Friday, September 29, 2023

Il y a 60 ans s'achevait la guerre d'Algérie. Les Archives municipales de Saint-Etienne présentent une exposition intitulée "En guerre d'Algérie - récits partagés".

Elle rappelle que 238 soldats originaires du département y ont trouvé la mort de 1955 à 1962, le plus célèbre d'entre eux étant Jean Marey, tué dans une embuscade en mars 1959. Jean Marey avait dirigé durant l'Occupation l'Armée secrète puis les Forces françaises intérieures de la Loire. Parmi les documents exposés il y a la lettre émouvante d'une mère de Chavanay adressée en 1956 au député de la Loire Georges Bidault (voir notes). Elle s'inquiète pour un de ses fils qui effectue son service militaire et qui serait en partance pour l'Algérie alors qu'un autre de ses fils y sert déjà. « Je sais que deux frères ne peuvent pas être envoyés la bas, cela a paru sur tous les journaux, j'ai peur qu'on l'embarque sans faire son droit, comme cela est arrivé à d'autres, et je viens vous demander que cela ne se produise pas. Je suis pacifiste comme toutes les mamans, je m'adresse à vous car je vous connais depuis longtemps (sic)...»

On y découvre l'organigramme du Front de libération nationale (FLN) à Saint-Etienne pour l'année 1959 extrait d'un rapport des Renseignements généraux. Le FLN fut très actif dans le bassin stéphanois compte tenu de l'importance de la population immigrée algérienne**. Il y évinça progressivement le Mouvement national algérien, organisation rivale prépondérante en 1954. En 1960, ce dernier restait surtout implanté à Saint-Chamond (3). Deux figures indépendantistes de la Loire en particulier sont mentionnées dans l'exposition: Rachid Benzema et Belkacem Sayad (1902 – 1989). Le premier créa en 1956 les premières cellules stéphanoises. Le second, militant cégétiste par ailleurs, était classé « très dangereux » par les services de police. Il dirigeait la section stéphanoise du FLN (1956).

L'exposition évoque aussi, entre autre, les mobilisations ligériennes pour la paix à l'initiative notamment du Parti communiste français et son organe de presse, le journal Le Patriote (manifestation des 7000 de Firminy en 1956 par exemple), la venue de De Gaulle en juin 1959, De Gaulle dont le discours prononcé à Saint-Etienne préfigure, lisons-nous, « la conférence de presse du 16 septembre 1959 au cours de laquelle il annonce le principe de l'autodétermination », les blessures de la guerre : « Des années après le cessez-le-feu, le conflit continue de marquer l'histoire locale. Le 21 septembre 1970, un attentat à l'explosif est déjoué de peu au cinéma Le Méliès, qui diffuse alors le film polémique La bataille d'Alger de Gillo Pontecorvo, longtemps censuré malgré un Lion d'or à Venise en 1966. En 1984, Saint-Etienne ouvre la voie à la revendication de la cause des Harkis, en mal de reconnaissance. Plusieurs grèves de la faim et une prise d'otage à Radio Centre-Ville se succèdent, pour que cesse un calvaire vieux de 22 ans. »

L'exposition (à l'extérieur et à l'intérieur du bâtiment) peut être visitée gratuitement jusqu'au 16 juin 2023.

Rachid Mekhloufi, joueur célèbre de l'ASSE qui rejoignit la fameuse équipe du FLN

 Notes

* Georges Bidault (1899 – 1983) présida le Conseil national de la Résistance après Jean Moulin. Plusieurs fois ministre il fut aussi élu député de la Loire en 1958 (6e circonscription). Durant le conflit algérien, il s'opposa à la politique de De Gaulle et fonda, contre les Accords d'Evian, le Comité exécutif du Conseil national de la Résistance. Il fut contraint de quitter la France en 1963. Il fut accusé d'avoir appartenu à l'Organisation armée secrète.
** Il y avait 211 000 Algériens en France en 1954 au déclenchement du conflit, 350 000 en 1962. Beaucoup vinrent travailler dans les houillères et la métallurgie.
3) Le FLN mena une lutte sans merci contre le MNA. L'ALN, sa branche armée, massacra par exemple en 1957 en Kabylie 315 villageois soupçonnés de sympathie pour le MNA. C'est le massacre de Melouza que la propagande du FLN tenta d'imputer à l'Armée française. Cette même année, il y eut dans la Loire pas moins de 60 attentats, indique l'exposition.