Ce 16 juin, le soleil, déjà estival, est au rendez-vous du Printemps de l'Archéologie. Pas moins de quatre sites sont au programme du circuit concocté par René Michel Bourdier. Il débute au milieu de nulle part, dans un pré, à Passafol, commune de Saint-Julien-la-Vêtre. A l'aide d'une barre à mine, Christian Prat soulève ce qui ressemble à une plaque d'égout et les têtes casquées se penchent sur la bouche d'entrée de ce fameux souterrain. Notre guide est spéléologue, membre de l'association "Terre et Nature", basée à Charlieu. A la Médiathèque de Saint-Etienne, il avait participé la veille à un cycle de conférences. Elles portaient en particulier sur l'antimoine, depuis l'extraction du minerai au Moyen Age à l'exploitation industrielle des mines à partir des années 1888-1889. Elles réunissaient Pierre-Christian Guiollard, Emmanuel Dransart, Gérard Bonnamour et Marc Azéma.
Quant au Charliendin, dans son exposé il évoquait tous les types de souterrains: cavités naturelles, puits, mines, carrières, aqueducs, tunnels, etc. Il illustrait son propos, quand c'était possible, d'exemples locaux, de la citerne du château des Cornes d'Urfé à la cave du curé de Chagnon, de la carrière de quartz de La Terrasse-en-Dorlay au tunnel ferroviaire de Lucé à Crémeaux en passant par l'aqueduc de Bazourge à Boisset-Saint-Priest et les mines de plomb argentifère et d'antimoine. Il rappelait donc que si notre département est riche en cavités souterraines, il ne le doit pas aux grottes, qui sont l'apanage, en particulier, des massifs calcaires. Les passages sous blocs des rochers de Peyrotine (Noirétable) restent bien modestes et les fées qui auraient habité une diaclase ouverte dans le granit, à Sail-sous-Couzan, se rappellent à peine à notre bon souvenir.
A Passafol, dans la vallée de l'Anzon, c'est par petits groupes de cinq ou six personnes que s'effectue la visite de cette étrange boyau à un anneau, long de 50 mètres environ, et dans lequel la progression ne peut se faire qu'à quatre pattes ou accroupi. C'est un souterrain de facture rurale, creusé près du sol, probablement entre le Xe et le XIIe siècle. Mais à quelle fin ? Pour s'y réfugier ? Pour y entreposer de la nourriture ? Peu probable. A des fins cultuelles ? Le mystère plane toujours sur ces souterrains qui existent en grand nombre dans la proche montagne bourbonnaise, du côté d'Arfeuilles notamment (Allier). Dans la Loire, ils ne sont connus que dans les Monts du Forez et le Pays d'Urfé. Celui de Passafol a été découvert fortuitement et a fait l'objet de fouilles archéologiques. "Il y avait un bâtiment dessus", nous dit notre guide.
Juré marque la seconde étape de notre excursion, dans ce Pays d'Urfé où culmine à 923 mètres le berceau de la célèbre famille forézienne. Anne d'Urfé, justement, dans sa "Description du païs de Forest" (XVIIe siècle), vantait le bon air qu'on y trouve encore et ses rivières "abondantes en truites et escrevisses". Les habitants, ajoutait-il, tiraient grand profit de très beaux sapins par le moyen de moulins à scie.
On fait une pause près d'un moulin-scierie qui conserve, outre ses grandes roues, un bief d'environ 40 mètres. Couvert d'une voûte en pierre, il passe sous le bâtiment de la scierie et approvisionne une turbine. Moins bucolique est le décor de la mine de galène, appelé aussi plomb argentifère ou plomb sulfuré. Mais comme le souligne notre guide, c'est "une des vraies mines de la Loire". Pas une reconstitution comme à Saint-Etienne.
Les filons de plomb étant nombreux dans le sous-sol de la région et des mines exploitées à Champoly, Saint-Marcel-d'Urfé, Grézolles, etc. Leur histoire reste attachée au nom de François de Blumenstein, au XVIIIe siècle concessionnaire des mines du Forez. La concession à laquelle la mine de Juré appartenait, dite de Saint-Martin-la-Sauveté, a été vendue au milieu du XIXe siècle. La mine fut rouverte et rajeunie dans les années 1960. A peu de distance du bourg, la galerie, où l'on patauge dans une boue oxydée, est donc un travers banc de facture récente qui permettait aux mineurs d'accéder au filon. " Elle permettait aussi de sortir les eaux d'exhaure", précise Christian Prat. On aperçoit encore dans la voûte des trous de barre à mine pour y placer la dynamite. On la parcourt aisément sur 80 mètres. Elle continue en se réduisant sur une longueur de 220 mètres. Mais cette portion ne peut être parcourue sans un équipement adapté.
Nous terminons notre petite virée "underground", au fil chronologique, à Saint-Germain-Laval sous une voûte par endroits noircie par la fumée des machines. C'est un ancien tunnel ferroviaire qui sert aujourd'hui d'entrepôt au service routier du Conseil général. Long de 220 mètres, l'ouvrage date du début des années 1910. Il avait été construit pour la voie métrique (un mètre d'écart entre les deux rails) reliant Saint-Germain à Saint-Just-en-Chevalet et qui se poursuivait ensuite dans l'Allier. Celle-ci a cessé de fonctionner sur son tronçon ligérien à la fin des années 30.