Tuesday, October 03, 2023

« En 1979, un pari un peu fou était lancé : faire de Saint-Etienne un grand lieu populaire d'échanges cinématographiques, de rencontres tous azimuths (sic) entre la création et le public, un lieu d'accueil et d'expression pour le cinéma français, pour ses auteurs et leurs amis, en quête d'une véritable reconnaissance...» Ce sont les mots du maire du Saint-Etienne, Joseph Sanguedolce, en 1983 dans le catalogue des Cinquièmes Rencontres Cinématographiques de Saint-Etienne, organisées du 15 janvier au 15 février. Le maire communiste, par ailleurs président du Conseil d'administration de cette grande manifestation, concluait son propos en souhaitant « longue vie aux Rencontres ».

Deux mois plus tard, il perdait les élections face à François Dubanchet. Frédéric Zarch raconte la suite dans son Dictionnaire historique du Cinéma à Saint-Etienne : « Les subventions à certaines associations sont réduites à une portion congrue. (…) Avant l'été, la déléguée générale des Rencontres, Nella Banfi-Brousson, et le directeur de la Maison de la Culture, Max Serveau, sont licenciés. Quelques jours plus tard, début juillet, le conseil municipal entérine la décision de suppression des Rencontres...» Cette décision suscita une vive émotion. L'exposition à la médiathèque de Tarentaize qui relate l'histoire des Rencontres, grâce notamment aux témoignages photographiques de Roger Oleszczak, rappelle qu'une pétition parut dans Le Monde en juin 1983. Un véritable appel national et international pour la survie de cet évènement majeur dont le succès est mis en exergue : « 1979, 25 000 entrées ; 1980, 45 000 entrées ; 1981, 50 000 entrées ; 1982, 70 000 entrées ; 1983, 80 000 entrées. 2000 films ; 300 professionnels du cinéma ; 30 pays représentés. »

Elle fut signée par des réalisateurs et comédiens (Claude Berri, Marco Bellocchio, Lucas Belvaux, Bernadette Laffont, William Klein, Michael Lonsdale, Bertrand Tavernier, Bernardo Bertolucci, Richard Berry, Denys Arcand, Werner Herzog...), de nombreux responsables de festivals, associations et personnalités. En vain. La municipalité avait décidé, pour 1984, de lancer un festival de cinéma américain qui ne semble pas avoir rencontré beaucoup de succès...

Louis Daquin en 1979 à Saint-Etienne (photographie publiée en son hommage dans le catalogue de la dernière édition)

Une rencontre en 1978 fut à l'origine de ce rendez-vous cinématographique, celle d'Alain Renaud, professeur de philosophie et vice-président du ciné-club de l'association l'Université nouvelle de Saint-Etienne, et de Jean Daniel Simon, venu présenter son film Angela Davis, l'enchaînement (1977). L'idée était de mieux faire connaître la création cinématographique mais aussi d'organiser la défense des intérêts des créateurs et du public. L'Association organisatrice, précise Frédéric Zarch, avait pour membres fondateurs la municipalité, la Société des réalisateurs de films et l'Université nouvelle. L'Association des amis du bon cinéma (cinéma Le France), l'Union stéphanoise des oeuvres laiques, l'Ecole des beaux-arts et l'Université de Saint-Etienne étaient membres de droit.

Les Rencontres, avant de succomber, « abattues en plein vol par la bêtise politicienne » (Alain Renaud), réunirent les cinémas stéphanois (Alhambra Gaumont, Eden, France, Lux, Royal) et les salles Molière et Copeau de ce qui était alors la Maison de la Culture. Y participèrent notamment Louis Daquin, qui en fut le président en 1979, Bertrand Tavernier (1979), Francesco Rosi, Miklos Jancso, Carlos Saura (1980), Ken Loach, Joseph Losey, Michael Powell (1981), Serge Moati, Jean-Michel Carré, Luc Moullet (1982), Jean Dasté, François Truffaut - qui qualifia ce rendez-vous de « Rencontres du 5e type » et dont le film La Nuit Américaine fut projeté dans Manufrance après qu'il y eût rencontré les ouvriers (1983) -, Ettore Scola (1979, 1983), Marcello Mastroianni (1983)... Elles mirent à l'honneur le Cinéma canadien, grec, britannique, italien, polonais... et une radio dédiée, Radio Rencontres, vit le jour, installée place Dorian, où passèrent par exemple Raymond Depardon et Leslie Caron.

L'exposition est présentée jusqu'au 26 novembre