréziens, même s'ils ne souscrivent pas à  toutes les outrances de Dorgerès lui sont reconnaissants d'avoir reconquis, grâce à  lui, leur vieux nom de paysan et la conscience d'être " quelqu'un ".

Les populations menacées: les étrangers et les Juifs

En 1940, il y a dans le département 32 635 étrangers, la plupart ouvriers dans la région stéphanoise. Dans l'ensemble, les étrangers recensés en Forez sont installés de longue date dans le pays. Certains ont fait 14-18. Certains Russes ont combattu dans les armées blanches pendant la guerre civile contre les communistes (1919). Beaucoup d'autres ont servi dans les unités polonaises ou tchèques après l'invasion allemande. D'autres encore, Italiens et Espagnols immigrèrent pour raisons politiques. Souvent ceux ci se rallièrent à  la politique du Font Populaire, aussi furent ils suspectés de menées antifrançaises par la droite nationale. A l'avènement de Vichy, 400 ouvriers étrangers sont expédiés avec leurs familles vers l'Ariège. On organise également des Groupements de Travailleurs Etrangers. Soumis à  une surveillance stricte, ils effectuent des travaux d'intérêt général.

En Septembre 41, des accords passés entre Vichy et l'Espagne prévoient le rapatriement des Espagnols qui en feraient la demande. En vérité on leur donne le choix entre un retour en Espagne et un aller simple pour le Mexique. Dans un groupement de 204 travailleurs espagnols du Forez, 31, 8% demandèrent à  rester en France, 67, 6% partirent pour le Mexique. 1 seul rentra en Espagne. La plupart d'entre eux étaient des anti-franquistes ce qui explique leur peu de désir de retourner en Espagne.

En 1942, il y a dans la Loire 2081 Juifs soit moins de 1% de la population. La guerre et l'occupation de la zone nord ont poussé un certain nombre de juifs vers le sud car ils n'étaient que 600 en 1939. Parmi ceux ci, la population tend à  distinguer les juifs français (souvent d'origine alsacienne immigrés en Forez après 1870) et les juifs étrangers ou naturalisés depuis peu. Parmi les juifs français de longue date (depuis 20 générations parfois, note un rapport des Renseignements Généraux) la plupart appartiennent aux classes moyennes. Certains ont été décorés durant la guerre de 14-18 (un médecin de Sail-sous-Couzan notamment). Beaucoup de naturalisés font après 1940 l'objet d'une révision de l'acquisition de la nationalité française. A Andrézieux, un couple de Roumains est ainsi déchue de sa nationalité française.

Les Juifs étrangers eux, sont surveillés étroitement. Certains sont assignés à  résidence. A Montbrison, fin 1942, deux mesures de refoulement sont signifiées vers la zone occupée. Au 30 octobre 42, 11 Juifs sont internés. Quelques assignations à  résidence se font à  Noirétable. Les Juifs sont surtout présents à  Andrézieux, Montrond, Noirétable, Usson. Ces petites concentrations seront désastreuses après l'invasion de la zone sud par les Allemands. Les rafles organisées par la Gestapo et la Milice entraîneront la déportation et la mort de beaucoup d'entre eux.

De l'antisémitisme dans les mentalités foréziennes: une fois encore, le sentiment forézien envers les Juifs suit la ligne définie par Vichy plus qu'il ne la précède et si antisémitisme il y eut, il n'a certainement pas été aussi virulent que dans d'autres régions. En tout cas, il resta purement théorique et doctrinal. Dans les années 1900, certains journaux catholiques comme Le Croisé montbrisonnais se distinguèrent par leur ton franchement antidreyfusard. Sous Vichy et au moment où paraît le " statut des Juifs ", le Journal de Montbrison fait l'apologie d' Edouard Drumont qui fût un des plus ardent propagateur de la théorie du " danger juif ". Un Forézien, le marquis Léon de Poncin exploitant agricole et spécialisé dans les sociétés secrètes publie en 36 La mystérieuse internationale juive, un ouvrage réédité il y a quelques années dans certains milieux noirs extrémistes américains et qui connut un beau succès !

