C'est le titre d'un article de presse qui s'affiche sur l'écran du Méliès et que les quelques dizaines de spectateurs qui ont pris place dans la salle peuvent lire en attendant de voir ou revoir "Le Juge Fayard dit le sheriff" d'Yves Boisset. Il date de la sortie du film (1977). Il évoque sa première projection dans notre bonne ville et un spectre, celui du S.A.C. - ” le Service d'Action Civique ” - qui avait mis en branle, la Justice aidant, Anastasie aux grands ciseaux (la censure).

Yves Boisset, Saint-Etienne, avril 2014: " Le cinéma français est d'une timidité de rosière par rapport aux problèmes de notre époque. Il ne rentre pas dans le lard !..."
Le tournage, en grande partie à Saint-Etienne, " parce qu'on nous avait interdit de tourner à Lyon", dit le réalisateur, s'est déroulé " dans d'excellentes conditions grâce à Michel Durafour".
Patrick Dewaere interprète un jeune juge d'instruction intègre et un peu tête brûlée qui enquête sur un réseau mêlant certains milieux politiques et économiques et une bande de malfrats appelé le gang des Stéphanois. A ses côtés, il y a Philippe Léotard qui joue le rôle d'un inspecteur de police.
Yves Boisset: " Patrick est l'un des trois ou quatre acteurs que j'ai préférés. Il y a des acteurs qui composent un personnage d'une manière intellectuelle. Lui, il vivait le personnage complètement et il n'en sortait pas indemne. Il se mettait en danger. C'est pourquoi il a cette sincérité, comme Léotard. Ils allaient jusqu'au bout des choses; leur engagement était profond. Leur jeu n'a pas vieilli. C'est un jeu très moderne. "
Ce film nerveux s'inspire de l'affaire jamais résolue de l'assassinat du juge Renaud, deux ans plus tôt à Lyon, dans laquelle auraient trempé, à un niveau ou un autre, le fameux gang des lyonnais et le S.A.C. Cette faction gaulliste "chère à Charles Pasqua" (Yves Boisset), police parallèle plus ou moins fascisante, nébuleuse, sans doute, dont se réclamaient aussi des gens du Milieu, fut dissoute après l'arrivée au pouvoir de Mitterrand.
Le générique de début nous fait survoler the town avec ses grandes barres d'immeubles, la forêt de la place Jean-Jaurès, les usines, le viaduc de Carnot... La vue est superbe, la musique aussi. Et voici le personnage principal qui sort d'un pas pressé du Palais de Justice. Ce n'est pas celui de Saint-Etienne. Par contre beaucoup d'autres lieux sont stéphanois: l'intérieur de la Préfecture qui apparaît comme celui du tribunal, le site Couriot où sont situées les usines Camus, en grève au début puisque les ouvriers y tombent comme des mouches, la passerelle ferroviaire de la Terrasse, le plan d'eau de Saint-Victor, la Fac de Lettres où enseigne la compagne de Fayard...
Sans oublier l'ancienne centrale du Bec et, surtout, le tunnel du rond-point où "le capitaine", un ancien de l'O.A.S. et du Katanga - entre autres joyeusetés - braque avec son équipe un fourgon blindé. Cette séquence manque un peu de punch...
Fayard lève un lièvre après l'autre pour arriver au président d'une société de construction, ancien barbouze d'Algérie et responsable du S.A.C., et jusqu'au Secrétaire d'Etat à l'Aménagement du territoire. Noter au passage que le réalisateur s'est amusé à donner au premier personnage qui, dans le film, s'indigne du sort qui lui est fait par le petit juge alors qu'il a lutté, dit-il, pour la République, contre l'O.A.S., le nom de Degueldre, qui est justement le nom du chef des commandos Delta des tenants jusqu'au-boutistes de l'Algérie française. Tous dans le même sac...
Mais aucune vraie tête ne tombera, hormis la sienne. Il est abattu froidement, à bout portant, sur un parking. Le film s'achève à Couriot où tout l'establishment - Degueldre and co - vient assister au lancement du grand projet de reconstruction des établissements Camus...
