Il y a 400 ans, Françoise de Nérestang et son frère Claude échangeaient leurs abbayes. Ainsi les femmes prenaient possession de l'abbaye de la Bénisson-Dieu.
Pour célébrer cet anniversaire, les Amis de Mégemont et les Amis de l'Abbaye de la Bénisson-Dieu ont proposé une journée de fête avec animations Renaissance, chants, danses, joutes, jeux et stands de vente de produits monastiques. Une messe solennelle fut célébrée par Mgr Barbarin, archevêque de Lyon, Mgr Simon, évêque de Clermont-Ferrand et le père Remontet, curé de la paroisse.
L'abbaye cistercienne, particulièrement chérie des Comtes de Forez Gui II, Gui III et Gui IV, et plus généralement de toute la noblesse forézienne, est située près d'une rivière au carrefour des routes de Nevers à Lyon et de Beaujeu à Vichy.
A titre de comparaison, l'abbaye de Valbenoîte, également de la filiation de Cîteaux, l'était quant à elle par Bonnevaux (diocèse de Vienne). Elles étaient en tout cas, toutes les deux, la Bénisson-Dieu et Valbenoîte, des établissements d'hommes alors que la troisième abbaye cistercienne en Forez, celle de Bonlieu (un prieuré au départ), était un couvent de moniales.
L'abbé Jean Baché (voir sources) fait de Pierre de la Fin, décédé en 1504, "tout ensemble le dernier des abbés réguliers de la Bénisson-Dieu et le premier des commendataires". Ses successeurs furent nommés par le roi. Les biens étant affermés avec une part attribué au couvent et le principal réservé au titulaire. Concernant les exercices spirituels, ils devenaient l'affaire d'un religieux, le prieur claustral. L'abbé ne faisait que de rares apparitions à l'abbaye, pour quelque visite d'apparat, des affaires temporelles ou une cérémonie d'installation.
Au début du XVIIe siècle, ce qui avait été une "florissante maison" était réduite " à un si pitoyable état, que le service divin ne s'y faisait plus que très légèrement, par cinq ou six moines, mal prébendés, qui étaient contraints de pourvoir à leurs besoins matériels par la chasse et la pêche...".
C'est ce qu' écrivait le Père Chérubin, confesseur de celle qui allait devenir la première abbesse de l'abbaye royale de La Bénisson-Dieu: Françoise de Nérestang.
Elle le devint dans des circonstances très particulières. En 1609 ou 1610, un décret royal concéda à son frère, Claude de Nérestang, l'abbaye forézienne, vacante. Françoise de Nérestang était alors abbesse de Mégemont, en Auvergne. Par chance, une abbaye cistercienne, ce qui facilita le projet conçu par leur père et qui consistait à faire échanger les abbayes. Autrement dit faire déménager les uns chez les autres. Saint Bernard s'en mêla encore en apparaissant en songe à l'abbesse pour l'exhorter à accepter ce projet.
L'acte d'échange fut ratifié par lettres patentes du roi, par adhésion des abbayes-mères, le Chapitre général de l'ordre et enfin par le Pape Paul V. Le 2 juillet 1612 se produisit le double départ. Le 3 juillet, moines et moniales intégraient leur nouvelle maison.
De Mégemont, quatre soeurs sur sept avaient suivi Françoise de Nérestang. Celle-ci fut installée le sept et dès le lendemain inaugurait ses fonctions en recevant trois autres religieuses, dont sa soeur Aymare Catherine, appelée à lui succéder à sa mort (seulement cinq petits jours), et quatre novices...
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Sources: Philippe Peyron, Trois abbayes cisterciennes en Forez, XIIe - XVe siècles: La Bénisson-Dieu, Valbenoîte, Bonlieu, OPUS-CERCOM, 1986
L'auteur suggère prudemment que la communauté monastique devait être forte de trente à quarante moines, dans les meilleurs moments.
Jean Baché, L'abbaye de la Bénisson-Dieu (diocèse de Lyon), fondée par S.Bernard en 1138, restaurée et transformée par Mme de Nérestang en 1612, 1880.
Dessin de la Bénisson-Dieu, par Etienne Martellange (1618)
Photo de l'intérieur de la chapelle de la Vierge dite de Nérestang, où repose la première abbesse. Derrière les grilles en bois, les religieuses assistaient à l'office. Au-dessus, un trompe-l'oeil.