L'antisémitisme forézien dérive en fait plus d'une lointaine tradition chrétienne et d'une peur paysanne de se faire gruger par les marchands (associés à  l'image du juif) qu'à  un racisme véritable. Comme l'a dit un aristocrate-résistant de la région: "On attendait avec d' impatience la fin de la guerre pour redevenir antisémite."

Jusqu'à  l'invasion complète du territoire par les Allemands, la population s'abstient de toute manifestation hostile envers les Juifs. Seuls quelques militants d'extrême droite ont amorcé de temps en temps une propagande antisémite en graffitant des murs ou des maisons ou en diffusant des tracts. Ces actions amenèrent la réprobation de la population. A Saint-Etienne, lors de la diffusion au cinéma Vox du film Le juif Suss, le groupe " 93 " de Violette Maurice manifeste et sabote la projection en jetant des boules puantes.

Les prisonniers de guerre et l'armée d'armistice

Il est impossible de connaître le nombre exact de prisonniers de guerre foréziens détenus en Allemagne. Le chiffre pour l'ensemble du département est de 15 390 prisonniers. Avant novembre 1942, rares sont les prisonniers qui rentrent en Forez. Après les accords Sauckel-Laval (prisonniers contre travailleurs STO en Allemagne) une quinzaine de foréziens rentrent au pays. Ils reviennent dans leurs communes de Veauche, Bonson, Andrézieux, Saint-Rambert, Sury, Montbrison, Bussières, Usson, Chatelus, Epercieux, Saint-Martin-Lestra et Montverdun.

Le Mémorial de la Loire (1942) : Deux groupes de prisonniers. En haut : photo du stalag VI A Kommando 822, en bas : photo du stalag XII B. M. l'abbé Dubuisson de Saint-Genest-Malifaux et deux camarades stéphanois.

Durant les années 40-42, l'armée d'armistice tient une place prépondérante dans la vie forézienne. Dès le 9 juillet 1940 a lieu une prise d'armes à  Bouthéon, avec 2000 spahis qui se sont battus depuis le Luxembourg. Ils quittent le Forez en août pour gagner Marrakech. Des chasseurs alpins ayant combattu avec succès contre les Italiens sont cantonnés à  Feurs. A Saint-Etienne le 5ème R.I. est fêté par la presse et la population lorsqu'il passe en manoeuvre à  Saint-Galmier et Montbrison. Le Forez vit au rythme des manoeuvres, prises d'arme et décorations. L'armée d'armistice sera dissoute après l'entrée des troupes allemandes en zone sud. Un certain nombre parmi les soldats rejoindront alors les maquis de l'Armée Secrète.

Les notables

Dans l'agglomération stéphanoise les notables sont en majorité des patrons d'industrie. Nous nous intéresserons ici aux notables du Forez stricto-sensu, celui de la plaine et des monts. Il y a aussi parmi eux des industriels, Gapiand à  St Just, Rousson et Chamoux à  Feurs ou des négociants, mais plus haut encore dans l'échelle se trouve une caste, celle des grands propriétaires fonciers, héritiers de la " République des Ducs " de Mac Mahon qui maintiennent leur autorité sur une grande partie de la population qui comme eux vit du sol et en apprécie les valeurs. En effet ces notables, ces nobles pour certains, sont des propriétaires fonciers mais aussi des exploitants de haut vol. Une situation qui s'inscrit parfaitement dans l'idéologie de la terre et du sang mise en avant par la Révolution Nationale.

D'autre part, leur engagement dans le domaine culturel est aussi à  l'origine de ce que l'on peut nommer un régionalisme forézien.

La terre...

