Sunday, December 03, 2023

EN PASSANT PAR LE GRAND H0TEL DU MONT PILAT

Le Crêt de l'Oeillon n'est pas la plus haute montagne du Pilat, mais c'est sûrement la plus connue, en raison de la silhouette familière de son réémetteur de télévision. C'est un point de vue exceptionnel, par beau temps, surtout lorsque la chaîne des Alpes se détache de l'horizon, ce qui malheureusement est généralement signe de pluie.

Panorama hivernal : le Crêt de Botte, le Crêt de l'Oeillon, le Mont Blanc (photo Daniel Bergero)


L'émetteur voisine aujourd'hui la croix érigée en 1867, à  1364 m d'altitude. Les frontières de quatre communes se rejoignent sur ce point précis : Pélussin, Roisey, Véranne et Doizieu. Leur habitants eurent à  coeur de se relayer, et de fournir des attelages de boeufs, pour charrier la croix monumentale et l'ériger au sommet de la montagne.

La croix du Crêt de l'Oeillon (carte postale début XXe siècle)


Suivons la ligne de crête qui se développe au nord de l'Oeillon, jusqu'à  atteindre le col de la Croix de Montvieux. Si la zone des crêts, entre la Perdrix et l'Oeillon, forme une suite de sommets dénudés, sur les montagnes au nord de l'Oeillon la forêt reprend ses droits, sauf sur quelques croupes dépouillées que l'on nomme « chaux ». Le préceltique « calmis », plateau escarpé et dénudé, a subi dans nos régions l'attraction du latin « calx », chaux, pour adopter cette orthographe peu classique.

Paysage du Pilat vu de l'Oeillon. Au fond la Chaux de Toureyre. En avant la Chaux d'Egallet, on distingue la zone dénudée du sommet. Au premier plan les chirats de l'Oeillon (carte postale début XXe siècle)

C'est sur la Chaux d'Egallet (1260 m) que fut construit à  la fin du XIXe siècle le « Grand Hôtel du Mont Pilat », destiné à  rivaliser avec le célèbre établissement du Righi, en Suisse. Le bâtiment de trois étages comprenait une aile adossée à  un corps plus élevé, de section carrée, qui se terminait par un toit pointu. Sous les combles de ce toit se trouvait une chapelle, dédiée à  la Vierge Marie.

Aspect primitif du Grand Hôtel, au temps où on le nommait encore « sanatorium » (carte postale début XXe siècle)

La chapelle du Grand Hôtel (carte postale rare du début XXe siècle)


Plus tard une seconde aile, aussi grande mais plus simple et sans ornementation, fut construite symétriquement à  la première.

Au temps de la gloire du Grand Hôtel : une seconde aile est venue l'agrandir, la terrasse est noire de monde et le parking est plein ! (carte postale début XXe siècle)

Une vue de la grande salle à  manger. Le sanatorium est devenu « station climatérique ». Plus tard les lampes à  pétrole seront remplacées par des lampes électriques (carte postale début XXe siècle)

La première guerre mondiale sonna le glas du luxueux établissement. Après une éphémère résurrection dans les années vingt, l'hôtel disparut une nuit de 1931 dans un incendie dont l'origine reste un mystère. Pendant des décennies il ne resta que le souvenir de cet « hôtel brûlé », et de vagues ruines où le promeneur avait parfois la chance de trouver quelques débris de la vaisselle précieuse. Puis on jugea dangereux cet énorme amas de pierres et en 1999 des bulldozers vinrent niveler le site. Seul un panneau d'information tente de perpétuer le souvenir de cet établissement. Quand on voit les cartes postales anciennes, avec le ballet des carrioles à  cheval et des voitures automobiles, la grande esplanade où se massent les touristes pour admirer la vue, les grandes prairies autour de l'hôtel, on a de la peine à  imaginer que l'on se situe encore au même endroit ! En un peu moins d'un siècle, la nature a repris ses droits.

Subsiste encore, à  l'écart, la source qui alimentait l'hôtel en eau fraîche. Son accès est jalousement tenu discret par les amateurs, c'est l'une des dernières cressonnières sauvages du Pilat.

L'une des excursions favorites des clients de l'hôtel était le Rocher de la Chèvre, une énorme pierre située entre l'Oeillon et la Chaux d'Egallet. Ils aimaient jouer les alpinistes pour s'y faire photographier, parés de leurs plus belles toilettes. La forêt a rejoint ce rocher qui est aujourd'hui au milieu des bois.

Le Rocher de la Chèvre et ses élégants touristes (carte postale début XXe siècle)


DE TOUREYRE A MONTIVERT

A la Chaux de Toureyre le niveau de la ligne de crête remonte jusqu'à  l'altitude de 1292 m. Ce sommet présente la particularité, vu du côté de la vallée du Gier, de paraître par un singulier effet d'optique la plus haute montagne du Pilat. Le vieux chemin qui suit toujours la ligne de crête dégringole ensuite jusqu'à  946 m, niveau du Collet de Doizieu. Là  il se subdivise en deux chemins, chacun suit l'un des côtés de la montagne du Chirat Rochat. Celui de gauche permet d'accéder, au prix d'un léger crochet à  gauche à  partir du carrefour sur le replat, à  la « Roche Beurlant », cote 957 sur la carte topographique, qui offre un panorama superbe sur la haute vallée du Dorlay. Cette roche doit son nom au souvenir des petits bergers qui interpellaient en criant leurs copains sur la montagne en face (crier = beurler, en patois).

Panorama virtuel des montagnes du Pilat, vues des coteaux du Gier


Voici le Col de la Croix de Montvieux (811 m). Ce fut un des plus importants points de passage dans le Pilat, emprunté par plusieurs voies antiques, dont une qui assurait la liaison entre les vallées du Gier et du Rhône, par Saint-Paul-en-Jarez et Pélussin. Une infirmerie y était installée. Dans le nom Montvieux, « vieux » est un dérivé de « violet », un mot qui en ancien français désignait un chemin. A proximité, le hameau du Chatelard aurait été la propriété de « religieux » dont on ne sait rien, puisque ce fait est seulement rapporté par des traditions populaires.

Le col de la Croix de Montvieux et ses deux auberges. L'endroit n'a guère changé aujourd'hui (carte postale début XXe siècle)


D'autres traditions assurent qu'il y aurait eu un dolmen dans les environs, peut-être les anciens avaient-ils ainsi qualifié la singulière « pierre branlante » qui se trouvait au bord du chemin, en direction du Collet de Doizieu, par le côté est du Chirat Rochat. Mais cette roche n'existe plus. De la même manière ont été gommés du paysage de nombreux vestiges d'un passé fort lointain comme la Roche aux Serpents, peut-être la soeur jumelle de celle de Chaubouret... Disparues également, les nombreuses cases et autres cabanes en pierres sèches où les ramasseurs de champignons avaient parfois la surprise de trouver des poteries, outils, haches, et autres souvenirs de la préhistoire ou de l'époque celtique. Cette présence humaine d'une certaine importance se poursuivait de l'autre côté du col, tout au long de la voie antique qui traverse aujourd'hui le Bois de They, en descendant vers la vallée du Dorlay.

Le vieux chemin des crêtes oblique ensuite vers le nord-est, il s'étire sur le flanc du Crêt de Montivert (954 m), pour atteindre un col et redescendre vers la ferme auberge de Grange-Rouet. Ce sera notre terminus, et le point de départ d'une future balade