Bze et Tomski sont originaires de Rive-de-Gier mais ça n'a strictement aucune importance. D'où l'inutilité de l'écrire. Tant pis. Dans Overground : déroutants voyageurs, ils racontent leur petit monde, celui de la contre-culture et de la route.

Overground, c'est d'abord un trip abondamment illustré qui ne pose pas de jalons entre les différentes types de communautés ou d'individualités que les deux compères ont côtoyées sur trois continents. Skaters, punks, black blocs, « autonomes », hippies, graffeurs, teknivaliers - et on en passe - sont réunis dans un joyeux mélange de couleurs. Les photographies de Bze nous entraînent dans les lieux qu'ils aiment à investir et à transformer : hangars et entrepôts bariolés par les graffeurs, squats de transit pour ressortissants du nomade land, la rue même, qui sent vite la lacrymo quand la marge déborde du cadre. D'autres endroits sont plus insolites : tipis ancrés dans un décor de John Ford et caravanes héritées de Woodstock. Elles s'attachent aussi à restituer les « marqueurs sociaux flagrants » qui constituent un code fort de la culture « underground » : tatouages, « coupes mohawk » et vêtements torturés, pénis cadenassé...
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Mais les photos n'illustrent pas à proprement parler le texte de Tomski. C'est ce qui rend le livre un peu déroutant. Son foisonnement est à l'image du monde complexe qu'il veut montrer : chaotique, mais pour peu qu'on s'en donne la peine, compréhensible. Le récit, pour en dire deux mots, regroupe plusieurs histoires, celles de Verlaine, Oze et d'autres. On suit le périple de Verlaine et on lit ses rencontres dans des lieux improbables mais vrais, à Berlin et en Espagne. Ecrits dans un langage simple, sans baratin politique ni de longues descriptions personnelles d'expériences hallucinatoires, les mots de Tomski sonnent assez justes. L'ensemble forme une épreuve d'artiste en même temps qu'un témoignage ethnographique et un manifeste pour le droit à la marginalité.
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Le Sanaka, 07/01/2007, Simon Dijoud en concert lors de la présentation de Overground
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Ce travail photographique s'échelonne sur combien de temps ?Bze : Six ans, de 1999 à 2005. Mais on n'a pas été sur la route non-stop pendant six ans.
Et l'idée de ce livre, comment a-t-elle germé ?
Tomski : Depuis déjà pas mal d'années, Bze prenait des photos dans les milieux alternatifs. Il m'a proposé de les mettre en valeur dans un bouquin. Entre-temps, on a bougé ensemble avec l'idée du livre en tête. On a fait la teuf, on a pris des photos et au retour on s'est mis au travail. Après bon, la chance a un peu joué, et voilà quoi.
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Verlaine et les autres, ils existent vraiment ?Tomski : Non, enfin oui, dans un sens si tu veux. J'ai emprunté à notre vécu, et j'ai emprunté pas mal aussi à d'autres personnes, croisées au gré de nos pérégrinations et qui se sont dévoilées un peu. C'est marrant d'ailleurs, puisqu'on en parle, de voir comme les gens de la route en particulier peuvent se confier facilement pour peu qu'on les écoute. Et livrer parfois des choses très intimes. Peut-être parce qu'ils ont peu l'occasion de confier leurs peurs et leurs espoirs. Merci à eux, vraiment...
Bze : De nous avoir accueillis, nourris parfois, permis de prendre une douche... Et de m'avoir autorisé à les photographier. A propos du texte, il faut dire aussi qu'il en dit moins que la réalité. Il y a des situations qui auraient semblé « trop grosses » et pourtant...
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Un mot sur les photos du gland cadenassé et de la minette qui urine ?Bze : Ben... y a rien à dire, c'est un gland qui porte un cadenas. Quant à la femme qui urine, « red butterfly », ce fut une belle rencontre dans une trance party, très poétique.

Mis à part quelques passages, par exemple celui du chien éventré au couteau, le texte donne de ces milieux une vision relativement positive. Un peu trop non ?
Tomski : C'est comme partout. Il y a de la violence, de la perdition, de la solitude, de la souffrance, tout ce que tu veux. Mais si on fait la part des choses, si on ne tombe pas dans la caricature dans un sens comme dans l'autre, il y a aussi de l'amitié, de la joie, de l'amour, etc. Notre ressenti à nous, notre vécu dans ces milieux, est plutôt positif. Et on l'a traduit comme tel, sans tomber dans l'idyllisme.

On retrouve mélangés dans votre bouquin des milieux à priori très différents : punks, hippies...
Tomski : Ils se croisent sans cesse. Même si la contre-culture n'est pas unifiée et qu'ils ont les uns sur les autres des préjugés bien arrêtés ; même s'ils n'ont pas les mêmes valeurs, il reste qu'ils ont tous en commun une soif de liberté bien plus grande que chez les autres.
Tomski : Ils se croisent sans cesse. Même si la contre-culture n'est pas unifiée et qu'ils ont les uns sur les autres des préjugés bien arrêtés ; même s'ils n'ont pas les mêmes valeurs, il reste qu'ils ont tous en commun une soif de liberté bien plus grande que chez les autres.