Dans cette région de très grande propriété (plusieurs centaines d'hectares) s'est élaboré au XIXème Siècle un paysage typique. Celui des fermes, des domaines, des résidences et des châteaux dispersés au milieu des étangs, des prairies et des bois. Ces grands domaines sont ceux du comte de Neufbourg à  Arthun, du vicomte de Meaux à  Ecotay-l'Olme, des Palluat de Besset... On construit des tours " médiévales " à  Grézieux le Fromental ou des châteaux, ceux de Chenevoux (Bussières) et de Villechaize (Noirétable). Au XXème Siècle ces grands domaines se sont morcelés en exploitations plus petites mais dont certaines atteignent quand même les 100 hectares. Au total le comte de Neufbourg en 1940 possède 800 hectares sur Arthun, Sainte Agathe etc. Les Roux de la Plagne à  Saint-Paul d'Uzore possèdent 300 hectares, la famille de Vazheles à  Grézieux-le-Fromental 600 hectares.

Ces notables, on l'a dit s'intéressent fortement à  la vie agricole. Beaucoup d'entre eux sont exploitants. Ils suivent en cela une tendance ancestrale, celle qui est à  l'origine du canal du Forez, de tentatives plus ou moins heureuses comme l'éducation des abeilles ou l'utilisation de nouveaux outils (semoir, machine à  battre)... Un des leurs, le marquis de Meaux fût autrefois ministre de l'agriculture (nous avons évoqué plus haut son descendant à  la réunion de Dorgères en 1936), un autre, J.H Montaigne, premier marquis de Poncins écrivit un mémoire sur l'agriculture du Forez au Roi Louis XVI. Entre 1940 et 42, leurs descendants s'adonnent surtout à  l'élevage des chevaux et des bovins. Les sociétés hippiques contribuent à  ce développement et les hippodromes de Saint Galmier et Feurs reprennent vie dès 1941. En cette période de restriction, on se tourne aussi vers les étangs. Le comte de Neufbourg sélectionne les poissons et met au point la " carpe royale du Forez ", il organise également des syndicats agricoles catholiques.

...et l'esprit

Dans le domaine de la culture, tous ont un goût prononcé pour le passé de leur vieille province. La société savante de la " Diana " fondée à  Montbrison par le Duc de Persigny et forte de 500 membres compte dans ses rangs 81 nobles (ou notables portant des noms à  consonance nobiliaire), 69 ecclésiastiques, 34 industriels ou patrons... La société étudie l'histoire médiévale et archéologique du Forez et continue de publier ses recherches pendant la guerre malgré la pénurie de papier. Elle apprécie l'intérêt porté par le gouvernement de Vichy à  l'histoire locale. L'assemblée générale de la société du 27 février 41 proclame: " L'histoire régionale va être enseignée dans les écoles, la nôtre est assez glorieuse pour que nous en soyons fiers !"

Placée sous l'autorité morale de la " Diana " d'autres sociétés sont créées, par exemple celle " des amis du vieux Saint-Bonnet et de sa région " et celle " des amis du vieux Saint-Galmier ". La publication des Chartes du Forez par de Neufbourg, sa secrétaire Marguerite Gonon (qui deviendra la plus grande spécialiste du Forez médiéval), Georges Guichard, etc. contribue à  accroître le renom du Forez, de même que les travaux du grand traducteur helléniste Mario Meunier originaire de St-Jean Soleymieux.

Charles Maurras, chef de l'Action Française qui vint à  Montbrison faire une conférence sur le poète Frédéric Mistral écrit dans le journal du mouvement: "Montbrison m'a fait toucher du doigt la prise du savoir, du goût, de la sagesse et du génie des arts sur la vie présente de tout le Forez. Ah! Non vraiment archéologues et chartistes qui ont perpétué cette académie de la Diana, relevé ou purifié d'admirables vestiges, mis en relief de si graves beautés architectoniques, ne pourront pas dire qu'ils ne récoltent pas ce qu'ils ont semé. " Une atmosphère de piété que la France a trop longtemps ignorée, hélas développe son auréole au dessus de la terre mère, le long des rives du Lignon..."

