L'ouverture du parc "nature" du Valfuret (trois hectares) est prévue au printemps 2012. " Nous souhaitons que les habitants se réapproprient le site, aujourd'hui à l'état de friche, et en faire une entrée de ville au sud et dans le PNR du Pilat ", a indiqué Geneviève Albouy, adjointe au maire.
On y accède depuis le parking Paul de Vivie en empruntant à droite la rue Lissagaray, en contrebas de la RN82. Quelques centaines de mètres plus loin, on ne peut manquer le grand bâtiment abandonné. C'est tout ce qu'il reste des anciennes papèteries du Valfuret, coincées là sur une étroite bande de terre entre deux collines, à l'orée des bois noirs sur le versant nord du Pilat. Il reste une grosse inscription comique sur fond rouge: " En mai, Toto crie sur scène incendie !" Souvenir d'une tentative éphémère d'accueil de compagnies théâtrales.
Un panneau tagué avertit aussi, c'est moins drôle : "Site dangereux, risque d'accident mortel". Un accident s'est produit ici en juin 1998. Un jeune est resté handicapé, nous dit-on. Un vieux monsieur inquiet, dont la famille vit plus haut dans la montagne depuis des lustres, évoque un autre accident. C'était vers 1900, une fillette se serait noyée, non pas lors d'une inondation - de mémoire d'habitant il n'y en a jamais eu ici - mais dans le bassin d'eau derrière le bâtiment. Ce bassin fait partie des témoignages industriels que le projet entend valoriser et sécuriser: biefs, canaux, passerelle...
La petite victime, si victime il y eut, aurait été une enfant de la famille Fessy. Les Fessy étaient des teinturiers. Les ateliers, puis les usines, que ce soit celles au fil du temps des Etablissements Gillet-Thaon ou Chambeyron sont implantés de longue date au bord du Furet, le ruisseau classé en 1ère catégorie, qui serpente là , descendant de Planfoy pour poursuivre vers le Furan. " Les fumées des usines, les eaux jaunes... les teintureries ont toujours causé des nuisances ", nous dit un autre habitant. Vers 1916, la famille Fessy possédait notamment un atelier, situé dans les restes du château de la Valette, juste à côté. Nous y reviendrons. La belle maison de maître qui surplombe toujours le site - on la voit mieux en empruntant la rue du Valfuret qui grimpe vers la route du col de la République - appartenait autrefois à une de ces grandes familles d'industriels. Aujourd'hui, on remarque, près du parking, l'entreprise Paret Villedieu, spécialisée dans l'apprêtage du textile et un bâtiment ancien à la forme caractéristique. Peut-être la chaufferie d'une ancienne teinturerie.
Pour ce qui est du site des papèteries, les habitants et les pompiers se souviennent de l'incendie du 15 avril 1989 qui frappa la cartonnerie. 5000 mètres carrés partis en fumée. Elle appartenait alors à la Société Valscius, née de la fusion de la société Papèterie du Valfuret et de la sociéte Scius. D'avril 1989 à fin 1991, l'activité de l'usine se poursuivit dans la partie sud (bâtiments restants) avant que les machines ne quittent le site. En décembre 1992, Valscius, délocalisée à Saint-Etienne (rue Poylo) vendit le site morcellé en plusieurs parcelles. Certaines parcelles furent acquises par la Société d'Equipement du Département de la Loire (SEDL), une société anonyme d'économie mixte, d'autres par le Département (Conseil général). Quant à la cheminée de 60 mètres de haut, emblème de la papèterie, elle fut couchée à la nitro en 1993. Le dynamitage s'est fait, rapporte un article de presse, en présence notamment de Jean-Claude Charvin, actuel maire de Rive-de-Gier, à l'époque déjà vice-président du Conseil général et par ailleurs président de la SEDL, son directeur M.Loubeau et Françoise Grossetête, conseillère municipale, venue en voisine. " Dans ce petit coin de vallée, la ville de Saint-Etienne et le Conseil général de la Loire travaillent conjointement", lisons-nous dans l'article.