Influence politique des notables et attitude face à  Vichy

Souvent les paysans dépendants des terres des grands propriétaires votent comme eux. On peut dire que le Forez (hormis l'agglomération stéphanoise) reste conservateur et se méfie de l'extrême gauche. En 1936, les mineurs de Saint- Etienne menacent de mettre le feu aux récoltes, des paysans armés montent la garde et les mettent en fuite à  Montrond. Certains propriétaires arborent les insignes des " Croix de feu " ou de l'Action française. Tous sont plus ou moins favorables à  l'ordre, à  l'armée, au monde paysan et souhaitent en 1940 la chute de la République responsable selon eux des malheurs de la France. De la séparation de l'Eglise et de l'Etat à  la corruption, de l'infiltration communiste à  la défaite de 1940.

Le Comte Guy de Neufbourg fut une grande figure de notre région. Ecrivain, royaliste et historien, il forma avec Marguerite Gonon un duo remarquable et eut le privilège de recevoir le général De Gaulle en son château de Beauvoir en 1948. Farouchement attaché à  sa région, la "rédaction" des Chartes de Forez au sein de La Diana lui doivent beaucoup de même que les étangs dans lesquels il réintroduisit la " carpe royale du Forez ". Royaliste, il proposa au Comte de Paris que son fils, héritier de la couronne de France accepte le titre de "Comte de Forez". Au sein de la Résistance, entouré de " ses " paysans il réceptionna des parachutages, cacha des armes... Il fut arrêté par la Gestapo. Cf article " La longue marche de la Résistance ".

Les grands propriétaires accueillent donc favorablement Pétain et son gouvernement. D'abord ils sont sollicité par le maréchal pour cacher des armes, tous acceptent par l'intermédiaire du général Boucherie qui réside à  Cuzieu. Pétain propose ensuite des postes importants dans son gouvernement (dans le domaine agricole) à  Camille de Meaux qui devient responsable de la corporation paysanne mais le comte de Neufbourg lui, refuse toute responsabilité. Son avis sur Pétain est vaguement favorable mais très vite, il se rangera du côté de de Gaulle qu'il considérait d'abord comme un " sans culotte ". Pour de Neufbourg, la politique de Pétain sous tutelle allemande ne pourra pas s'imposer aux Français. Et de Neufbourg de citer le précédant de la restauration qui ne pût s'imposer après Napoléon car " ramenée dans les fourgons des anglais ". A ses côtés entreront dans la résistance Marguerite Gonon (ex militante du Front paysan de Dorgerès) et toute l'équipe des Chartes du Forez, fait unique parmi les sociétés savantes de France mais nous aurons l'occasion d'en reparler. Pétain devait venir dans le domaine du comte assister à  une pêche à  la carpe. De Neufbourg annule la visite et prêche la résistance à  " ses " paysans encouragé par des cousins Polonais qui ont déjà  fait l'expérience de la domination allemande. Marguerite Gonon montre l'exemple en crevant les pneus des voitures des représentants de Vichy.

Les notables sont sensibles à  certains gestes du nouveau régime à  leur égard. Ainsi Pétain délègue le préfet de la Loire à  la " Diana ". Le bureau de la société vote sous l'impulsion du marquis d'Albon une adresse d'adhésion à  la personne et à  la politique du vieux maréchal qui sait si bien flatter leur orgueil. Mieux encore, Maurras on l'a dit vient faire une conférence. Au cours du repas à  Feurs, celui ci déclare qu'il a enfin trouvé en Vichy le régime politique de son coeur. Pétain oui, un Roi non ! Et tant pis pour les Foréziens royalistes. Eux aussi s'accordent à  la nouvelle situation.

Le régionalisme forézien

Sur ordre ou spontanément, les journaux multiplient les articles sur des sujets qui jusqu'alors n'avaient intéressé que les membres des rares sociétés savantes: vieux métiers, traditions... Des livres et des publications diverses tentent de promouvoir une meilleure connaissance de la région. Dans la préface de Saint-Bonnet-le-Château en Forez, Marie Magdeleine Cheyssac écrit: "Nous ignorons trop l'histoire de notre petite Patrie. Mieux la connaître aiderait à  mieux l'aimer. Ce serait contribuer à  l''oeuvre magnifique de redressement si nécessaire qu'est en train de mener à  bien notre grand maréchal."

Le préfet Lemoine pousse à  la constitution d'une commission régionale. Il a aussi quelques projets littéraires et cinématographiques plus ambitieux: "De grands régionalistes ont déjà  puissamment travaillé à  la renaissance du folklore et depuis deux mois, ils unissent leurs efforts dans un comité chargé d'examiner les moyens d'action et de propagande. Je songe à  charger nos régionalistes les plus éminents d'élaborer une oeuvre, que je souhaite monumentale, vivante et complète, d'ici partiront ensuite une multitude de travaux plus modestes et où d'authentiques artistes pourront puiser une inspiration régénérée. En attendant, un film va sortir sur le Forez et il sera projeté non seulement dans la région, mais dans toute la France et, je l'espère au delà  de nos frontières, afin qu'à  l'étranger on nous connaisse mieux et qu'on ait envie de nous voir lorsque le temps des voyages pacifiques sera revenu."

Lemoine est ici fidèle à  l'esprit de Pétain qui multiplie les appels aux Français pour qu'ils oeuvrent pour leurs " petites patries ". Dans ses voyages officiels, l'accent est mis sur le folklore et les costumes locaux. Il reçoit les produits les plus caractéristiques des provinces. Dans le Forez, des entreprises de restauration sont menées à  bien notamment celle d'une belle Croix quadrilobée à  St-Jean-Soleymieux sous l'impulsion de Mario Meunier, enfant du pays. Une autre Croix est restaurée à  Saint- Nizier-de-Fornas, on s'intéresse à  la sauvegarde des statues renaissance de la Vierge, on préserve la Batie d'Urfé.

Des économistes de leur côté tentent de démontrer que le Forez peut devenir (dans le cadre de la réorganisation administrative de la France, laquelle réorganisation enleva Nantes à  la Bretagne) le centre d'une nouvelle région rassemblant Forez, Velay et Vivarais. Cette résurgence traduit des préoccupations anciennes stimulées par le nouveau régime, en particulier la défiance vis à  vis du voisin lyonnais. Pour certains Foréziens (en tête le docteur Rimaud et Jean Renaud) l'histoire du " pays " est marquée par sa lutte séculaire contre Lyon, depuis les démêlés entre comtes de Forez et archevêques de Lyon au Moyen Age jusqu'au XXème Siècle et la concurrence entre l'industrie stéphanoise et la grande finance lyonnaise en passant par les vicissitudes de la Révolution et le détachement en deux départements distincts de Rhône et Loire. Avant la guerre, la Chambre de commerce, en la personne de son président Demozay avait multiplié les démarches pour obtenir l'autonomie du Forez. En vain puisqu'il fût rattaché à  Lyon en 1938. Au niveau religieux il faudra attendre d'ailleurs les années 60 pour que soit officialisé l'évêché de Saint-Etienne.

A l'annonce de cette nouvelle organisation, Demozay saute sur l'occasion et s'en va défendre le point de vue forézien devant Pétain en 1940: "Rattacher le Forez à  Lyon, ce serait créer une monstrueuse région qui, comme l'ancienne Autriche n'aurait pas de tête ni de corps, qui n'aurait que des villes et pas de campagnes, en un mot qui serait une fantaisie administrative..."

Pétain à  saint-Chamond en compagnie d'Antoine Pinay
(La visite du Maréchal dans notre région fait l'objet d'une page spéciale en annexe)
 

La proposition de réunir Forez-Velay-Vivarais n'aboutira jamais et Pétain ne viendra jamais à  Montbrison malgré les invitations répétées. En revanche il se rend à  Saint-Etienne en Mars 1941. A son arrivée à  Chateaucreux il déclare à  ses proches: "J'aime beaucoup les mineurs. Dans mon pays il y en a beaucoup, ce sont des braves gens." Il visite le puits Couriot et prononce un discours célèbre (dit " discours social ") aux travailleurs stéphanois.

Ndr : cette partie doit encore beaucoup aux livres de Monique Luirard, déjà  cités. Mais aussi à  Villages de Forez et à  certains numéros de la Diana qui ont souvent évoqué ces grandes figures foréziennes que furent le Comte de Neufbourg et Marguerite Gonon.

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