A l'origine, on espérait réindustrialiser les lieux. "Il reconnaît (il s'agit de M.Loubeau, ndlr) simplement que certaines entreprises semblent d'ores et déjà intéressées pour s'implanter sur le site." Le journaliste, prudent ou dubitatif, précisait qu'il s'agit d"un endroit encaissé et difficile d'accès [ce qui] ne plaide pas en sa faveur." Et par une délibération d'octobre 1992, le Conseil municipal de Saint-Etienne avait concédé à la SEDL la restructuration du tènement. Vingt ans plus tard, d'avance de trésorerie en renouvellement de concession, rien, hormis la gabegie des fonds publics. La Ville de Saint-Etienne a finalement mis un terme à la concession d'aménagement. En septembre 2008, elle acquit une première parcelle, une de celles appartenant jusqu'alors au Conseil général. Un an plus tard, elle acquérait de la SEDL le bâtiment. Celui-ci doit être déconstruit courant 2010 après désamiantage.
Le projet (travail paysager, valorisation des berges...) intègre aussi la création d'un parcours pédestre entre Furet et Furan. Le promeneur partira donc du rond-point Vélocio pour flâner dans le nouveau parc. Il pourrait aller boire un verre chez Jacqueline, près de la petite passerelle qui fait la jonction entre les rues Lissagaray et du Valfuret; cette passerelle dite des Bois noirs sur les vieilles cartes postales. Cela fait une paie qu'elle vit là Jacqueline. Dans son mini-bistrot de mini-village, où l'a rejoint Maurice - Maurice, 80 ans, est de Bellevue mais il a toujours trafiqué au Valfuret - les souvenirs giclent vite sur le formica. Il y avait deux autres cafés où les camionneurs venaient, fermés pour l'un au début des années 80; pour l'autre après l'incendie. Il y avait une fabrique de chaussettes aussi et des lavandières. "J'ai vu des femmes sur la pierre", se souvient Maurice.
Ce pourrait redevenir la promenade des Stéphanois. Si seulement le lieu avait conservé son château de La Valette ! Il avait encore trois tours au XIXe. Il a été démoli en avril 1986 après avoir abrité au XXe siècle non seulement une teinturerie mais encore une entreprise d'électricité, des fabricants de cuisinières et une fabrique de galeries de voitures. A la Révolution, il hébergea le siège d'une commune (Furet-Lavalette). La demeure portait le nom de la famille de la Valette, dont une fille, Benoite, fut une des fondatrices de l'abbaye de Valbenoîte. Le fief appartint du XVe au XVIIe à la maison de Rochefort. Un de ses fils épousa Françoise d'Urfé, soeur d'Honoré d'Urfé. A son époque sans doute le Furet ressemblait plus encore au Lignon qu'au Furan. Nous y voilà .
Car nous avons porté nos pas dans une imposante zone rouge inondable et non constructible d'après le Plan de Prévention des Risques Naturels Prévisibles d'Inondation (PPRNPI). Pas plus tard que le 29 mars, Saint-Etienne Métropole tenait à écrire dans un communiqué que "la solution du barrage est la proposition retenue au regard des études d'inondabilité faites par l'Etat pour la sécurité de la population et des biens." Mais une association, "Etres humains et Zones inondables", conteste farouchement les conclusions des études SOGREAH et SAFEGE. C'est aussi le 29 mars qu'elle a réceptionné les conclusions de l'étude hydrologique dont elle a passé commande et qu'elle entend utiliser puisqu'elle a déposé un recours en référé devant le tribunal administratif. Et cette contre-expertise ne mâche pas ses mots, évoquant des "arguments pseudo-scientifiques mis en avant pour justifier les choix politiques concernant l'aménagement de la vallée du Furet". On y lit aussi qu'"un examen détaillé du PPRNPI fait apparaître quâ??il ne tient pas uniquement compte d'estimation de débits erronés et surestimés du cours d'eau. Certaines emprises de la zone rouge qui sont établies de manière fantaisiste défiant les lois de gravité, sont empreintes d'erreurs manifestes..."
NdFI (2018) Cet accident mortel a bien eu lieu, en 1926. La petite fille s'appelait Cécile Fessy. Elle avait 4 ans. « Elle est tombée dans le bassin alors qu'elle était gardée avec ses frères et soeurs par une nounou, indique une lectrice. Son corps fut retrouvé dans un tuyau de décantation. C'était une des petites soeurs de ma maman.» Un second article en complément, « Souvenirs du Valfuret », avait été publié courant 2011. Nous l'avons malheureusement perdu.
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